Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 19 septembre 2018, la société La Route des Langues, représentée par C/M/A... / bureau Francis Lefebvre, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1613639/2-3 du 19 juillet 2018 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler la décision de rejet du 7 juillet 2016 ainsi que celle ayant conduit l'administration à déférer d'office la réclamation présentée le 19 décembre 2016 ;
3°) de prononcer la restitution de la somme de 32 724 euros au titre de la période du
1er janvier au 31 décembre 2013, assortie du paiement des intérêts moratoires, et de la somme de 180 509 euros au titre de la période du 1er janvier 2014 au 30 juin 2016, assortie du paiement des intérêts moratoires ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a commis une erreur de droit en lui refusant le bénéfice des dispositions de l'article 259 A, 5°-a du code général des impôts en ce qu'elles transposent en droit français les dispositions issues de l'article 54, 1 de la directive 2006/112/CE ; son activité consiste à proposer à sa clientèle des formations en complète immersion dans le cadre de séjours linguistiques à l'étranger, qui sont des prestations " ayant pour objet" des activités éducatives ou culturelles en vue de l'amélioration de la pratique d'une langue étrangère ; il s'agit donc de prestations éducatives et culturelles, qui plus est réalisées à l'étranger ;
- le tribunal a commis une erreur de droit en refusant de répondre au moyen tiré de la jurisprudence " Dagorn " rendue par votre Cour ;
- l'absence " d'exécution matérielle " de la prestation éducative ou culturelle par elle-même ne peut lui être opposée pour lui refuser le bénéfice des dispositions de l'article 54, l de la directive 20061l12/CE, sans méconnaître le droit communautaire, cet article faisant seulement référence à l'endroit où ces activités ont effectivement lieu ;
- le juge commet une erreur manifeste d'appréciation en considérant que la facturation a été réalisée de façon forfaitaire par assimilation à la pratique d'une agence de voyage ; le transport ainsi que l'accueil et le transfert à l'étranger entre l'aéroport d'arrivée et le centre de formation peuvent être proposés de manière optionnelle, si le client en fait la demande ; cette prestation fait l'objet d'une facturation séparée et s'avère très accessoire à l'activité d'enseignement des langues ;
- elle est en droit d'obtenir la restitution de la taxe qu'elle a indûment versée, dès lors que les prestations qu'elle sert sont exonérées.
Par une décision du 11 avril 2019, le président de la chambre a décidé qu'il n'y avait pas lieu à instruction, en application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive n° 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006,
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Appèche,
- les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public,
- et les observations de Me Guillaume Viardot, avocat de la société La Route des Langues.
Considérant ce qui suit :
1. La société à responsabilité limitée (SARL) La Route des Langues, qui a pour activité l'organisation de voyages et de séjours linguistiques à l'étranger destinés à des enfants, des étudiants et des adultes, a déposé des déclarations de taxe sur la valeur ajoutée au titre de l'année 2013, établies en application du régime d'imposition sur la marge des agents de voyage. Par une décision du 7 juillet 2016, l'administration fiscale a rejeté la réclamation qu'elle a présentée le 29 décembre 2015 tendant à la remise en cause de l'application de ce régime et à la restitution de la taxe qu'elle estimait avoir payée à tort pour un montant de 32 724 euros pour la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2013. La société La Route des Langues a saisi le
6 septembre 2016, le Tribunal administratif de Paris du litige. En cours d'instance, le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris a soumis au tribunal, en application de l'article R. 199-1 du livre des procédures fiscales, la réclamation du
19 décembre 2016 par laquelle la SARL La Route des Langues demandait la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée, d'un montant total de 180 509 euros selon elle indûment payée, pour la période du 1er janvier 2014 au 30 juin 2016. La société La Route des Langues relève appel du jugement n° 1613639/2-3 du 19 juillet 2018 par lequel le tribunal a rejeté sa demande ainsi que sa réclamation déférée d'office par l'administration fiscale et doit être regardée comme demandant à la Cour de prononcer les restitutions de taxe sur le chiffre d'affaires sollicitées dans ses demande et réclamation.
2. Aux termes de l'article 259 du code général des impôts : " Le lieu des prestations de services est situé en France : / 1° Lorsque le preneur est un assujetti agissant en tant que tel et qu'il a en France : / a) Le siège de son activité économique (...) ". L'article 259 A du même code ajoute que : " Par dérogation à l'article 259, est situé en France le lieu des prestations de services suivantes : / (...) 5° Lorsqu'elles sont matériellement exécutées ou ont effectivement lieu en France : / a) Les prestations de services fournies à une personne non assujettie ayant pour objet des activités culturelles, (...) éducatives, (...) y compris les prestations de services des organisateurs de telles activités, ainsi que les prestations de services accessoires à ces activités (...) ". L'article 266 de ce code précise que la base d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée est constituée : "1. (...) -e) pour les opérations d'entremise effectuées par les agences de voyages et les organisateurs de circuits touristiques, par la différence entre le prix total payé par le client et le prix facturé à l'agence ou à l'organisateur, par les entrepreneurs de transports, les hôteliers, les restaurateurs, les entrepreneurs de spectacles et les autres assujettis qui exécutent matériellement les services utilisés par le client ".
3. Les dispositions rappelées ci-dessus procèdent de la correcte et complète transposition en droit interne de la directive susvisée n° 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006.
4. En effet, d'une part, dans sa sous-section 4 concernant les " Prestations de services culturels et similaires, prestations de services accessoires aux transports ou rattachées à des biens meubles corporels ", cette directive dispose en son article 52 que : " Le lieu des prestations de services suivantes est l'endroit où la prestation est matériellement exécutée: -a) les activités culturelles, artistiques, sportives, scientifiques, d'enseignement, de divertissement ou similaires, y compris celles des organisateurs de telles activités ainsi que, le cas échéant, les prestations de services accessoires à ces activités ; -b) les activités accessoires aux transports, telles que chargement, déchargement, manutention et activités similaires ; -c) les expertises ou les travaux portant sur des biens meubles corporels. " et ajoute en son article 53 que " Par dérogation à l'article 52, point b), le lieu des prestations de services ayant pour objet des activités accessoires à des transports intracommunautaires de biens, fournies à des preneurs identifiés à la TVA dans un État membre autre que celui sur le territoire duquel ces prestations sont matériellement exécutées, est réputé se situer sur le territoire de l'État membre qui a attribué au preneur le numéro d'identification TVA sous lequel le service lui a été fourni. ". L'article 54 précise que : " Le lieu d'une prestation de services effectuée par un intermédiaire qui agit au nom et pour le compte d'autrui, lorsqu'il intervient dans la fourniture de prestations de services ayant pour objet des activités accessoires est le lieu d'exécution matérielle de la prestation accessoire (...) ".
5. Toutefois, d'autre part, aux termes de l'article 306 de cette même directive : " 1. Les Etats membres appliquent un régime particulier de la TVA aux opérations des agences de voyages conformément au présent chapitre, dans la mesure où ces agences agissent en leur propre nom à l'égard du voyageur et lorsqu'elles utilisent, pour la réalisation du voyage, des livraisons de biens et des prestations de services d'autres assujettis. / (...). / 2. Au sens du présent article, sont également considérés comme agences de voyages les organisateurs de circuits touristiques. ". L'article 307 de ladite directive précise que : " Les opérations effectuées (...) par l'agence de voyages pour la réalisation du voyage sont considérées comme une prestation de service unique de l'agence de voyages au voyageur. / La prestation unique est imposée dans l'Etat membre dans lequel l'agence de voyages a établi le siège de son activité économique ou un établissement stable à partir duquel elle a fourni la prestation de services. ". L'article 307 dispose que : " Les opérations effectuées, dans les conditions prévues à l'article 306, par l'agence de voyages pour la réalisation du voyage sont considérées comme une prestation de services unique de l'agence de voyages au voyageur. / La prestation unique est imposée dans l'État membre dans lequel l'agence de voyages a établi le siège de son activité économique ou un établissement stable à partir duquel elle a fourni la prestation de services. ". L'article 308 précise que : " Pour la prestation de services unique fournie par l'agence de voyages, est considérée comme base d'imposition et comme prix hors TVA, au sens de l'article 226, point 8), la marge de l'agence de voyages, c'est-à-dire la différence entre le montant total, hors TVA, à payer par le voyageur et le coût effectif supporté par l'agence de voyages pour les livraisons de biens et les prestations de services d'autres assujettis, dans la mesure où ces opérations profitent directement au voyageur. ".
6 La société requérante soutient qu'elle est en droit de bénéficier des dispositions du a du 5° de l'article 259 A, en ce qu'elles transposent en droit français les dispositions issues de l'article 54, 1 de la directive 2006/112/CE, dès lors que son activité, consistant à proposer à sa clientèle en vue de l'amélioration de la pratique d'une langue étrangère, des formations en complète immersion dans le cadre de séjours linguistiques à l'étranger, relève bien de la fourniture de prestations portant sur des activités éducatives ou culturelles ou à tout le moins accessoires à de telles activités. Elle en déduit que ces activités étant réalisées à l'étranger, et non en France, elles ne sont pas imposables dans ce pays.
7. Toutefois, la société La Route des Langues propose de manière habituelle à ses clients, des séjours linguistiques à l'étranger, comprenant des cours dispensés dans des écoles et établissements de formation, l'hébergement avec ou sans repas au sein d'un établissement scolaire, d'une résidence ou d'une famille d'accueil, ainsi que le prix du transport. Alors même que les clients ne souscrivent pas toujours, en sus des prestations d'enseignement linguistique, aux prestations d'hébergement et de transport, ces dernières prestations sont néanmoins systématiquement proposées, ne représentent pas une part simplement accessoire par rapport au montant correspondant aux premières, et sont également acquises par la société requérante auprès d'autres assujettis. Dans ces conditions, et sans qu'il importe que les différentes prestations apparaissent de manière distincte sur les factures délivrées à ses clients par la société La Route des Langues, son activité, qui ne se borne pas à proposer une prestation culturelle ou d'enseignement, doit être regardée comme une activité d'organisation de voyages mettant en relation le client, élève, étudiant ou autre, l'hébergeur et l'établissement d'enseignement, et proposant à ce titre une prestation qui, en vertu de régime particulier applicable, doit être considérée comme une prestation de service unique. Par suite, la société requérante, qui ne peut utilement se prévaloir de ce que l'hébergement et l'enseignement proposés sont situés à l'étranger, n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait acquitté à tort la taxe sur la valeur ajoutée calculée sur la marge, à raison des opérations susdécrites réalisées au titre de la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2013 et de celle allant du 1er janvier 2014 au 30 juin 2016.
8. En conséquence, la société La Route des Langues n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a refusé de faire droit à ses conclusions tendant à la restitution d'un montant de taxe sur la valeur ajoutée de respectivement 32 724 euros et 180 509 euros au titre des périodes concernées. Les conclusions de la requête tendant à l'annulation du jugement et à la restitution de la taxe litigieuse assortie des intérêts moratoires doivent, par suite, être rejetées. Il en va de même, par voie de conséquence, de celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'Etat n'ayant pas dans la présente instance la qualité de partie perdante.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société La Route des Langues est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société La Route des Langues.
Copie en sera adressée au ministre de l'action et des comptes publics et au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.
Délibéré après l'audience du 12 juin 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- Mme Appèche, président assesseur,
- M. Magnard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 26 juin 2019.
Le rapporteur,
S. APPECHELe président,
I. BROTONS
Le greffier,
P. LIMMOIS
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 18PA03136 2