Procédure devant la Cour :
I - Par une requête enregistrée sous le n° 20PA03151 le 29 octobre 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1913990/3 du 2 octobre 2020 du Tribunal administratif de Montreuil ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... D... devant ce tribunal.
Il soutient que :
- il a procédé à un examen réel et sérieux de la situation personnelle de M. A... D... ;
- il n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'a commis aucune erreur d'appréciation ;
- l'arrêté en litige n'a pas été pris par une autorité compétente ;
- il n'a commis ni erreur de droit ni erreur manifeste dans l'appréciation de la situation de M. A... D... au regard des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- il n'a commis ni erreur de droit ni erreur manifeste dans l'appréciation de la situation de M. A... D... au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il était fondé à prononcer une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an en application des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que M. A... D... a fait l'objet d'un refus de titre de séjour et qu'il s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement du 29 novembre 2017.
La requête a été communiquée à M. A... D... ainsi qu'à son avocat désigné au titre de l'aide juridictionnelle. M. A... D... a produit des pièces enregistrées les 7, 25, 27,
30 novembre 2020 et 8 décembre qui ont été communiquées au préfet de la Seine-Saint-Denis, puis le 24 décembre 2020.
M. A... D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Bobigny du 14 janvier 2021.
Par ordonnance du 9 février 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 9 mars 2021.
Des pièces complémentaires ont été déposées le 2 avril 2021, après clôture, par Me C..., avocat de M. A... D....
II - Par une requête, enregistrée sous le n° 20PA03152 le 29 octobre 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement n° 1913990/3 du 2 octobre 2020 du Tribunal administratif de Montreuil.
Il soutient que les conditions fixées par l'article R. 811-15 du code de justice administrative sont remplies.
La requête a été communiquée à M. A... D... qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 portant application de la loi sur l'aide juridictionnelle ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B... ;
- et les observations de Me C... et de M. A... D....
Une note en délibéré a été déposée pour M. A... D... le 10 avril 2021.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... D..., ressortissant comorien né le 28 décembre 1985, a fait l'objet d'un arrêté du 20 septembre 2019 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a assorti ces décisions d'une interdiction de retour sur le territoire pour une durée de deux ans et a fixé le pays de destination. Par un jugement n° 1913990/3 du 2 octobre 2020, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté, enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer à M. A... D... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement, et mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Par la première requête susvisée, le préfet de la Seine-Saint-Denis relève appel de ce jugement et par la seconde, en demande le sursis à exécution.
2. Les requêtes nos 20PA03151 et 20PA03152, présentées par le préfet de la Seine-Saint-Denis ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :
3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
4. Pour annuler l'arrêté contesté devant lui par M. A... D..., le tribunal a estimé qu'eu égard à la situation de l'intéressé sur le territoire français, le préfet de la Seine-Saint-Denis avait méconnu les stipulations précitées. Il ressort du dossier que M. A... D..., qui a déclaré être entré en France le 1er avril 2008, s'est marié le 6 juillet 2018 avec une compatriote titulaire d'une carte de séjour provisoire, avec laquelle il a eu deux enfants, nés le 22 février 2016 et le 4 avril 2018.
M. A... D... justifie, par des pièces précises et concordantes, jointes au dossier de première instance ou produites devant la Cour et communiquées au préfet, d'une vie commune avec son épouse depuis au moins trois ans à la date de l'arrêté contesté ainsi que d'une contribution au soutien affectif et financier des deux enfants du couple, avec lesquels il réside, notamment d'une prise en charge des frais liés à la scolarité de l'aîné. Par ailleurs, il est le père d'un enfant français, né en 2011 d'une précédente union, avec lequel il entretient, à tout le moins, des relations régulières. Enfin, contrairement à ce que soutient le préfet de la Seine-Saint-Denis, M. A... D... justifie d'une insertion, notamment par la participation active et remarquée à plusieurs associations, notamment de lutte contre la délinquance juvénile et par la recherche active d'un emploi. Il suit de là que l'intéressé doit être regardé, dans les circonstances de l'espèce, comme ayant établi le centre de ses intérêts personnels et familiaux sur le territoire français. C'est dès lors à bon droit que les premiers juges ont estimé que l'arrêté contesté devant eux portait, au droit de M. A... D... au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il avait été pris, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
5. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé son arrêté du 20 septembre 2019. Il y a lieu, par suite, de rejeter sa requête d'appel, enregistrée sous le n° 20PA01351.
Sur la requête n° 20PA03152 :
6. La Cour se prononçant, par le présent arrêt, sur la requête du préfet de de la Seine-Saint-Denis tendant à l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Montreuil du 2 octobre 2020, il n'y a plus lieu de statuer sur la requête n° 20PA03152 tendant au sursis à exécution de ce jugement.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 20PA03152.
Article 2 : La requête n° 20PA03151 du préfet de la Seine-Saint-Denis est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. E... A... D....
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 7 avril2021, à laquelle siégeaient :
- Mme B..., président de chambre,
- M. Magnard, premier conseiller,
- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 avril 2021.
Le président-rapporteur,
I. B...L'assesseur le plus ancien,
F. MAGNARD
Le greffier,
I. BEDR
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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Nos 20PA03151...