Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 30 octobre 2020, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 2004572/3-1 du 6 octobre 2020 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant ce tribunal.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a estimé qu'il avait méconnu les dispositions de l'article
L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'à la date de la décision par laquelle il a rejeté sa demande de titre de séjour, M. A... ne pouvait se prévaloir d'aucun motif exceptionnel, ni d'aucune considération humanitaire permettant son admission exceptionnelle au séjour ;
- l'arrêté est suffisamment motivé et n'est pas entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- il ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 25 novembre 2020, M. A..., représenté par Me D... B..., demande à la Cour de rejeter la requête du préfet de police et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il remplit les conditions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il est sur le territoire français depuis 2013, qu'il n'a pas commis d'autre délit depuis cinq ans et qu'il fait preuve d'une intégration professionnelle, étant employé en qualité de cuisinier ;
- pour le reste, il maintient le bénéfice de l'ensemble de ses écritures de première instance.
Par une ordonnance du 3 février 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 février 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme E... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant vietnamien né le 1er février 1972, a fait l'objet d'un arrêté du 13 février 2020 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement n° 2004572/3-1 du 6 octobre 2020, le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté, enjoint au préfet de police de délivrer à M. A... un titre de séjour dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement, et mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Le préfet de police demande à la Cour d'annuler les articles 1er, 2 et 3 de ce jugement.
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :
2. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) ".
3. Pour annuler l'arrêté contesté devant lui, le Tribunal administratif de Paris a estimé que le préfet de police avait méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de délivrer à M. A... un titre de séjour au motif que sa présence en France constituait une menace pour l'ordre public compte tenu de sa condamnation à deux mois d'emprisonnement avec sursis prononcée par le Tribunal correctionnel de Paris le 15 juillet 2015 pour des faits de violence avec usage ou menace d'une arme sans incapacité. Il a ainsi relevé, d'une part, que les faits reprochés à M. A..., compte tenu de leur nature, de leur caractère isolé et de leur ancienneté à la date de l'arrêté attaqué, ne suffisaient pas à caractériser une menace à l'ordre public au sens des dispositions susrappelées et, d'autre part, que, dès lors que M. A... résidait en France depuis 2013 et travaillait en qualité de cuisinier sous couvert d'un contrat à durée indéterminée depuis 2017, le préfet de police avait méconnu les dispositions de l'article L.313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui délivrer un titre de séjour.
4. Toutefois, si M. A... a soutenu être entré en France le 13 septembre 2013, il n'établit pas de façon suffisamment probante résider sur le territoire français depuis cette date. Par ailleurs, s'il se prévaut d'un document Cerfa de demande d'autorisation de travail de la SAS Tien Phat du 20 janvier 2020 et d'un contrat à durée indéterminée conclu à compter du 1er novembre 2017 avec cette même société pour un poste de cuisinier à temps plein, et produit des bulletins de paie depuis le mois de novembre 2017 jusqu'à la date de l'arrêté critiqué, ces éléments ne sont pas, à eux seuls, de nature à caractériser des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels ouvrant droit à l'admission exceptionnelle au séjour en application des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, et nonobstant l'absence de menace à l'ordre public caractérisée, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a annulé son arrêté du 13 février 2020 pour les motifs susindiqués.
5. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... tant en première instance qu'en appel.
Sur les autres moyens soulevés par M. A... :
6. En premier lieu, l'arrêté attaqué vise notamment les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont les dispositions des articles
L. 313-14 et L. 511-1. Il mentionne que M. A... est ressortissant vietnamien et déclare être entré en France le 13 septembre 2013, et précise que s'il produit à l'appui de sa demande une demande d'autorisation de travail et des bulletins de salaire pour un emploi à durée indéterminée en qualité de cuisinier au sein d'un restaurant, il a été condamné par un jugement du 15 juillet 2015 du Tribunal correctionnel de Paris à une peine de deux mois d'emprisonnement avec sursis pour des faits de violence avec usage ou menace d'une arme sans incapacité. L'arrêté relève, par ailleurs, que si M. A... soutient qu'il vit en France avec sa fille majeure, qui est titulaire d'un visa long séjour étudiant valable jusqu'au 27 août 2020, cette circonstance ne lui confère aucun droit au séjour, alors même qu'il est célibataire et qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident ses parents. Dans ces conditions, l'arrêté contesté comporte l'énoncé suffisant des considérations de droit et de fait telles qu'exigées par les dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.
7. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que, lors de l'enregistrement de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour, le 22 janvier 2020, une convocation a été remise à M. A... pour le 15 juillet 2020, en vue de l'examen de cette demande. Il est constant que la décision attaquée, prise le 13 février 2020, est intervenue avant la date de la convocation de l'intéressé. Toutefois, cette décision mentionne la demande d'autorisation de travail relative à l'emploi de cuisinier occupé sous couvert d'un contrat à durée indéterminée pour une rémunération mensuelle de 1 715,39 euros ainsi que les bulletins de salaire correspondant à cet emploi au sein de la SAS Tien Phat, sise 6 rue Jean-Baptiste Dumays, dans le
XXème arrondissement, et fait état d'informations précises sur sa situation personnelle et familiale, en indiquant, notamment, qu'il a été condamné à une peine d'emprisonnement de deux mois avec sursis prononcée par une jugement du Tribunal correctionnel de Paris du 15 juillet 2015, qu'il est célibataire et réside avec sa fille majeure, titulaire d'un visa de long séjour étudiant valable du 27 août 2019 au 27 août 2020 et qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident ses parents. Il suit de là que le préfet de police, qui disposait de toutes les pièces utiles à l'appréciation de sa situation et en a précisément fait état dans la décision contestée, avant de relever qu'il n'était pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et qu'il n'établissait pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être regardé comme ayant procédé à un examen particulier de la situation du requérant, alors même que M. A... s'était vu remettre une convocation pour le 15 juillet 2020. Il suit de là que le moyen tiré de ce que le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. A... ne peut qu'être écarté.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
9. M. A... soutient qu'il réside en France depuis plus de sept ans, que sa fille majeure réside également en France et qu'elle est titulaire d'un visa long séjour étudiant, et qu'il travaille en qualité de cuisinier et bénéficie d'un contrat à durée indéterminée depuis novembre 2017. Il résulte, toutefois, des éléments rappelés au point 4. du présent arrêt, que M. A..., qui ne justifie pas de la durée de sa résidence sur le territoire français et a d'ailleurs fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement en date du 10 octobre 2018 à laquelle il n'a pas déféré, est célibataire et ne démontre pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où vivent ses parents. Par ailleurs, il ne justifie pas d'une intégration particulière dans la société française. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police a, en prenant l'arrêté contesté, porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts poursuivis par l'autorité préfectorale, chargée de la police des étrangers et donc du respect des règles régissant l'entrée et le séjour de ceux-ci en France. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.
10. En dernier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 3. et 4. du présent arrêt que, nonobstant la circonstance que les faits reprochés M. A..., qui ont donné lieu à sa condamnation à une peine d'emprisonnement de deux mois avec sursis par un jugement du Tribunal correctionnel de Paris du 15 juillet 2015, ne sont pas suffisants pour caractériser une menace à l'ordre public au sens des dispositions susrappelées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu de leur nature, de leur caractère isolé et de leur ancienneté à la date de l'arrêté attaqué, la situation personnelle et familiale de l'intéressé, telle que rappelée au point 9. ci-dessus, de même que sa situation professionnelle, telle que rappelée au point 4. du présent arrêt, ne suffisent pas à caractériser un motif exceptionnel ou des considérations humanitaires justifiant sa régularisation, au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il suit de là que le préfet de police, qui aurait pris la même décision en se fondant sur ces seuls motifs, ne peut être regardé comme ayant entaché son arrêté d'erreur manifeste d'appréciation au regard desdites dispositions.
11. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du
13 février 2020. Par voie de conséquence, il y a lieu d'annuler les articles 1er, 2 et 3 de ce jugement et de rejeter la demande présentée par M. A... devant le Tribunal administratif de Paris ainsi que ses conclusions d'appel présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Les articles 1er, 2 et 3 du jugement n° 2004572/3-1 du 6 octobre 2020 du Tribunal administratif de Paris sont annulés.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le Tribunal administratif de Paris ainsi que ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. Duc C... A....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 26 mai 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- M. Magnard, premier conseiller,
- Mme E..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juin 2021.
Le rapporteur,
S. E...Le président,
I. BROTONS
Le greffier,
S. DALL'AVA
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 20PA03153 4