Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 19 avril et 6 mai 2021, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler les articles 2, 3 et 4 de ce jugement n° 2103486/8 du 16 mars 2021 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant ce tribunal.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a estimé qu'il avait entaché son arrêté d'erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas application de la clause dérogatoire prévue à l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 et qu'il avait méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; l'arrêté en litige n'ayant pas pour objet de renvoyer M. A... en Afghanistan, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de cet article 3 est inopérant ; la faculté d'examiner une demande d'asile, dont l'examen n'incombe pas à l'Etat français, relève de son pouvoir discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile ; M. A... n'établit pas que sa demande d'asile aurait été rejetée par les autorités suédoises et que ce rejet aurait acquis un caractère définitif ; il est présumé que la Suède, Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, respecte les droits fondamentaux et assure un traitement des demandes d'asile respectueux de ces droits tels qu'ils sont protégés par la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; M. A... ne produit aucun élément de nature à établir qu'il existerait des raisons sérieuses de croire à l'existence de défaillances systémiques en Suède dans la procédure d'asile ; il ne démontre pas davantage que les autorités suédoises procèderont de façon inéluctable et avec certitude à son renvoi en Afghanistan et qu'elles ne procèderont pas, notamment au titre de leurs obligations découlant de l'article 18 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 et de l'article 40 de la directive n° 2013/32/UE du 26 juin 2013, à un nouvel examen de sa demande de protection internationale dans le respect de ses droits en tant que demandeur d'asile et n'évalueront pas les risques réels et actuels de mauvais traitements qui pèseraient sur lui en cas de renvoi en Afghanistan ; les autorités suédoises ayant accepté de reprendre en charge M. A..., les mesures d'éloignement édictées antérieurement par ces autorités doivent être regardées comme caduques ; M. A... ne saurait se prévaloir des orientations jurisprudentielle des juridictions de l'Etat membre requis à l'égard de l'Afghanistan ; M. A... n'apporte, au soutien de ses affirmations sur sa nationalité ou ses origines, aucun élément précis et vérifiable ; il n'apporte par ailleurs aucune précision sur ses conditions de vie dans sa région d'origine ni aucun élément circonstancié relatif à des traitements inhumains ou dégradants qu'il aurait personnellement subis ;
- l'arrêté attaqué n'est pas entaché d'un défaut de motivation ni d'un défaut d'examen de la situation personnelle du requérant ;
- M. A... a bien reçu l'information prévu par l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- M. A... n'a pas été privé des garanties prévues par l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 lors de son entretien individuel ;
- l'arrêté n'a pas été pris en méconnaissance des articles 23 et 26 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.
La requête du préfet de police a été transmise à la dernière adresse connue de M. A..., qui n'a pas produit en défense.
Par une ordonnance du 21 mai 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 7 juin 2021 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Bonneau-Mathelot a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., qui indique être né le 8 octobre 1999 et être de nationalité afghane, a sollicité le 21 décembre 2020 son admission au séjour au titre de l'asile. La consultation du fichier " Eurodac " ayant permis d'établir que ses empreintes digitales avaient été relevées par les autorités suédoises, une demande de prise en charge a été adressée à la Suède, qui l'a acceptée le 28 janvier 2021. Par un arrêté du 9 février 2021, le préfet de police a pris à l'égard de M. A... un arrêté de transfert vers la Suède. Le préfet de police relève appel du jugement
n° 2103486/8 du 16 mars 2021 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté, lui a enjoint de délivrer à M. A... une attestation de demande d'asile en procédure normale et un formulaire de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans un délai de deux mois et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 100 euros au titre des frais d'instance.
Sur le motif d'annulation retenu par le Tribunal administratif de Paris :
2. Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / (...) ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
3. Pour annuler l'arrêté en litige contesté devant lui aux motifs que le préfet de police avait entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation en s'abstenant de faire application des dispositions dérogatoires dites " clauses discrétionnaires " mentionnées à l'article 17 précité et méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le tribunal a relevé que M. A... avait démontré, au vu d'informations précises sur l'état de la violence aveugle régnant dans sa province d'origine, qu'il encourrait du seul fait de sa situation de civil un risque pour sa sécurité et sa vie en cas de renvoi en Afghanistan, que sa demande d'asile avait été définitivement rejetée en Suède et que ce pays procédait au renvoi systématique des déboutés du droit d'asile vers leur pays d'origine.
4. Toutefois, l'arrêté en litige ne prononce pas l'éloignement de M. A... à destination de l'Afghanistan, mais seulement son transfert vers la Suède. Par ailleurs, la Suède, Etat membre de l'Union européenne, est partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que les autorités suédoises, alors même que la demande d'asile de M. A... aurait été rejetée, n'évalueront pas, avant de procéder à un éventuel éloignement de l'intéressé, les risques auxquels il serait exposé en cas de retour en Afghanistan. Par suite, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur le motif surappelé pour annuler son arrêté du 9 février 2021.
5. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal.
Sur les autres moyens soulevés par M. A... :
6. En premier lieu, en application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée.
7. Est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comporte l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.
8. L'arrêté du 9 février 2021 portant transfert de M. A... aux autorités suédoises vise notamment le règlement n° 604/2013 du Parlement européen du 26 juin 2013 et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il précise que M. A... est entré irrégulièrement sur le territoire français et s'y est maintenu sans être muni des documents et visas exigés par les textes en vigueur, que l'intéressé, de nationalité afghane, a demandé l'asile en France le 21 décembre 2020, que la comparaison de ses empreintes digitales au moyen du système " Eurodac " a révélé qu'il avait précédemment déposé une demande d'asile en Suède le 16 octobre 2015 ainsi qu'en Allemagne le 19 août 2020 et le 20 novembre 2020, puis il expose que les critères prévus par le chapitre III ne sont pas applicables à sa situation, que les autorités allemandes ont refusé de reprendre en charge l'intéressé au motif que les autorités suédoises étaient responsables du traitement de l'examen de sa demande d'asile et que ces dernières avaient été saisies le 21 janvier 2021 d'une demande de reprise en charge en application des dispositions du d) du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013, qu'elles ont acceptée le 28 janvier 2021 sur ce fondement. Une telle motivation est suffisante dès lors qu'elle permet d'identifier le critère du règlement (UE) n° 604/2013 dont il est fait application et, en l'espèce, de comprendre pour quels motifs la Suède doit être regardée comme l'Etat responsable du traitement de la demande d'asile de M. A.... Il ressort, en outre, des mentions de l'arrêté litigieux que le préfet a examiné sa situation au regard des stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et a conclu à l'absence de risque personnel de nature à constituer une atteinte grave au droit d'asile en cas de remise aux autorités de l'Etat responsable de la demande d'asile. Ainsi, l'arrêté portant transfert de M. A... aux autorités suédoises est suffisamment motivé. Il suit de là que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté litigieux ne peut qu'être écarté.
9. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier ni des termes de l'arrêté litigieux que le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen complet de la situation de M. A.... Il suit de là qu'il n'est pas fondé à soutenir que cet arrêté en litige est entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle.
10. En troisième lieu, il résulte des dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement du 26 juin 2013 doit se voir remettre, en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, entretien qui doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations, l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature de ces informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions de l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 constitue pour le demandeur d'asile une garantie.
11. Il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est vu remettre contre signature, les 21 et 22 décembre 2020, l'ensemble des informations nécessaires au suivi de sa demande et à l'engagement de la procédure de transfert, et tout particulièrement, la brochure d'information sur le règlement " Dublin III " contenant une information générale sur la demande d'asile et le relevé d'empreintes (brochure A), la brochure d'information pour les demandeurs d'asile dans le cadre de la procédure " Dublin III " (brochure B), la brochure d'information, rédigée par la Commission nationale de l'informatique et des libertés, relative à la base de données " Eurodac " ainsi que le guide du demandeur d'asile, rédigées en langue dari. La circonstance que certains documents lui aient été remis le jour de l'entretien individuel du 22 décembre 2020, après le relevé de ses empreintes, n'est pas de nature à établir qu'il aurait été privé d'une garantie procédurale quant à son droit à l'information prévu à l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 dès lors qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier que ces brochures ne lui auraient pas été remises en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police aurait méconnu les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013.
12. En quatrième lieu, il ressort du compte-rendu de l'entretien individuel du 22 décembre 2020 que M. A... a signé, qu'il a été reçu à la préfecture de police, le même jour, par un agent du 12ème bureau de la direction de la police générale de la préfecture de police, service chargé d'instruire les demandes d'asile. L'entretien a donc été mené par une personne qualifiée au sens de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 et il ressort du résumé de cet entretien que l'intéressé, qui n'a fait état d'aucune difficulté dans la compréhension de la procédure mise en œuvre à son encontre et qui était assisté d'un interprète qualifié en langue dari, intervenant pour le compte de l'association ISM Interprétariat, agréée par le ministre de l'intérieur, a pu faire valoir à cette occasion toutes observations utiles. Par ailleurs, aucun élément du dossier n'établit que cet entretien n'aurait pas été mené dans des conditions qui n'en auraient pas garanti la confidentialité. En outre, l'article 5 du règlement susvisé n'exige pas que le résumé de l'entretien individuel mentionne l'identité et la qualité de l'agent qui l'a mené et ce résumé, qui, selon cet article 5, peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type, ne saurait être regardé comme une correspondance au sens de l'article L. 111-2 du code des relations entre le public et l'administration. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que M. A... n'aurait pas bénéficié d'un entretien conformément à l'article 5 du même règlement ne peut qu'être écarté.
13. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier que le préfet de police a saisi, le 21 janvier 2021, les autorités suédoises d'une demande de reprise en charge de la demande d'asile de M. A... sur la base des résultats positifs du système " Eurodac " communiqués le 21 décembre 2020 et que, par une réponse en date du 28 janvier 2021, versée au dossier, les autorités suédoises ont accepté explicitement leur responsabilité sur le fondement des dispositions du d) du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement n° 604/2013. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 23 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.
14. En sixième et dernier lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 26 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté comme inopérant dès lors qu'il ne concerne pas la légalité de l'arrêté en litige, les seules conditions de notification de l'arrêté préfectoral portant remise aux autorités suédoises étant sans influence sur sa régularité.
15. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 9 février 2021, lui a enjoint de remettre à M. A... une attestation de demande d'asile en vue de démarches auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans le délai de deux mois suivant la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 100 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, par voie de conséquence, d'annuler les articles 2, 3 et 4 de ce jugement et de rejeter les conclusions aux fins d'annulation, d'injonction, d'astreinte et tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 présentées par M. A... devant ce tribunal.
DECIDE :
Article 1er : Les articles 2, 3 et 4 du jugement n° 2103486/8 du 16 mars 2021 du Tribunal administratif de Paris sont annulés.
Article 2 : Les conclusions à fin d'annulation, d'injonction, d'astreinte et tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 présentées par M. A... devant le Tribunal administratif de Paris sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... A....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 30 juin 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- M. Magnard, premier conseiller,
- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juillet 2021.
Le rapporteur,
S. BONNEAU-MATHELOTLe président,
I. BROTONS
Le greffier,
S. DALL'AVA
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21PA02036 2