Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 22 mars 2021, le préfet de police demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 19 février 2021 ;
2°) de rejeter la demande de M. C....
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a estimé que la décision portant obligation de quitter le territoire avait méconnu les dispositions de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les autres moyens soulevés par M. C... devant le tribunal administratif ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée à M. C..., qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. La demande d'asile de M. E... C..., ressortissant bangladais, entré en France le 25 février 2018 selon ses déclarations, a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 31 décembre 2018. Ce rejet a été confirmé par une décision du 27 octobre 2020 de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Par un arrêté du 2 novembre 2020, le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Le préfet de police relève appel du jugement du 19 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :
2. Aux termes de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé dans le délai prévu à l'article L. 731-2 contre une décision de rejet de l'office, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de notification de celle-ci (...). ". Ces dispositions, issues du 1° de l'article 12 de la loi du 10 septembre 2018, s'appliquent, aux termes du II de l'article 71 de cette loi, " aux décisions rendues par la Cour nationale du droit d'asile à compter du premier jour du troisième mois suivant la publication de la présente loi " et donc aux décisions rendues à partir du 1er décembre 2018.
3. Il ressort des pièces du dossier que la décision de la CNDA rejetant la requête de M. C... a été lue en audience publique le 27 octobre 2020. Le préfet pouvait dès lors légalement prononcer dès cette date une mesure d'éloignement, en dépit de la circonstance que la décision n'a été notifiée à l'intéressé que le 6 novembre suivant.
4. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris s'est fondé sur la méconnaissance des dispositions de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour annuler l'arrêté du préfet de police du 2 novembre 2020, et que le moyen tiré du défaut de notification préalable de la décision de la CNDA, en méconnaissance du droit au maintien sur le territoire français des demandeurs d'asile prévu aux dispositions précitées de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit être écarté.
5. Il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... devant le tribunal administratif de Paris.
Sur les autres moyens :
6. En premier lieu, par un arrêté n° 2020-0799 du 1er octobre 2020, régulièrement publié au bulletin municipal officiel de la ville de Paris du 9 octobre 2020, le préfet de police a donné à M. A... D..., attaché d'administration de l'État affecté au sein du douzième bureau de la sous-direction de l'administration des étrangers de la direction de la police générale à la préfecture de police, signataire de l'arrêté attaqué, délégation à l'effet de signer notamment les décisions en matière de police des étrangers, en cas d'absence ou d'empêchement d'autorités dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elles n'étaient pas absentes ou empêchées. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté litigieux serait entaché d'incompétence doit être écarté.
7. En deuxième lieu, aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. (...) ".
8. La décision contestée vise le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment son article L. 511-1 I 6°. Elle mentionne en outre la nationalité et la date de naissance de M. C..., ainsi que celle de son entrée en France, précise que l'intéressé a sollicité l'asile et que sa demande a été rejetée par une décision du directeur général de l'OFPRA du 31 octobre 2018, confirmée par une décision de la CNDA du 27 octobre 2020. Elle indique également que compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, la décision d'éloignement ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale. Ainsi, le préfet de police a suffisamment énoncé les considérations de droit et de fait qui fondent sa décision. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation doit être écarté.
9. En troisième lieu, il ressort de ce qui précède et des pièces du dossier que le préfet de police a procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. C....
10. En dernier lieu, si M. C... soutient que la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il n'assortit pas ce moyen des précisions suffisantes pour permettre à la juridiction d'en apprécier le bien-fondé.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
11. En premier lieu, l'arrêté attaqué vise les dispositions de l'article L. 511-1 I 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et précise que l'intéressé n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention précitée en cas de retour dans son pays d'origine. Il mentionne également que le requérant pourra être éloigné à destination du pays dont il a la nationalité ou de tout autre pays pour lequel il est légalement admissible. Dès lors, la décision fixant le pays de destination comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Ainsi, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté.
12. En deuxième lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas entachée d'illégalité, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination serait illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la mesure d'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
13. En dernier lieu, aux termes de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d'une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi. ". Aux termes de l'article 3 de cette convention : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".
14. Si M. C... soutient qu'il encourt des risques pour sa sécurité et pour sa vie en cas de retour au Bangladesh, ces allégations ne sont étayées par aucune des pièces versées au dossier, alors que sa demande d'asile a été définitivement rejetée le 27 octobre 2020. Il n'est donc pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination méconnaîtrait l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
15. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 2 novembre 2020 et que la demande de première instance de M. C... doit être rejetée.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 19 février 2021 est annulé.
Article 2 : La demande de première instance de M. C... est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 7 septembre 2021 à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président,
- Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,
- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 septembre 2021.
La rapporteure,
G. B...Le président,
I. LUBENLa greffière,
N. DAHMANI
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
No 21PA01482