Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 17 janvier 2018, le préfet de Seine-et-Marne demande à la Cour d'annuler ce jugement n° 1709190 en date du 22 décembre 2017 du Tribunal administratif de Melun.
Il soutient que :
- que c'est à tort que le premier juge a refusé d'admettre qu'il avait requis les autorités italiennes aux fins de reprise de la demande d'asile de M.A..., dès lors qu'il produit devant la Cour l'accusé de réception Dublinet qui justifie de cette saisine et de l'accord implicite de l'Italie ;
La requête a été communiquée au M. C... B...A..., qui n'a pas présenté de mémoire en défense malgré la mise en demeure qui lui a été adressée le 11 avril 2018.
Par ordonnance du 23 mai 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 4 juin 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relatif à la création d'Eurodac ;
- le règlement (UE) n°604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;
- le règlement d'exécution (UE) n°118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 modifiant le règlement (CE) n°1560/2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n°343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers ;
- le règlement d'exécution (UE) n°118/2014 de la commission du 30 janvier 2014 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Appèche a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M.A..., de nationalité bangladaise, entré selon ses dires sur le territoire français le 5 juin 2017, a fait connaître aux services de la préfecture de Seine-et-Marne son intention de solliciter son admission au séjour au titre de l'asile et s'est vu remettre, le
10 juillet 2017, une attestation de demande d'asile " procédure Dublin " ; que l'introduction dans le fichier Eurodac des empreintes digitales de l'intéressé relevées en France ayant montré que celui-ci avait déjà fait l'objet de deux relevés d'empreintes l'un en Hongrie et l'autre en Italie, le préfet de Seine-et-Marne a, par un arrêté du 21 novembre 2017, décidé son transfert aux autorités italiennes en vue de la reprise en charge, par celles-ci de sa demande d'asile ; que par un jugement n° 1709190
du 22 décembre 2017, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a, à la demande M.A..., annulé cet arrêté ; que le préfet de Seine-et-Marne, doit être regardé comme demandant l'annulation des articles 1er et 3 du jugement n° 1709190 du 22 décembre 2017 du Tribunal administratif de Melun, et le rejet de la demande présentée par M. A...devant ce tribunal dirigée contre l'arrêté de transfert aux autorités italiennes ;
Sur le moyen d'annulation retenu par le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun :
2. Considérant que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a annulé la décision du préfet de Seine-et-Marne au motif que cette décision était intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière ; qu'il a, en effet, estimé que, si cette décision faisait mention de l'acceptation implicite de l'Italie de reprendre en charge la demande d'asile de M.A..., l'autorité préfectorale ne produisait pas de justificatif probant démontrant qu'elle avait bien requis les autorités compétentes italiennes à cette fin et ne justifiait donc pas d'un tel accord tacite ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'autorité administrative estime que l'examen d'une demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat qu'elle entend requérir, l'étranger bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la fin de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1 mentionne la procédure dont il fait l'objet. Elle est renouvelable durant la procédure de détermination de l'Etat responsable et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat. / Le présent article ne fait pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne dont l'examen de la demande relève de la compétence d'un autre Etat. " ; qu'aux termes de l'article L. 742-3 du même code : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. Cette décision est notifiée à l'intéressé. Elle mentionne les voies et délais de recours ainsi que le droit d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix. Lorsque l'intéressé n'est pas assisté d'un conseil, les principaux éléments de la décision lui sont communiqués dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend " ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 13 du règlement n° 604/2013 du 23 juin 2013 : " 1. Lorsqu'il est établi, sur la base de preuves ou d'indices tels qu'ils figurent dans les deux listes mentionnées à l'article 22, paragraphe 3, du présent règlement, notamment des données visées au règlement (UE) n° 603/2013, que le demandeur a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d'un Etat membre dans lequel il est entré en venant d'un Etat tiers, cet Etat membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. Cette responsabilité prend fin douze mois après la date du franchissement irrégulier de la
frontière. " ; qu'aux termes de l'article 18 dudit règlement : 1. L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de: -a)prendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 21, 22 et 29, le demandeur qui a introduit une demande dans un autre État membre;-b)reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre (...) " ; qu'aux termes de l'article 21 du même règlement : " L'Etat membre auprès duquel une demande de protection internationale a été introduite et qui estime qu'un autre Etat membre est responsable de l'examen de cette demande peut, dans les plus brefs délais et, en tout état de cause, dans un délai de trois mois à compter de la date d'introduction de la demande au sens de l'article 20, paragraphe 2, requérir cet autre Etat membre aux fins de prise en charge du demandeur. Nonobstant le premier alinéa, en cas de résultat positif (" hit ") Eurodac (...), la requête est envoyée dans un délai de deux mois à compter de la réception de ce résultat positif (...). Si la requête aux fins de prise en charge d'un demandeur n'est pas formulée dans les délais fixés par le premier et le deuxième alinéa, la responsabilité de l'examen de la demande de protection internationale incombe à l'Etat membre auprès duquel la demande a été introduite. (...) " ; qu'aux termes de l'article 22 du même règlement : " (...) / 7. L'absence de réponse à l'expiration du délai de deux mois mentionné au paragraphe 1 et du délai d'un mois prévu au paragraphe 6 équivaut à l'acceptation de la requête et entraîne l'obligation de prendre en charge la personne concernée, y compris l'obligation d'assurer une bonne organisation de son arrivée. " ; qu'aux termes de l'article 23 dudit règlement : " 1. Lorsqu'un État membre auprès duquel une personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), a introduit une nouvelle demande de protection internationale estime qu'un autre État membre est responsable conformément à l'article 20, paragraphe 5, et à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), il peut requérir cet autre État membre aux fins de reprise en charge de cette personne./ 2. Une requête aux fins de reprise en charge est formulée aussi rapidement que possible et, en tout état de cause, dans un délai de deux mois à compter de la réception du résultat positif Eurodac ("hit"), en vertu de l'article 9, paragraphe 5, du règlement (UE) no 603/2013./ Si la requête aux fins de reprise en charge est fondée sur des éléments de preuve autres que des données obtenues par le système Eurodac, elle est envoyée à l'État membre requis dans un délai de trois mois à compter de la date d'introduction de la demande de protection internationale au sens de l'article 20, paragraphe 2./ 3. Lorsque la requête aux fins de reprise en charge n'est pas formulée dans les délais fixés au paragraphe 2, c'est l'État membre auprès duquel la nouvelle demande est introduite qui est responsable de l'examen de la demande de protection internationale.(...) " ; / 4. Une requête aux fins de reprise en charge est présentée à l'aide d'un formulaire type et comprend des éléments de preuve ou des indices tels que décrits dans les deux listes mentionnées à l'article 22, paragraphe 3, et/ou des éléments pertinents tirés des déclarations de la personne concernée, qui permettent aux autorités de l'État membre requis de vérifier s'il est responsable au regard des critères définis dans le présent règlement. " ; qu'aux termes de l'article 25 dudit règlement : "1. L'État membre requis procède aux vérifications nécessaires et statue sur la requête aux fins de reprise en charge de la personne concernée aussi rapidement que possible et en tout état de cause dans un délai n'excédant pas un mois à compter de la date de réception de la requête. Lorsque la requête est fondée sur des données obtenues par le système Eurodac, ce délai est réduit à deux semaines. / 2. L'absence de réponse à l'expiration du délai d'un mois ou du délai de deux semaines mentionnés au paragraphe 1 équivaut à l'acceptation de la requête, et entraîne l'obligation de reprendre en charge la personne concernée, y compris l'obligation d'assurer une bonne organisation de son arrivée.(...) " ; qu'aux termes de l'article 25 dudit règlement : " 1. L'État membre requis procède aux vérifications nécessaires et statue sur la requête aux fins de reprise en charge de la personne concernée aussi rapidement que possible et en tout état de cause dans un délai n'excédant pas un mois à compter de la date de réception de la requête. Lorsque la requête est fondée sur des données obtenues par le système Eurodac, ce délai est réduit à deux semaines./ 2. L'absence de réponse à l'expiration du délai d'un mois ou du délai de deux semaines mentionnés au paragraphe 1 équivaut à l'acceptation de la requête, et entraîne l'obligation de reprendre en charge la personne concernée, y compris l'obligation d'assurer une bonne organisation de son arrivée. " ;
5. Considérant que, le préfet de Seine-et-Marne produit pour la première fois devant la Cour, un relevé d'échange de courriels démontrant la réception, sur la messagerie Dublinet du correspondant italien chargé des procédures dites " Dublin ", d'un message concernant M.A..., car portant la même référence RDUB27703120163770 soit l'identifiant personnel de l'intéressé, et provenant, par le biais de l'application Dublinet, de l'administration française ; que cet accusé de réception du 19 septembre 2017 établit qu'à cette date, l'administration a bien requis les autorités compétentes italiennes à fin de reprise en charge de la demande d'asile de M. A...et que, par conséquent, le préfet de Seine-et-Marne disposait bien, à la date de l'arrêté de transfert litigieux, le 21 novembre 2017, d'un accord implicite de l'Italie ; qu'il suit de là que le préfet de Seine-et-Marne est fondé à soutenir que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a, pour un motif erroné, annulé son arrêté du 21 novembre 2017;
6. Considérant que M. A...ayant, à la suite de l'arrêté litigieux, fait l'objet d'une assignation à résidence, il y a toujours lieu pour la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par l'intéressé à l'appui de sa demande de première instance ;
Sur les autres moyens invoqués par M. A...devant le tribunal administratif :
En ce qui concerne la décision de remise aux autorités italiennes :
7. Considérant qu'il ressort des termes de l'arrêté litigieux, qui comporte l'énoncé des considérations de droits et de fait sur lesquelles sont auteur s'est fondé pour prendre les décisions qu'il contient, que cet arrêté est intervenu après un examen de la situation particulière de M.A... ;
8. Considérant qu'en se bornant à faire état de considérations générales sur l'afflux de réfugiés en Italie, et les difficultés de ce pays pour assurer leur accueil, M. A...n'établit pas que le préfet aurait commis une illégalité en ne décidant pas de poursuivre l'examen de sa demande d'asile comme le prévoit l'article 3-2 du règlement UE n° 604/2013 lorsqu'il existe, dans l'Etat membre normalement responsable de cette procédure, des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs ; que M.A..., qui n'apporte aucun élément précis et probant à l'appui de ses allégations, n'est pas davantage fondé à soutenir qu'il serait personnellement exposé, en Italie, à des traitements prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
9. Considérant que les moyens tiré de l'erreur de droit et de l'erreur manifeste d'appréciation, invoqués par M. A...devant le tribunal administratif, ne sont assortis d'aucune précision permettant à la Cour d'en apprécier le bien-fondé ; qu'ils ne peuvent par suite qu'être écartés ;
En ce qui concerne l'assignation à résidence :
10. Considérant qu'en se bornant à soutenir, sans aucune autre précision que la décision l'assignant à résidence porte une atteinte disproportionnée à son droit de circuler librement et à son droit à une défense équitable, M. A...ne met pas la Cour à même d'apprécier le bien-fondé de son moyen, qui ne peut, par suite qu'être écarté ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de Seine-et-Marne est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a annulé les décisions en date du 21 novembre 2017 prises à l'encontre de M A..., et à obtenir l'annulation dudit jugement et le rejet de la demande présentée par M. A...devant ce tribunal ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1709190 du 22 décembre 2017, du Tribunal administratif de Melun est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de Melun est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C...B...A....
Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne.
Délibéré après l'audience du 7 novembre 2018, où siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- Mme Appèche, président assesseur,
- M. Magnard, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 21 novembre 2018.
Le rapporteur,
S. APPECHELe président,
I. BROTONS
Le greffier,
S. DALL'AVA
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 18PA00201