Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 27 avril 2018, M. B..., représenté par Me Lamine, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1713591/5-3
du 27 décembre 2017 rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer le titre de séjour sollicité ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa demande après saisine de la commission du titre de séjour, et de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour avec autorisation de travail, sous astreinte de 20 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que préfet n'a pas saisi la commission du titre de séjour ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 6 alinéa 1 de l'accord franco algérien ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 6 alinéa 5 de l'accord franco algérien et celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 juillet 2018, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens n'est fondé.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 21 mars 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme d'Argenlieu a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A...B..., ressortissant algérien, né le 25 mars 1971, est entré en France en juin 2000, selon ses déclarations. Il a présenté le 21 mars 2017 une demande de titre de séjour sur le fondement des stipulations de l'article 6 alinéa 1° de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié. Par un arrêté du 30 mai 2017, le préfet de police a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi. M. B...fait appel du jugement n° 1713591/5-3 du 27 décembre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article 6 alinéa 1° de l'accord franco-algérien précité du 27 décembre 1968 modifié : " Les dispositions du présent article ainsi que celles des deux articles suivants, fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent, sous réserve que leur situation matrimoniale soit conforme à la législation française. Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : 1) au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant (...) ".
3. Il ressort de l'arrêté attaqué que le préfet de police conteste la présence de l'intéressé en France uniquement au cours des années 2007 et 2008 et du premier semestre de l'année 2014. Il ressort toutefois des pièces du dossier que le requérant, pour justifier de sa présence durant ces périodes, produit pour l'année 2007 des documents médicaux faisant état de deux vaccinations en janvier et février 2007 et d'une radiographie du thorax effectuée en mai 2007, ainsi qu'une facture de supermarché datée du mois de décembre 2007. Pour l'année 2008, le requérant produit également de nombreux documents médicaux, une facture, ainsi qu'une attestation du directeur d'une association humanitaire venant en aide aux sans-abris indiquant que le requérant a bénéficié entre les mois d'avril 2008 et juillet 2009 d'une distribution régulière de repas. Enfin, pour le premier semestre de l'année 2014, le requérant produit des documents médicaux, des relevés de son Livret A, un bulletin d'adhésion à une salle de sport, un courrier du Syndicat de transport d'Ile-de-France, une demande d'aide médicale d'Etat, ainsi que de nombreuses pièces émanant respectivement de la direction générale des finances publiques, de la RATP et de la Poste. Dans ces conditions, compte tenu non seulement du nombre de documents produits par M.B..., mais également de leur valeur probante et de leur cohérence d'ensemble, l'intéressé est fondé soutenir qu'en refusant de lui délivrer le titre de séjour sollicité, alors qu'il justifiait d'une présence de dix ans en France à la date de l'arrêté attaqué, le préfet de police a méconnu les stipulations de l'article 6 alinéa 1° de l'accord franco-algérien précité.
4. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Eu égard au motif d'annulation de l'arrêté attaqué retenu ci-dessus, et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des éléments de droit ou de fait nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose une nouvelle décision de refus, le présent arrêt implique nécessairement que cette autorité délivre à M. B...un certificat de résidence algérien. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de police de délivrer ce titre dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a toutefois pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais de justice :
6. M. B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Lamine, avocat de M. B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à
Me Lamine de la somme de 1 500 euros.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1713591/5-3 du 27 décembre 2017 et l'arrêté du 30 mai 2017 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer à M. B...un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : L'Etat versera à Me Lamine, avocat de M.B..., sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B..., au préfet de police, au ministre de l'intérieur et à Me Lamine.
Délibéré après l'audience du 19 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Even, président de chambre,
- Mme Hamon, président assesseur,
- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 décembre 2018.
Le rapporteur,
L. d'ARGENLIEULe président,
B. EVENLe greffier,
S. GASPAR
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA01432