Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 12 mars et 10 août 2020, la société Hommage, représentée par Me Dominique Richard, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1809986/2-2 du 27 janvier 2020 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge intégrale des sommes mise en recouvrement à son encontre ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle a été privée de la garantie d'un débat oral et contradictoire lors des opérations de vérification de sa comptabilité ; notamment, n'ont pas été examinés sérieusement les grands livres des comptes de TVA déductible ;
- les provisions pour dépréciation de stocks remises en cause ont été dûment justifiées ; les éléments qu'elle a produits ont été écartés par l'administration et le tribunal sans aucun examen ; les provisions comptabilisées ne présentaient aucun caractère forfaitaire;
- les écritures de passif liées au compte courant de la gérante ont été justifiées sans que l'administration et le tribunal ne tiennent compte des éléments qu'elle a produits.
Par deux mémoires en défense enregistrés les 11 juin 2020 et 12 mars 2021, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les arguments relatifs à la TVA ne sont pas recevable, dès lors que seuls étaient contestés, devant le tribunal, les rappels d'impôt sur les sociétés ;
- les moyens invoqués par la société Hommage ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 23 avril 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 10 mai 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts ;
- le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bonneau-Mathelot,
- les conclusions de Mme Jimenez, rapporteure publique,
- et les observations de Me Richard, avocat de la Sarl Hommage.
Considérant ce qui suit :
1. La société Hommage, qui exerce une activité de vente d'objets mobiliers et de bibelots, anciens et neufs, à Paris 7ème, sous l'enseigne " Au Bain Marie ", relève appel du jugement n° 1809986/2-2 du 27 janvier 2020 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la réduction, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013, à la suite d'une vérification de sa comptabilité.
Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'action et des comptes publics :
2. Il résulte de l'instruction, et ce n'est pas contesté, que la réclamation initiale de la société Hommage avait pour seul objet les conséquences de la vérification de comptabilité en matière d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013 dont elle a saisi le Tribunal administratif de Paris. A défaut pour elle d'avoir contesté les rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de ces mêmes exercices, elle n'est pas recevable à demander la décharge des sommes mises en recouvrement à son encontre à ce titre et ses observations relatives à la taxe déductible sont sans portée dans le présent litige.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
3. Dans le cas où la vérification de comptabilité d'une entreprise a été effectuée, soit, comme il est de règle, dans ses propres locaux, soit, si son dirigeant ou représentant l'a expressément demandé, dans les locaux du comptable auprès duquel sont déposés les documents comptables, c'est au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat. Lorsqu'après la fin des opérations de contrôle sur place, le vérificateur obtient des pièces nouvelles, celles-ci sont présumées ne pas avoir fait l'objet d'un débat oral et contradictoire, sauf preuve contraire rapportée par l'administration. L'absence de débat, dans une telle hypothèse, n'est en principe pas de nature à affecter la régularité de la procédure d'imposition, sauf s'il apparaît que les pièces recueillies après la fin des opérations de vérification, en raison de leur teneur, de leur portée et de l'usage qui en a été fait par l'administration, impliquaient la réouverture du débat oral et contradictoire sur la comptabilité de l'entreprise.
4. D'une part, il résulte de l'instruction que la vérification de comptabilité, dont a fait l'objet la société Hommage au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013, a débuté le
28 janvier 2014, lors de la première intervention du vérificateur au siège social de la société avant de se poursuivre, à la demande de son gérant, dans les locaux du cabinet comptable, au sein duquel le vérificateur s'est rendu à deux reprises soit les 20 février et 31 mars 2014. La société requérante est dès lors présumée avoir bénéficié de la possibilité d'un débat oral et contradictoire avec le vérificateur, l'exigence d'un tel débat n'impliquant pas, dès lors que la comptabilité de la société était tenue de manière informatisée et que la société a bénéficié d'un délai suffisant pour produire les " fichiers informatisés des écritures comptables " (FEC), que les opérations de contrôle aient lieu exclusivement sur place, ni, en tout état de cause, que le vérificateur reconstitue, à partir de documents épars, une comptabilité dont il n'est pas contesté qu'elle était très incomplète. La circonstance que le vérificateur n'aurait pas inspecté le stock de la société requérante pour vérifier le bien-fondé des provisions pour dépréciation du stock est, en tout état de cause, sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition et sur la réalité du débat contradictoire, eu égard notamment aux motifs pour lesquels lesdites provisions ont été remises en cause.
5. D'autre part, il n'est pas sérieusement contesté que les fichiers informatisés des écritures comptables remis au vérificateur étaient incomplets et inexploitables, ce que le vérificateur a expressément indiqué dans un procès-verbal dressé le 23 mai 2014 dans lequel il relevait que les documents " divers et épars produits ", représentant des " éléments partiels ", ne constituaient pas une comptabilité homogène. Il est par ailleurs constant que le fichier relatif à l'exercice clos en 2011 n'a été transmis au vérificateur que le 30 avril 2014, soit après sa dernière intervention sur place, des documents complémentaires ayant dû être demandés à la société avant l'envoi de la proposition de rectifications. Il ne résulte pas de la proposition de rectifications du 22 juillet 2014 que le vérificateur se serait fondé sur les documents, notamment le fichier relatif à l'exercice clos en 2011, qui lui ont été remis après sa dernière intervention sur place, pour procéder aux rectifications, l'ensemble desdites rectifications étant motivé par l'absence de toute justification.
6. Il suit de là qu'à défaut pour la société Hommage d'établir que le vérificateur se serait refusé à tout débat oral et contradictoire pendant les opérations de vérification, le moyen tiré de la méconnaissance de cette garantie ne peut qu'être écarté.
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne les provisions pour dépréciation de stock :
7. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " 1. (...), le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. / 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. / (...). / 3. Pour l'application des 1 et 2, les stocks sont évalués au prix de revient ou au cours du jour de la clôture de l'exercice, si ce cours est inférieur au prix de revient. / (...) ". Aux termes de l'article 39 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, (...), notamment : / (...) ; / 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, (...) ".
8. Il résulte de l'instruction, notamment de la proposition de rectifications du
22 juillet 2014, que la société Hommage a déduit de son résultat fiscal des provisions pour dépréciation de stock au titre des exercices clos en 2011 et 2012, que le vérificateur a estimé comme n'ayant pas été justifiées, et qu'il a réintégrées au bénéfice imposable de la société requérante à concurrence respectives des sommes de 15 131 euros et de 107 389 euros.
9. La société Hommage soutient qu'elle a appliqué, au prix d'achat des objets dépréciés, un pourcentage estimatif de décote non forfaitaire, à l'exception de celui appliqué aux modèles de présentation et de décoration, afin qu'il corresponde à la valeur réelle de ces objets. Toutefois, il résulte de l'instruction, notamment de l'avis du 2 juillet 2015 de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires et du compte-rendu d'entretien du 8 janvier 2015 avec le chef de brigade, dans le cadre du recours hiérarchique, que la méthode suivie par la société requérante a consisté à appliquer, à la valeur du stock, des pourcentages forfaitaires, compris dans une fourchette entre 30 % et 100 %, en fonction des motifs de dépréciation retenus, regroupés en quatre catégories, à savoir " qualification de " modèle de présentation ", " méprise sur la valeur réelle de l'objet (copie, faux, " acheté trop cher "), " appréciation négative sur la qualité de l'objet (aspect esthétique, matériau) et " détérioration de l'objet (choc, brisure) ". La société Hommage n'a jamais été en mesure de présenter de livre de police, de justifier du suivi des objets exercice par exercice, ni d'établir que les prix de vente des objets dépréciés étaient inférieurs à leur prix de revient. Si elle se prévaut de l'expertise d'un commissaire-priseur du 6 avril 2015 ayant analysé et évalué son stock ainsi que du courrier du 11 janvier 2016 de ce même commissaire-priseur relatif à la vente d'objets réalisée les 15 et 16 décembre 2015, soit postérieurement à la mise en recouvrement des impositions supplémentaires en litige, ces éléments ne sont pas suffisants pour justifier les provisions pour dépréciation de stock ainsi constituées. En effet, il n'en ressort pas, de même qu'il ne résulte pas de l'instruction, que les motifs de dépréciation retenus étaient susceptibles de se rapporter à des événements survenus en cours d'exercice, ni que les provisions constituées ont été déterminées avec une approximation suffisante. Il suit de là, contrairement à ce que fait valoir la société requérante, que les provisions ainsi comptabilisées ne remplissaient pas les conditions prévues au 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts.
En ce qui concerne le passif du compte-courant d'associé du gérant :
10. Il appartient au contribuable, pour l'application de ces dispositions précitées du 2 de l'article 38 du code général des impôts, de justifier, par la production de tous éléments suffisamment précis, l'inscription d'une dette au passif du bilan de son entreprise.
11. Il résulte de l'instruction que le vérificateur a constaté, au titre de l'exercice clos en 2013, l'inscription au passif du bilan de la société Hommage d'une dette inscrite au compte-courant d'associé ouvert au nom de sa gérante, d'un montant de 319 341 euros, sans que la société ait été en mesure de la justifier. Il en est résulté une rectification à concurrence de ce montant, qui a été ramenée, dans le cadre de l'instruction de la réclamation préalable qu'elle a présentée, à la somme de 98 171 euros.
12. La société Hommage soutient qu'elle a fourni des justificatifs susceptibles de justifier de l'inscription de cette dette au passif de son bilan que ni le vérificateur ni le tribunal n'ont pris en compte. Elle se borne toutefois à mettre en cause la compétence de son ancien comptable et à se référer aux nombreux documents qu'elle indique avoir produits, sans opérer de rapprochements précis entre ces divers documents, ou, lorsqu'elle le fait, en invoquant ses seuls documents comptables, sans produire, notamment, les relevés de compte de sa gérante permettant d'effectuer des rapprochements de date et de montant avec les sommes créditées sur le compte de la société, ou en produisant un ensemble de factures, notamment de taxi, non assorties de précisions.
13. Il résulte de ce qui tout ce qui précède que la société Hommage n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter sa requête d'appel ainsi que les conclusions qu'elle a présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'Etat n'ayant pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Hommage est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Hommage et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.
Délibéré après l'audience du 30 juin 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- M. Magnard, premier conseiller,
- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juillet 2021.
Le rapporteur,
S. BONNEAU-MATHELOTLe président,
I. BROTONS
Le greffier,
S. DALL'AVA
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA00948