Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 16 décembre 2019, la SAS Agape Gastronomie, représentée par Me A... B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris du 30 octobre 2019 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la proposition de rectification n'a pas été reçue, l'administration n'ayant pas utilisé l'adresse de correspondance qui lui avait été communiquée et qui était celle du mandataire ;
- l'avis de mise en recouvrement n'a pas été régulièrement notifié ;
- l'administration n'a en aucune façon motivé dans la proposition de rectification l'absence d'application du taux réduit au bénéfice reconstitué sur l'exercice 2013 ;
- elle répondait aux conditions prévues par l'article 219-1 du code général des impôts ;
- le tribunal ne peut en même temps priver la société de la possibilité d'imputation du crédit d'impôt et réintégrer ce crédit d'impôt à l'impôt sur les sociétés dû au titre de l'année 2013.
Par un mémoire en défense enregistré le 9 juin 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au non-lieu à statuer à concurrence des dégrèvements prononcés en cours d'instance et au rejet du surplus de la requête.
Il indique à la Cour qu'il est fait droit à la demande de la société requérante en ce qui concerne l'application du taux réduit et la restitution du crédit d'impôt, et soutient que les moyens soulevés par la SAS Agape Gastronomie à l'encontre des impositions restant en litige ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 24 novembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au
9 décembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- et les conclusions de Mme Jimenez, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SAS Agape Gastronomie, anciennement SAS Substance, qui exerce une activité de holding, est société mère d'un groupe intégré. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des exercices clos en 2013, 2014 et 2015, à l'issue de laquelle elle a été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre du seul exercice clos en 2013. Elle relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, de ces impositions.
Sur l'étendue du litige :
2. Par décision du 16 juillet 2020, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris a prononcé le dégrèvement, en droits et pénalités, à concurrence d'une somme totale de 20 750 euros, de l'impôt sur les sociétés auquel la société requérante a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2013, ledit dégrèvement résultant de l'application du taux réduit d'impôt sur les sociétés et de la restitution du montant revendiqué de crédit d'impôt. Les conclusions de la requête relatives à cette imposition sont, dans cette mesure, devenues sans objet.
Sur l'imposition restant en litige :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) ".
4. Pour l'application de ces dispositions, lorsque le mandat donné à un conseil ou à tout autre mandataire par un contribuable pour l'assister dans ses relations avec l'administration ne contient aucune mention expresse habilitant le mandataire à recevoir l'ensemble des actes de la procédure d'imposition, ce mandat n'emporte pas élection de domicile auprès de ce mandataire. Dans ce cas, l'administration n'entache pas la procédure d'imposition d'irrégularité en notifiant l'ensemble des actes de la procédure au contribuable, alors même que le mandat confie au mandataire le soin de répondre à toute notification de redressements, d'accepter ou de refuser tout redressement.
5. Il résulte de l'instruction que la proposition de rectification en date du 16 décembre 2016 a été remise en mains propres le même jour au représentant légal de la société requérante ainsi que l'atteste la signature portée sur ce document, identique à celle figurant sur le mandat général signé par l'intéressé le 15 septembre 2016. La circonstance que le président de la SAS Substance a donné, en sa qualité de représentant légal de la société, un mandat à un
expert-comptable du cabinet Vendôme Expertise Comptable pour représenter la société au cours du contrôle est au demeurant sans portée dès lors que ce mandat ne comporte aucune mention expresse habilitant le mandataire à recevoir l'ensemble des actes de la procédure d'imposition et permettant de regarder le mandat comme emportant élection de domicile du contribuable auprès de son mandataire. Le courrier électronique en date du 13 octobre 2016 émanant du cabinet d'expertise comptable, demandant que l'adresse de ce cabinet soit notée comme adresse de correspondance, ne saurait être regardé comme un document émanant du représentant légal de la société habilitant le mandataire à recevoir l'ensemble des actes de la procédure d'imposition. A supposer que ce courrier électronique puisse être regardé comme une indication valable de la nouvelle adresse de correspondance de la société requérante, la circonstance que cette adresse n'ait pas été utilisée pour l'envoi de la proposition de rectification est dépourvue de portée dès lors qu'ainsi qu'il vient d'être dit, ce document a été réceptionné par le représentant légal de la société. Le moyen tiré de l'irrégularité de la notification de la proposition de rectification doit par suite être écarté.
6. En second lieu, aux termes de l'article R. 256-6 du livre des procédures fiscales : " La notification de l'avis de mise en recouvrement comporte l'envoi au redevable, soit au lieu de son domicile, de sa résidence ou de son siège, soit à l'adresse qu'il a lui-même fait connaître au service compétent de la direction générale des finances publiques ou au service des douanes et droits indirects compétent, de l'"ampliation" prévue à l'article R. 256-3. (...). ". Aux termes de l'article R. 256-7 du même livre : " L'avis de mise en recouvrement est réputé avoir été notifié : (...) b) Lorsque la lettre recommandée n'a pu être distribuée du fait du redevable, le jour où en a été faite la première présentation. ".
7. Il résulte de la combinaison des textes précités que l'avis de mise en recouvrement, titre exécutoire authentifiant la créance de l'administration qui, d'une part, interrompt la prescription de l'action en répétition et, d'autre part, ouvre le délai de la prescription de l'action en recouvrement pour les sommes qui sont énoncées sur ce titre, ne produit ces effets qu'à compter de la date à laquelle il a été régulièrement notifié au contribuable concerné. Il résulte de l'instruction que les impositions litigieuses ont été mises en recouvrement le 31 janvier 2017 et que l'avis de mise en recouvrement a été adressé à la société requérante au 6 rue du Mont-Thabor Paris 1er, adresse à laquelle le pli, présenté le 9 février 2017, n'a pas été réclamé malgré le dépôt d'un avis d'instance, et a été retourné aux services à l'issue du délai d'instance. Le ministre admet toutefois dans ses écritures que le transfert du siège social de la société à une nouvelle adresse avait été enregistré au service des impôts des entreprises (SIE) de Paris 1er arrondissement le 23 janvier 2017. Par suite, la notification, le 9 février 2017, du document en cause ne peut être regardée comme régulière alors même que ce n'est qu'à la date du 1er mars 2017 que la publication du transfert au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC) est intervenue. Il résulte toutefois de l'instruction que la société requérante a été mise en possession de l'avis de mise en recouvrement lors de la communication, le 17 juillet 2018, du mémoire en défense de l'administration fiscale devant le Tribunal administratif de Paris et qu'elle en disposait le 16 décembre 2019, date d'enregistrement de sa requête d'appel, ledit avis étant joint à cette requête. La société requérante ayant été mise en possession de l'avis de mise en recouvrement avant l'expiration du délai de reprise interrompu par la proposition de rectification en date du 16 décembre 2016, l'irrégularité de la notification de cet avis le 9 février 2017 est par suite dépourvue de portée, les irrégularités affectant les modalités de notification de la décision d'imposition étant, sauf en ce qui concerne la prescription, sans influence sur la régularité de l'imposition ou le bien-fondé de celle-ci.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Agape Gastronomie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus de sa demande. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête de la SAS Agape Gastronomie à hauteur des dégrèvements prononcés en cours d'instance.
Article 2 : L'Etat versera à la SAS Agape Gastronomie une somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus de la requête de la SAS Agape Gastronomie est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Agape Gastronomie et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.
Délibéré après l'audience du 7 avril 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- M. C..., premier conseiller,
- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 avril 2021.
Le rapporteur,
F. C...Le président,
I. BROTONS
Le greffier,
I. BEDR
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA04073