Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 21 décembre 2020 et un mémoire en réplique enregistré le 15 mars 2021, Mme C..., représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1905546 du 22 octobre 2020 du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler la décision du 8 avril 2019 du ministre de l'intérieur ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de l'autoriser à entrer sur le territoire français, ou, à défaut, dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, de procéder au réexamen de sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le ministre de l'intérieur ne pouvait se fonder sur son signalement au fichier des personnes recherchées pour lui interdire l'entrée sur le territoire français ;
- le signalement la concernant dans le fichier des personnes recherchées fait état d'une usurpation d'identité ; il se déduisait des différences existant sur les documents administratifs la concernant et ceux relatifs à son état civil qu'elle n'était pas la personne visée par l'interdiction d'entrée sur le territoire ;
- elle justifie être entrée en France à douze reprises depuis le 15 avril 1999, date du jugement du tribunal de grande instance de Bobigny prononçant l'interdiction de retour sur le territoire ; à la date de cette condamnation, elle exerçait déjà ses fonctions auprès du Haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés ; elle n'a, enfin, jamais indiqué au gardien de la paix de la police aux frontières que sa tante avait utilisé de faux documents afin de permettre son entrée sur le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 mars 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun moyen n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code pénal ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ressortissante canadienne née le 16 août 1974 au Rwanda, est arrivée le 8 avril 2019 à l'aéroport Roissy - Charles de Gaulle, en provenance d'Afrique du Sud où elle réside. A l'issue d'un contrôle par un agent de la police de l'air et des frontières, elle a été placée en zone d'attente et a fait l'objet d'une décision de refus d'entrée sur le territoire français.
Mme C... relève appel du jugement du 22 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
2. Aux termes de l'article L. 213-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'accès au territoire français peut être refusé à tout étranger dont la présence constituerait une menace pour l'ordre public ou qui fait l'objet soit d'une peine d'interdiction judiciaire du territoire, soit d'un arrêté d'expulsion, soit d'une interdiction de retour sur le territoire français, soit d'une interdiction de circulation sur le territoire français, soit d'une interdiction administrative du territoire ". Aux termes de l'article 131-30 du code pénal : " Lorsqu'elle est prévue par la loi, la peine d'interdiction du territoire français peut être prononcée, à titre définitif ou pour une durée de dix ans au plus, à l'encontre de tout étranger coupable d'un crime ou d'un délit. (...)". Alors qu'il appartient aux fonctionnaires de police chargés du contrôle aux frontières de s'assurer, sans commettre d'erreur de fait manifeste, qu'un étranger peut entrer sur le territoire national, il résulte de ces dispositions, qu'en présence d'une interdiction du territoire français prononcée par le juge judiciaire, l'administration est tenue de refuser à la personne qui en a fait l'objet l'entrée sur le territoire français.
3. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du fichier national des personnes recherchées ainsi que des mentions figurant sur le bulletin n°2 du casier judiciaire de l'intéressée, qu'une personne dénommée " Dishime ", dont le prénom, la date et le lieu de naissance sont les mêmes que ceux de la requérante et coïncident avec ceux qui figurent sur ses documents d'identité, a été condamnée, à titre principal, à une peine d'interdiction définitive du territoire français, par un jugement du 15 avril 1999 du tribunal correctionnel de Bobigny, pour usage de faux dans un document administratif constatant un droit. Si Mme C... soutient que cette condamnation ne la concerne pas et que son identité a été usurpée, les divergences concernant l'identité de ses parents, mentionnés dans le bulletin n°2 comme " Cahunga " et " Mutega Odette " et dans le fichier national des personnes recherchées comme " Dishime Epaphrodite " et " Mutega Odette " alors que son livret de famille et son passeport indiquent " Gahunga Epaphrodite " et " Mukankwiro Véronique ", ne sont pas si manifestes que l'existence d'une confusion entre deux personnes différentes devait nécessairement s'en déduire. Par ailleurs, la circonstance que l'intéressée ait pu se rendre sur le territoire français à plusieurs reprises depuis le jugement du tribunal correctionnel de Bobigny est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée. Dans ces conditions, la décision du ministre de l'intérieur n'est pas fondée sur des éléments manifestement erronés et elle n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. Il est par ailleurs loisible à Mme C..., qui se dit victime d'une usurpation d'identité, de saisir l'autorité judiciaire pour qu'elle rectifie l'erreur qui entacherait la décision judiciaire qui fonde le refus d'entrée sur le territoire français.
4. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de refus d'entrée sur le territoire du 8 avril 2019. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... C... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience publique du 20 avril 2021, à laquelle siégeaient :
- M. B..., président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme A..., premier conseiller,
- Mme Mornet, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 mai 2021.
Le rapporteur,
M-D. A... Le président de la formation de jugement,
Ch. B... Le rapporteur,
Ch. B...Le président,
M. B...
Le greffier,
E. MOULIN
Le greffier,
A. DUCHER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 10PA03855
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N°20PA04117