Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 5 octobre 2018, M. A... B..., représenté par
Me Boudjellal, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Melun n° 1704117-5 du
6 septembre 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Val-de-Marne du 10 avril 2017 ;
3°) d'enjoindre le préfet du Val-de-Marne, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " commerçant " ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il est entaché d'une omission à statuer et est insuffisamment motivé ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'un vice de procédure tenant à la méconnaissance des articles L. 114-5 et L. 114-8 du code des relations entre le public et l'administration ;
- il est entaché d'un défaut d'examen complet de sa situation et d'un défaut de motivation ;
- il méconnaît les dispositions de l'article 5 et le c) de l'article 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par exception d'illégalité du refus de titre de séjour.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 janvier 2019, le préfet du Val-de-Marne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles,
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
- le code des relations entre le public et l'administration,
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Even a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., de nationalité algérienne, né le 1er juillet 1983, est entré en France
le 7 septembre 2015, muni d'un visa de long séjour. Il a obtenu un certificat de résidence portant la mention " étudiant " valable jusqu'au 15 octobre 2016. Il a présenté une demande de changement de son statut pour se voir délivrer un certificat de résidence portant la mention " commerçant ". Par un arrêté du 10 avril 2017, le préfet du Val-de-Marne a retiré son certificat de résidence " étudiant ", a rejeté implicitement sa demande de délivrance d'un certificat de résidence en qualité de commerçant, et a obligé l'intéressé à quitter le territoire français, dans un délai de trente jours, en fixant le pays de destination. M. A... B...relève appel du jugement n° 1704117-5
du 6 septembre 2018 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté en tant qu'il rejette implicitement sa demande d'un certificat de résidence portant la mention commerçant.
Sur la légalité du refus implicite d'attribution d'un certificat de résidence portant la mention commerçant :
2. Aux termes de l'article 5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Les ressortissants algériens s'établissant en France pour exercer une activité professionnelle autre que salariée reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur justification, selon le cas, qu'ils sont inscrits au registre du commerce ou au registre des métiers ou à un ordre professionnel, un certificat de résidence dans les conditions fixées aux articles 7 et 7 bis ". Aux termes de l'article 7 du même accord : " [...] / c. Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle soumise à autorisation reçoivent, s'ils justifient l'avoir obtenue, un certificat de résidence valable un an renouvelable et portant la mention de cette activité ".
3. En premier lieu, pour refuser la délivrance d'un certificat de résidence portant la mention " commerçant " à M. A...B..., le préfet du Val-de-Marne s'est fondé sur la circonstance que l'intéressé aurait commis un " détournement de l'objet de son visa d'installation en France " en n'assistant pas aux cours pour lesquels il avait obtenu son visa et " qu'il ne peut donc pas prétendre à la délivrance du titre de séjour " commerçant " prévu aux articles 5, 7 et 9 de l'accord susvisé ". Cependant, l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ne prévoit pas l'impossibilité pour un ressortissant algérien de demander un certificat de résidence sur un fondement autre que celui sur lequel son visa d'installation lui a été délivré. Le préfet du Val-de-Marne a dès lors commis une erreur de droit en opposant le motif précité à l'intéressé.
4. En second lieu, le préfet du Val-de-Marne soutient en défense qu'il s'est en outre fondé pour rejeter la demande de M. A...B...sur l'absence d'autorisation du bailleur du logement dans lequel le requérant souhaite domicilier son entreprise, et sur l'incompatibilité de ce logement, d'une superficie de 29 m², avec l'exercice d'une activité professionnelle d'électricien à domicile. Cependant, les stipulations précitées de l'accord-franco algérien du 27 décembre 1968 modifié ne subordonnent pas la délivrance d'un certificat de résidence portant la mention " commerçant " à la production d'une autorisation du propriétaire des locaux où le demandeur souhaite exercer son activité, ni à l'exigence d'une superficie minimale. Par suite, ce second motif est également entaché d'une erreur de droit.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
5. Il résulte de ce qui précède que le moyen invoqué par voie d'exception à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, tiré de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un certificat de résidence en qualité de commerçant, doit être accueilli.
6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué et les autres moyens, que M. A...B...est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le préfet du Val-de-Marne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 septembre 2018 en tant qu'il refuse implicitement la délivrance d'un certificat de résidence portant la mention commerçant.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Compte tenu du motif d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de procéder au réexamen de la situation de M. A...B....
Sur les frais de justice :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Boudjellal, avocat de M. A...B..., au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Melun n° 1704117-5 du 6 septembre 2018 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet du Val-de-Marne du 6 septembre 2018 est annulé en tant qu'il rejette implicitement la demande présentée par M. A...B...d'un certificat de résidence portant la mention commerçant.
Article 3 : Il est enjoint au préfet du Val-de-Marne de procéder au réexamen de la situation de M. A... B....
Article 4 : L'Etat versera la somme de 1 500 (mille cinq cents) euros à Me Boudjellal, avocat de
M. A...B..., au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du
10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A...B..., à MaîtreD..., au préfet du Val-de-Marne et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 23 avril 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Even, président de chambre,
- Mme Hamon, président assesseur,
- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 mai 2019.
Le président-rapporteur,
B. EVEN
Le président-assesseur,
P. HAMON
La greffière,
S. GASPARLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA03276