Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 15 novembre 2018, le préfet de police, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1811034/3-2 du 17 octobre 2018 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué n'a pas été pris par une autorité incompétente ;
- il est suffisamment motivé ;
- la décision portant refus de titre de séjour attaquée ne méconnaît pas l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas illégale par exception d'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Une mise en demeure a été adressée le 15 janvier 2019 à M.A..., sur le fondement de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, à la suite de laquelle l'intéressé n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc, signé le 9 octobre 1987, en matière de séjour et d'emploi,
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
- le code des relations entre le public et l'administration,
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Even a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., ressortissant marocain, né le 23 mars 1995, est entré en France le 18 août 2010 sous couvert d'un visa court séjour. Il a obtenu une carte de séjour portant la mention
" salarié-élève ", le 18 juin 2013, qui a été renouvelée jusqu'au 30 novembre 2015. Il a sollicité auprès de la préfecture de police de Paris, le 21 novembre 2015, la délivrance d'une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Par un arrêté du 11 juin 2018, le préfet de police a rejeté cette demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours, et a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné. Le préfet de police relève appel du jugement du 17 octobre 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté attaqué et lui a enjoint de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement.
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :
2. Aux termes du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. A...est entré en France le 18 août 2010, à l'âge de 15 ans et s'y est maintenu depuis. Il a été placé sous l'autorité parentale de sa soeur, en situation régulière en France par acte de kafala du 10 janvier 2011, rendu exécutoire en France par un jugement du Tribunal de grande instance de Paris du 1er décembre 2011. Le requérant a été scolarisé dès son arrivée en France et a obtenu un certificat d'aptitude professionnelle de cuisinier en 2013 et un diplôme complémentaire " art de la cuisine allégée " en 2014. Il justifie avoir travaillé depuis septembre 2016 dans la société NK Arcueil où il a signé le 2 janvier 2018 un contrat à durée indéterminée à temps partiel. Si M. A...allègue entretenir des liens familiaux très intenses avec sa soeur et résider chez elle, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé qui est célibataire et sans charge de famille, serait dépourvu d'attaches familiales au Maroc où résident encore ses parents et ses deux frères, et où il est retourné du 23 février 2016 au 13 mars 2016. Enfin, il n'est pas contesté que M. A...a fait l'objet, le 20 novembre 2015, d'une ordonnance pénale du Tribunal correctionnel de Paris lui infligeant d'une amende de 200 euros pour port sans motif légitime d'une arme blanche ou incapacitante de catégorie D et pour usage illicite de stupéfiants. Le préfet de police produit par ailleurs pour la première fois en appel un relevé de consultation du fichier automatisé des empreintes digitales faisant état de 6 signalements à la date de l'arrêté attaqué pour usage de stupéfiant en mars 2015, port d'arme prohibé et tentative de vol en juillet 2015, détention de stupéfiant en novembre 2016, conduite d'un véhicule en ayant fait usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants en octobre 2016, octobre 2017 et novembre 2017. Ces faits, que M. A... ne conteste pas, sont de nature à remettre en cause l'affirmation de l'intéressé selon laquelle il serait inséré dans la société française. Il ressort de l'ensemble de ces éléments que la décision contestée n'a pas porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel elle a été prise et ne méconnaît donc pas les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet de police est donc fondé à soutenir que le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1811034/3-2 du 17 octobre 2018 doit être annulé.
4. Il y a lieu pour la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance par M.A....
Sur les autres moyens invoqués à l'encontre des décisions attaquées :
En ce qui concerne le moyen commun à l'ensemble des décisions :
5. L'arrêté contesté a été signé par Mme B...C..., adjointe au chef du 9ème bureau à la préfecture de police de Paris, qui bénéficiait d'une délégation de signature en vertu d'un arrêté 2018-00380 du 25 mai 2018, régulièrement publié au bulletin municipal officiel de la ville de Paris du 1er juin 2018 à l'effet de signer tous actes dans la limite de ses attributions, dont relève la décision en litige, en cas d'absence ou d'empêchement d'autorités dont il n'est pas établi, ni même allégué, qu'elles n'auraient pas été absentes ou empêchées lors de la signature de l'arrêté contesté. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision aurait été signée par une autorité incompétente doit être écarté.
En ce qui concerne la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :
6. Il ressort de l'arrêté attaqué que celui-ci comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué serait entaché d'un défaut de motivation doit être écarté.
En ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
7. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen invoqué par voie d'exception tiré de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour, invoqué à l'appui des conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français, doit être écarté.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. I1 ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
9. Pour les mêmes raisons que celles évoquées au point 3, le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français porterait une atteinte disproportionnée au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale, consacré par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté.
10. Il résulte de ce qui précède que la demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de Paris ne peut qu'être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ".
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1811034/3-2 du 17 octobre 2018 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'Intérieur et à M. D... A.... Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 23 avril 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Even, président de chambre,
- Mme Hamon, président assesseur,
- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 mai 2019.
Le président - rapporteur,
B. EVENLe président - assesseur,
P. HAMON
La greffière,
S. GASPARLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA03575