Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 16 décembre 2020, le préfet de police demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée M. C... devant le tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a estimé que sa décision était entachée d'une méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les autres moyens soulevés par M. C... devant le tribunal administratif ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée à M. C..., qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- l'arrêté du 27 décembre2016, relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R.313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... C..., ressortissant péruvien, est né le 30 décembre 1994. Le 27 mars 2019, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile auprès du préfet de police. Par un arrêté du 8 octobre 2019, le préfet a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, et a fixé son pays de destination. Le préfet de police relève appel du jugement du 19 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".
3. Pour refuser à M. C... la délivrance du titre de séjour sollicité sur le fondement de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de police s'est fondé sur l'avis du collège de médecins du 27 août 2019, qui a indiqué que, si l'état de santé de M. C..., qui est notamment traité pour une infection au VIH, nécessite une prise en charge médicale et que le défaut de celle-ci peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ce dernier " eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié " et " peut voyager sans risque vers [son] pays d'origine ". Pour contester l'avis de ce collège de médecins, M. C... soutenait en première instance qu'il ne pourrait bénéficier du traitement approprié dans son pays d'origine et produisait plusieurs documents, dont la liste nationale des médicaments essentiels au Pérou établie par le ministre de la santé le 26 janvier 2010, qui ne comprend qu'une seule des quatre molécules utilisées dans son traitement. Toutefois, le préfet de police produit en appel la liste nationale des médicaments essentiels au Pérou établie par le ministre de la santé le 28 décembre 2018, qui indique que les quatre molécules que comporte le traitement de M. C... sont désormais disponibles. Il ressort ainsi des pièces du dossier que M. C... peut disposer d'un accès au traitement que requiert son état de santé au Pérou. Il suit de là qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de police n'a pas méconnu ces dispositions.
4. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... devant le tribunal administratif de Paris.
Sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour :
5. En premier lieu, aux termes des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) " et " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".
6. M. C... soutient que l'arrêté attaqué serait entaché d'un défaut de motivation dès lors que le préfet de police s'est borné à reprendre les termes de l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) et a fait usage de formules stéréotypées. Toutefois, l'arrêté du 8 octobre 2019 comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Ainsi, le préfet vise notamment la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont l'article L. 511-1. Il motive le refus de titre de séjour en reprenant à son compte l'avis du collège des médecins et en constatant que l'intéressé " peut bénéficier de l'admission au séjour au titre de l'article L. 313-11 11° ", et fait état de sa situation personnelle en France et de la présence de ses parents et de sa fratrie au Pérou. Il ne ressort pas d'une telle motivation que le préfet aurait entaché sa décision d'un défaut d'examen de la situation personnelle de l'intéressé ou se serait cru en situation de compétence liée à l'égard de l'avis du collège de médecins. Dès lors, les moyens tirés du défaut de motivation, du défaut d'examen de la situation personnelle de l'intéressé et de l'erreur de droit que le préfet aurait commise en s'estimant en situation de compétence liée doivent être écartés.
7. En deuxième lieu, l'avis du collège des médecins de l'OFII, produit en première instance par le préfet de police, comporte l'ensemble des mentions prévues par les dispositions de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé et est signé par les trois médecins composant le collège. En outre, il ressort de la décision du 18 juillet 2019 du directeur général de l'OFII, et notamment de son annexe 1, également produite par le préfet en première instance, que les trois médecins signataires de l'avis du 27 août 2019 figurent sur la liste des médecins désignés pour participer au collège à compétence nationale. Enfin, il ressort des pièces du dossier, notamment de l'avis rendu par le collège de médecins de l'OFII, que le rapport médical relatif à l'état de santé de M. C... prévu à l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été établi par un premier médecin dont le nom figure sur l'avis et a été soumis au collège de médecins. Ce collège, au sein duquel ont siégé trois autres médecins, a émis son avis dans le respect des dispositions des articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment dans le respect de la règle selon laquelle le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. Par suite, le moyen tiré d'un vice de procédure au regard de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 doit être écarté.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 212-3 du code des relations entre le public et l'administration : " Les décisions de l'administration peuvent faire l'objet d'une signature électronique. Celle-ci n'est valablement apposée que par l'usage d'un procédé, conforme aux règles du référentiel général de sécurité mentionné au I de l'article 9 de l'ordonnance n° 2005-1516 du
8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives, qui permette l'identification du signataire, garantisse le lien de la signature avec la décision à laquelle elle s'attache et assure l'intégrité de cette décision ".
9. M. C... soutient que l'avis rendu par les membres du collège de médecins de l'OFII n'est pas régulièrement signé dès lors qu'il n'est pas démontré par le préfet que les signatures électroniques figurant sur l'avis auraient été apposées de manière régulière et suivant un processus d'authentification. Toutefois, l'avis du collège de médecins de l'OFII n'étant pas au nombre des actes relevant du champ d'application de l'article L. 212-3 du code des relations entre le public et l'administration, dont le respect ne s'impose qu'aux décisions administratives, la méconnaissance des dispositions de l'ordonnance du 8 décembre 2005 et du décret du 28 septembre 2017 ne peut être utilement invoquée. Au surplus, alors même que l'administration n'a justifié du respect d'aucun procédé d'identification par l'OFII des signatures des médecins, les pièces produites par le requérant ne suffisent pas à faire douter de ce que l'avis, dont les mentions font foi jusqu'à preuve du contraire, a bien été rendu par ses auteurs. Le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure doit donc être écarté.
10. En quatrième lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1.- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2.- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
11. M. C... soutient qu'il bénéficie en France d'un suivi médical qui a commencé sur le territoire français, dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et que le centre de ses attaches personnelles se situe désormais en France. Toutefois, M. C... n'établit pas, ainsi qu'il a été dit au point 3 du présent arrêt, qu'il ne pourrait bénéficier d'un traitement médical approprié à sa pathologie. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ait constitué en France des liens d'une intensité particulière. Enfin,
M. C... n'est pas dépourvu d'attaches familiales au Pérou où vivent ses parents et sa fratrie. Dans ces conditions, eu égard à la durée et aux conditions de séjour en France de M. C..., la décision contestée n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas non plus entachée d'une erreur d'appréciation de sa situation personnelle.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
12. En premier lieu, le refus de délivrance de titre de séjour n'étant pas illégal, M. C... ne peut exciper de l'illégalité de cette décision pour demander l'annulation de la décision l'obligeant à quitter le territoire français.
13. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ".
14. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 3 du présent arrêt, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
15. En premier lieu, l'obligation de quitter le territoire français n'étant pas illégale, M. C... ne peut exciper de son illégalité pour demander l'annulation de la décision fixant le pays de destination.
16. En deuxième lieu, il ressort des termes mêmes de la décision contestée qu'elle comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision fixant le pays de destination au regard des dispositions de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ne peut qu'être écarté.
17. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " et que ce dernier texte stipule que " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".
18. Les moyens tirés de ce que la décision fixant le pays de renvoi méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peuvent qu'être écartés, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier, comme il a déjà été dit, que le traitement médical que doit suivre M. C... n'est pas indisponible dans ce pays.
19. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté en date du 8 octobre 2019.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n°2014581 du 19 novembre 2020 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A... C... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet de police.
Délibéré après l'audience publique du 18 mai 2021 à laquelle siégeaient :
- M. Bernier, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Jayer, premier conseiller,
- Mme B..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 mai 2021.
Le rapporteur,
G. B...
Le président,
Ch. BERNIERLe greffier,
E. MOULIN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA03993