Procédure devant la Cour :
I - Par une requête enregistrée le 16 décembre 2020, sous le n° 20PA03990, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler les articles 2, 3 et 4 de ce jugement n° 2016969/8 du 12 novembre 2020 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. D... devant ce tribunal.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a estimé que son arrêté n'était pas motivé et l'a, pour ce motif annulé ; l'arrêté du 2 octobre 2020 vise les textes applicables et précise que M. D... a sollicité l'asile en Allemagne le 4 avril 2016, que les autorités norvégiennes ont été saisies d'une demande de reprise en charge le 24 août 2020 sur le fondement des dispositions du b) du 1 de l'article 18 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, qu'elles ont refusée au motif que l'Allemagne était devenue responsable de l'examen de la demande d'asile de M. D..., que les critères du chapitre III ne sont pas applicables à sa situation et qu'en application des dispositions du d) du 1 de l'article 18 du règlement, les autorités allemandes doivent être regardées comme responsables de l'examen de sa demande d'asile ; l'arrêté précise, en outre, que M. D... ne rentre pas dans le champ d'application des dérogations prévues aux articles 3-2 ou 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ; cette motivation répond aux exigences fixées par le Conseil d'Etat dans son avis n° 420900 du 7 décembre 2008 et dans sa décision n° 416823 du même jour ; la circonstance que l'arrêt ne mentionne pas que M. D... avait déposé une première demande d'asile en Norvège est sans incidence ;
- pour le reste, il s'en remet à ses écritures de première instance.
Par un mémoire en défense enregistré le 11 février 2021, M. D..., représenté par Me B... C..., demande à la Cour de rejeter la requête du préfet de police, d'annuler l'arrêté du 2 octobre 2020 du préfet de police, d'enjoindre au préfet compétent de l'admettre au séjour au titre de l'asile et de lui délivrer un livret OFPRA dans un délai de vingt-quatre heures suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard et de lui délivrer une attestation de demande d'asile pendant la durée de l'examen de sa demande d'asile ou, à défaut, d'enjoindre au préfet compétent de procéder au réexamen de sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à Me C..., sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que les moyens invoqués par le préfet de police ne sont pas fondés.
Par décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 15 février 2021, M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Par une ordonnance du 12 janvier 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 5 mars 2021.
II - Par une requête enregistrée le 16 décembre 2020, sous le n° 20PA03991, le préfet de police demande à la Cour de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 2016969/8 du 12 novembre 2020 du Tribunal administratif de Paris.
Il soutient que les moyens qu'il invoque sont sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation du jugement attaqué, le rejet de la demande présentée par M. D... devant le Tribunal administratif de Paris.
Par un mémoire en défense enregistré le 10 février 2021, M. D..., représenté par Me B... C..., demande à la Cour de rejeter la requête et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à Me C... sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que les moyens invoqués par le préfet de police ne sont pas fondés.
Par décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 15 février 2021, M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Par une ordonnance du 12 février 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 5 mars 2021.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme F... a été entendu au cours de l'audience publique.
M. D..., présent, n'a pas présenté d'observations.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., qui indique être né le 1er janvier 1991 et être de nationalité somalienne, s'est présenté aux services de la préfecture de police le 20 août 2020 aux fins d'enregistrement d'une demande de protection internationale. Par un arrêté du 2 octobre 2020, le préfet de police a décidé son transfert aux autorités allemandes, responsables de l'examen de sa demande d'asile. Par la requête susvisée n° 20PA03990, le préfet de police relève appel du jugement n° 2016969/8 du 12 novembre 2020 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté et, par la requête n° 20PA03991, en demande le sursis à exécution.
2. Les requêtes nos 20PA03990 et 20PA03991 portant sur le même jugement et ayant fait l'objet d'une instruction commune, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
Sur la requête n° 20PA03990 :
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :
3. Aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...). / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. / (...) ".
4. Selon l'avis n° 420900 du 7 décembre 2018 du Conseil d'Etat, lorsqu'une personne a antérieurement présenté une demande d'asile sur le territoire d'un autre Etat membre, elle peut être transférée vers cet Etat, à qui il incombe de la reprendre en charge, sur le fondement des b), c) et d) du paragraphe 1 de l'article 18 du chapitre V et du paragraphe 5 de l'article 20 du chapitre VI du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Cet avis expose en outre qu'est suffisamment motivée, au sens des dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une décision de transfert qui mentionne le règlement (UE) n° 604/2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application. L'avis précise à titre d'exemple que, s'agissant d'un étranger ayant, dans les conditions posées par le règlement, présenté une demande d'asile dans un autre Etat membre et devant, en conséquence, faire l'objet d'une reprise en charge par cet Etat, doit être regardée comme suffisamment motivée la décision de transfert qui, après avoir visé le règlement, relève que le demandeur a antérieurement présenté une demande dans l'Etat en cause, une telle motivation faisant apparaître qu'il est fait application du b), c) ou d) du paragraphe 1 de l'article 18 ou du paragraphe 5 de l'article 20 du règlement.
5. En l'espèce, l'arrêté contesté vise, notamment, la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la convention de Genève du 28 juillet 1951, le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il mentionne que M. D... a demandé l'asile en France le 20 août 2020 et que ses empreintes, comparées aux bases de données européennes, ont révélé qu'il avait précédemment déposé une demande d'asile en Allemagne le 4 avril 2016. Cet arrêté mentionne également que les autorités allemandes ont été saisies le 24 août 2020 d'une demande de reprise en charge de l'intéressé en application des dispositions du b) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 et qu'elles ont accepté leur responsabilité par un accord du 28 août 2020 en application des dispositions du d) du 1 de ce même article 18. Il indique enfin qu'au vu des éléments de fait et de droit caractérisant la situation de M. D..., sa situation ne relève pas des critères du chapitre III et des dérogations prévues par les articles 3-2 ou 17 du règlement (UE) n° 604/2013, qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au respect de son droit à la vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et enfin, qu'il n'établit pas de risque personnel constituant une atteinte grave au droit d'asile en cas de remise aux autorités de l'Etat responsable de sa demande d'asile. Si l'arrêté n'expose pas que M. D... a été signalé en tant que demandeur d'asile auprès des autorités norvégiennes, qui ont décliné leur responsabilité le 26 août 2020, la motivation de l'arrêté contesté a été suffisante pour permettre à M. D... de contester utilement, à l'appui de ses conclusions à fin d'annulation, le bien-fondé de l'Etat saisi et celui du critère retenu par le préfet de police. Dans ces conditions, l'arrêté satisfait à l'exigence de motivation qu'imposent les dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il permet d'identifier le critère de responsabilité dont il est fait application. Dans ces conditions, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a annulé son arrêté du 2 octobre 2020 pour insuffisance de motivation.
6. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D... devant la Cour et le Tribunal administratif de Paris.
Sur les autres moyens soulevés par M. D... :
7. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier ni des termes de l'arrêté litigieux que le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen complet de la situation de M. D.... Il suit de là qu'il n'est pas fondé à soutenir que cet arrêté en litige est entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle.
8. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. D... s'est vu remettre, le 20 août 2020, l'ensemble des informations nécessaires au suivi de cette demande et à l'engagement de la procédure de transfert, et tout particulièrement, la brochure d'information sur le règlement " Dublin III " contenant une information générale sur la demande d'asile et le relevé d'empreintes (brochure A), la brochure d'information pour les demandeurs d'asile dans le cadre de la procédure " Dublin III " (brochure B), la brochure d'information, rédigée par la Commission nationale de l'informatique et des libertés, relative à la base de données " Eurodac " ainsi que le guide du demandeur d'asile, rédigées en langues somali et anglaise. Si M. D... a soutenu devant le tribunal qu'il n'aurait pas reçu les éléments d'information requis par les dispositions de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 dans une langue qu'il comprend, il ressort des pièces du dossier que, lors de l'entretien individuel réalisé en langue somali, langue dans laquelle il avait demandé à être entendu, il a confirmé comprendre les termes de cet entretien et n'a émis aucune réserve lors de la remise des brochures dans cette langue. Il n'a, par ailleurs, émis aucune réserve lors de la remise du guide du demandeur d'asile en langue anglaise. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que M. D... n'aurait pas reçu dans une langue qu'il comprend, les éléments d'information requis par les dispositions de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ne peut qu'être écarté.
9. En troisième lieu, il ressort du compte-rendu de l'entretien individuel du 20 août 2020 que M. D... a signé, qu'il a été reçu à la préfecture de police, le même jour, par un agent de la préfecture. L'entretien a donc été mené par une personne qualifiée au sens de l'article 5 du règlement n° 604/2013du 26 juin 2013 et il ressort du résumé de cet entretien que l'intéressé, qui n'a fait état d'aucune difficulté dans la compréhension de la procédure mise en oeuvre à son encontre et qui était assisté d'un interprète qualifié en langue somali, intervenant pour le compte de l'association ISM Interprétariat, agréée par le ministre de l'intérieur, a pu faire valoir à cette occasion toutes observations utiles. Par ailleurs, l'article 5 de ce règlement n'exige pas que le résumé de l'entretien individuel mentionne l'identité et la qualité de l'agent qui l'a mené et ce résumé, qui, selon cet article 5, peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type, ne saurait être regardé comme une correspondance au sens de l'article L. 111-2 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, la circonstance que la qualification ainsi que la qualité et l'identité de l'agent ayant mené l'entretien n'apparaît pas sur le résumé de l'entretien individuel mené avec M. D... est sans incidence sur la régularité de la procédure suivie.
10. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / (...) ".
11. D'une part, contrairement à ce que soutient M. D..., il ressort des pièces du dossier que le document émanant de la direction générale des étrangers en France du 20 août 2020 relève que les recherches sur le fichier " Eurodac " à partir du relevé décadactylaire de M. D... ont révélé que les empreintes de celui-ci sont identiques à celles relevées le 4 avril 2016 par les autorités allemandes sous le numéro DE 1 160405 LUB 01197, soit en catégorie 1, demandeur d'asile. Il en résulte que l'intéressé ne peut être regardé que comme ayant déposé nécessairement une demande d'asile en Allemagne.
12. D'autre part, l'arrêté en litige ne prononce pas l'éloignement de M. D... à destination de la Somalie, mais seulement son transfert vers l'Allemagne. Par ailleurs, l'Allemagne, Etat membre de l'Union européenne, est partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que les autorités allemandes n'évalueront pas, avant de procéder à un éventuel éloignement de l'intéressé, les risques auxquels il serait exposé en cas de retour en Somalie.
13. Il suit de là que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ne peut qu'être écarté.
14. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 2 octobre 2020 par lequel il a prononcé le transfert de M. D... vers l'Allemagne. Il y a lieu, par voie de conséquence, d'annuler les articles 2, 3 et 4 de ce jugement et de rejeter les conclusions à fin d'annulation, d'injonction et tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 présentées par M. D... devant ce tribunal ainsi que ses conclusions d'appel.
Sur la requête n° 20PA03991 :
15. La Cour se prononçant, par le présent arrêt, sur la requête n° 20PA03990 du préfet de police tendant à l'annulation des articles 2, 3 et 4 du jugement n° 2016969/8 du 12 novembre 2020 du Tribunal administratif de Paris, il n'y a plus lieu de statuer sur la requête n° 20PA03991 par laquelle le préfet de police sollicite le sursis à exécution de ce jugement.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 20PA3991.
Article 2 : Les articles 2, 3 et 4 du jugement n° 2016969/8 du 12 novembre 2020 du Tribunal administratif de Paris sont annulés.
Article 3 : Les conclusions à fin à fin d'annulation, d'injonction et tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 présentées par M. D... devant le Tribunal administratif de Paris ainsi que ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... D....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 7 avril 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- M. Magnard, premier conseiller,
- Mme F..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 avril 2021.
Le rapporteur,
S. F...Le président,
I. BROTONS
Le greffier,
I. BEDR
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.4
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Nos 20PA03990...