Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 10 février 2021, M. B..., représenté par Me David, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 14 janvier 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 30 novembre 2020 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités autrichiennes ;
3°) d'enjoindre au préfet de police d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la lecture de l'arrêt et sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au bénéfice de Me David en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- les premiers juges ont omis de se prononcer sur le bien-fondé du moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué était entaché d'incompétence dès lors que l'arrêté n°2020-01003 du 23 novembre 2020 portant délégation de la signature préfectorale au sein de la direction de la police générale n'a pas été signé par le préfet de police et que rien ne permet d'établir que Mme A... C... avait dans ses attributions la signature des arrêtés de transfert ;
- l'arrêté attaqué n'est pas suffisamment motivé ; sa situation n'a pas fait l'objet d'un examen sérieux ;
- il n'a pas reçu toutes les informations utiles ; il n'est pas établi qu'il aurait eu connaissance de l'intégralité des brochures d'information comme exigé par l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 ;
- en s'abstenant de faire application des dispositions de l'article 17 du règlement (UE)
n° 604/2013, le préfet de police a commis une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'arrêté attaqué méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'il sera éloigné vers l'Afghanistan en cas de retour en Autriche.
En application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées, par courrier du 29 juillet 2021, de ce que la cour était susceptible de relever d'office qu'il n'y avait pas lieu de statuer, l'arrêté du 30 novembre 2020 étant devenu caduc à l'expiration du délai de six mois prévu pour la remise aux autorités autrichiennes.
Par un mémoire enregistré le 30 juillet 2021, M. B..., représenté par Me David, indique à la cour que le délai de six mois dans lequel l'arrêté de transfert devait être exécuté a été porté à dix-huit mois du fait de son placement en état de fuite, au sens des dispositions de l'article 29.2 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.
Par un mémoire enregistré le 13 septembre 2021, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Par une décision du 28 avril 2021, le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Paris a accordé à M. B... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de Genève du 28 juillet 1951,
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003,
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013,
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013,
- la convention d'application de l'accord de Schengen signée le 19 juin 1990,
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne,
- le code des relations entre le public et l'administration,
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme E... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. F... B..., alias M. F... D..., ressortissant afghan né le 20 avril 1994, a sollicité le 27 septembre 2019 son admission au séjour au titre de l'asile. La consultation du fichier Eurodac ayant révélé qu'il avait déposé le 17 octobre 2015 une demande d'asile auprès des autorités autrichiennes, le préfet de police a saisi ces dernières le 1er octobre 2019 d'une demande de reprise en charge de l'intéressé. Elles ont implicitement accepté cette demande le 25 novembre 2018. Par un arrêté du 30 novembre 2021, le préfet de police a décidé de leur remettre M. B.... Ce dernier relève appel du jugement du 14 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Avant l'expiration du délai de six mois imparti pour procéder à la réadmission, le préfet de police a, en application des dispositions de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, notifié aux autorités autrichiennes l'extension à dix-huit mois du délai de réadmission, M. B... étant selon lui en situation de fuite. Cette situation de fuite n'a pas été contestée par l'intéressé. La requête n'est donc pas privée d'objet.
Sur la régularité du jugement :
3. La contestation de la réponse apportée par le tribunal au moyen tiré de ce que l'arrêté est entaché d'une méconnaissance de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ainsi qu'à celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise le préfet de police en s'abstenant de faire application des dispositions de l'article 17 du règlement du règlement (UE) n° 604/2013 et le moyen tiré d'une méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, relève du bien-fondé et non de la régularité du jugement.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. En premier lieu, l'arrêté attaqué a été signé par Mme G... A... C... H..., attachée principale d'administration de l'État, qui disposait d'une délégation de signature à cette fin, consentie par un arrêté n°2020-01003 du 23 novembre 2020 régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de Paris. Contrairement à ce que soutient le requérant, cet arrêté fixe avec une précision suffisante l'objet et l'étendue des compétences déléguées.
5. En deuxième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration, applicable aux actes réglementaires en vertu de l'article L. 200-1 de ce code : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci ". M. B... soutient que l'arrêté de délégation de signature du 23 novembre 2020 ne comporte pas la signature du préfet de police. Toutefois, le préfet de police a produit un exemplaire signé de l'arrêté du 23 novembre 2020. Par suite, ce moyen manque en fait.
6. En troisième lieu, M. B... reprend les moyens, soulevés en première instance, tirés de l'insuffisance de motivation de l'arrêté et du défaut d'examen de sa situation personnelle, sans apporter d'élément nouveau de fait ou de droit, de nature à remettre en cause le bien-fondé du jugement attaqué sur ces points. Dans ces conditions, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, d'écarter ces moyens ainsi réitérés devant la cour.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
8. D'une part, l'arrêté contesté a seulement pour objet de renvoyer M. B... en Autriche et non en Afghanistan, son pays d'origine. L'Autriche, État membre de l'Union européenne, est partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il n'est pas établi ni même sérieusement soutenu qu'il existerait des raisons sérieuses de croire à l'existence de défaillances systémiques en Autriche dans la procédure d'asile, ou que les demandes d'asile des intéressés ne seront pas traitées dans des conditions respectant l'ensemble des garanties exigées par le droit d'asile. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que les autorités autrichiennes, alors même que sa demande d'asile aurait été définitivement rejetée, n'évalueront pas, avant de procéder à son éventuel éloignement, les risques auxquels serait exposé M. B... en cas de retour en Afghanistan. Enfin, le requérant ne produit aucun document de nature à établir qu'ils seraient personnellement exposés à des risques de traitements inhumains et dégradants en cas de transfert aux autorités autrichiennes.
9. D'autre part, la faculté laissée à chaque État membre par l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans ce règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile. En l'espèce, il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'en s'abstenant de faire usage de cette faculté, le préfet de police aurait entaché ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation.
10. Enfin, M. B... soulève le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 34 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 au motif que le préfet n'aurait pas communiqué avec les autorités autrichiennes. Toutefois, un tel moyen est inopérant dès lors que les dispositions dudit article, qui ouvrent aux États membres la faculté de se communiquer mutuellement des informations relatives aux demandeurs de protection internationale, ne permettent pas à ces demandeurs d'exiger cette communication. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 30 novembre 2020. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet de police.
Délibéré après l'audience publique du 28 septembre 2021 à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,
- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 octobre 2021.
La rapporteure,
G. E...Le président,
I. LUBEN
Le greffier,
É. MOULIN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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21PA00690