Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 26 octobre 2018, M. C..., représenté par Me A...B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1805558 du 25 septembre 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 29 juin 2018 l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de procéder au réexamen de sa demande ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;
- il porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il porte atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants, garanti par les stipulations de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 janvier 2019, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Hamon a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.C..., ressortissant tunisien né le 17 mai 1969, est entré en France en 1988 selon ses déclarations. Il a fait l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière le 22 janvier 2000, lequel a été exécuté le 23 août 2000. Il est revenu en France à une date inconnue et a sollicité son admission au séjour le 10 juillet 2003. Il a de nouveau fait l'objet d'un refus de titre de séjour le 20 août 2004, assorti d'une invitation à quitter le territoire français, qui a été suivi d'un arrêté de reconduite à la frontière prononcé le 24 mars 2005. A la suite d'un contrôle opéré dans les locaux du restaurant où il était employé, il a fait l'objet, le 29 juin 2018, d'un arrêté du préfet de police portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi. M. C...relève appel du jugement n° 1805558 du 25 septembre 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Il ressort des pièces du dossier que M. C...est marié, depuis le 29 juillet 1998, avec une ressortissante tunisienne, avec laquelle il a eu cinq enfants, nés en 1999, 2001, 2005, 2008 et 2009. Les cinq enfants du requérant, dont les trois plus âgés sont nés en France, ont passé la majeure partie de leur existence en France et y sont tous scolarisés en école élémentaire, en collège et au lycée, ainsi qu'en attestent les certificats de scolarité produits au dossier. Dans les circonstances de l'espèce, eu égard à l'âge des enfants à la date de la décision attaquée et à leur scolarisation avancée en France, ainsi qu'à l'absence de repères pour ces enfants avec la Tunisie, M. C...est fondé à soutenir que l'arrêté attaqué est entaché d'erreur manifeste d'appréciation, et à en demander pour ce motif l'annulation.
3. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
4. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ". Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé ".
5. En vertu de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lorsqu'une obligation de quitter le territoire français est annulée, l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet de police de procéder au réexamen de la situation de M.C..., dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour.
Sur les frais de justice :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande présentée à ce titre par M. C...et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Melun n° 1805558 du 25 septembre 2018 et l'arrêté du 29 juin 2018 portant obligation pour M. C...de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi, sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de procéder au réexamen de la situation de M.C..., dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer dans l'attente de sa décision une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera à M. C...une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...C..., au préfet de police et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 12 mars 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Even, président de chambre,
- Mme Hamon, président assesseur,
- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 1er avril 2019.
Le rapporteur,
P. HAMONLe président,
B. EVENLe greffier,
I. BEDRLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA03413