Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire ampliatif enregistrés les 6 novembre et 2 décembre 2020, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 2005117/3-1 du 6 octobre 2020 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. C... devant le tribunal.
Il soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que l'arrêté contesté était entaché d'erreur manifeste d'appréciation, M. C... ayant, au demeurant, utilisé une fausse pièce d'identité italienne pour exercer un emploi en France.
Par un mémoire en défense enregistré le 22 février 2021, M. C..., représenté par Me D..., demande à la Cour de rejeter le recours du préfet de police, d'enjoindre audit préfet de lui délivrer un titre de séjour " salarié ", subsidiairement de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
Il soutient que l'appel du préfet est tardif, et reprend les moyens qu'il invoquait en première instance.
Par une ordonnance du 22 février 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 mars 2021.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord du 9 octobre 1987 entre le gouvernement de la République français et le gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant marocain, né le 1er janvier 1983 a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié, sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 et de l'article L.313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 11 février 2020, le préfet de police a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office. Par un jugement n° 2005117/3-1 du 6 octobre 2020, dont le préfet de police relève appel, le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté, enjoint au préfet de police de délivrer à M. C... un titre de séjour portant la mention " salarié " dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement, et mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :
2. Pour annuler l'arrêté contesté devant lui, le tribunal a estimé, au vu de la situation de
M. C..., qu'en refusant d'exercer son pouvoir de régularisation, le préfet de police avait entaché son arrêté d'erreur manifeste d'appréciation.
3. Lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou des stipulations d'une convention bilatérale, il est loisible au préfet d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation sur le fondement d'une autre disposition ou stipulation. Il peut, en outre, exercer le pouvoir discrétionnaire qui lui appartient, dès lors qu'aucune disposition expresse ne le lui interdit, et régulariser la situation d'un étranger en lui délivrant le titre qu'il demande ou un autre titre, compte tenu de l'ensemble des éléments de sa situation personnelle, dont il justifierait. Ainsi, dans l'hypothèse où un étranger sollicite la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié ", il est loisible au préfet, après avoir constaté que l'intéressé ne remplit pas les conditions pour l'obtenir, telles que celles prévues à l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, soit de lui délivrer un titre sur le fondement d'une autre disposition du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou de cet accord, s'il remplit les conditions qu'elle prévoit, soit, dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire de régularisation, de lui délivrer, compte tenu de l'ensemble de sa situation personnelle, le titre qu'il demande ou un autre titre.
4. Il ressort des pièces du dossier que M. C..., titulaire d'un diplôme de
boulanger-pâtissier délivré au Maroc en 2014, entré en France le 23 février 2016, muni d'un visa de trente jours, exerce de manière continue, depuis le mois de septembre 2016, un emploi de boulanger-pâtissier, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée signé avec la SARL Mont Serrat puis la Sarl KLM Oberkampf. Il perçoit une rémunération de 1 490,92 euros bruts par mois, a par ailleurs suivi une formation spécialisée au sein de l'école gastronomique Bellouet Conseil en 2019 et est titulaire d'un contrat de bail depuis le 1er février 2019. Dans les circonstances particulières de l'espèce, eu égard à l'insertion professionnelle de l'intéressé dans son domaine de qualification, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé qu'en rejetant la demande de régularisation présentée par M. C..., le préfet de police avait entaché son arrêté d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cet arrêté sur la situation personnelle de l'intéressé, alors même que celui-ci aurait fait usage d'une fausse carte d'identité lors de son premier recrutement.
5. Il résulte de ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 11 février 2020 et lui a enjoint de délivrer un titre de séjour à M. C.... Sa requête doit dès lors être rejetée.
Sur les autres conclusions présentées par M. C... devant la Cour :
6. Les conclusions à fin d'injonction sous astreinte présentées devant la Cour par
M. C... sont sans objet, l'injonction sollicitée à titre principal ayant déjà été prononcée par le tribunal. Enfin, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. C... dans la présente instance, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à M. C... la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées devant la Cour par M. C... sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... C....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 7 avril 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme B..., président de chambre,
- M. Magnard, premier conseiller,
- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 avril 2021.
Le président-rapporteur,
I. B...L'assesseur le plus ancien,
F. MAGNARD
Le greffier,
I. BEDR
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA03268