Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés le 18 juillet 2017 et le 24 avril 2018, M. D... A..., représenté par la SELARL Cook-C... avocats associés, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 8 juin 2017 ;
2) de condamner la commune de Megève à lui verser une indemnité de 22 724 euros ;
3) de mettre à la charge de la commune de Megève une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa requête est recevable ;
- la responsabilité pour faute de la commune est engagée puisqu'elle a délivré un permis de construire, annulé ultérieurement par jugement du 3 octobre 2013 du tribunal administratif de Grenoble ;
- le préjudice subi, qui s'élève à 22 724 euros, est constitué des frais et honoraires d'architecte exposés pour la constitution du dossier de demande permis de construire ; c'est à tort que le tribunal a estimé qu'en application de l'article L. 431-1 du code de l'urbanisme, il était tenu de recourir à un architecte pour présenter sa demande de permis de construire dès lors que ces frais devaient être engagés préalablement à la demande et indépendamment de l'issue de son instruction ;
- le fait qu'il n'ait pas relevé appel du jugement du 3 octobre 2013 n'exonère pas la commune de sa responsabilité ;
- la commune ne peut s'exonérer de sa responsabilité au motif qu'il aurait présenté une demande de permis portant sur un projet de construction implantée à une distance inférieure au minimum exigé par le règlement sanitaire départemental de la Haute-Savoie ; en effet, il a demandé, ainsi que le lui permettaient les dispositions de l'article L. 111-3 du code rural, une dérogation au règlement sanitaire départemental, que la commune de Megève lui a accordée après avoir recueilli l'avis de la chambre d'agriculture de Haute-Savoie sur son projet ; cet avis ne liait pas la commune, seule responsable de l'appréciation qu'elle a portée sur sa demande de dérogation aux règles d'implantation à proximité d'une exploitation agricole fixées par le règlement sanitaire départemental.
Par un mémoire enregistré le 6 mars 2018 et un mémoire enregistré le 24 octobre 2018 qui n'a pas été communiqué, la commune de Megève, représentée par la SELARL Affaires droit public-immobilier, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- à titre principal, dans la mesure où le pétitionnaire devait, en tout état de cause, s'attacher les services d'un architecte pour que sa demande de permis de construire soit examinée, les frais d'architecte engagés à ce titre par M. A... préalablement à l'édiction de l'arrêté du 16 février 2011 sont à la fois incompressibles et sans lien direct et certain avec la légalité du permis de construire ;
- à titre subsidiaire, les prétentions de M. A... ne sont pas fondées, ses agissements exonérant la commune de Megève de toute responsabilité ; en déposant une demande de permis de construire portant sur la construction d'un chalet situé à moins de 50 mètres de l'exploitation agricole voisine, le requérant a considéré que son projet de construction pouvait valablement déroger au règlement sanitaire départemental de la Savoie, en application des dispositions de l'article L. 111-3 du code rural et avait donc connaissance du risque d'annulation auquel serait exposé son permis de construire ; le fait que le requérant n'ait pas fait appel de la décision du tribunal administratif annulant son permis de construire fait obstacle à la réparation du préjudice qu'il invoque et il doit être regardé comme ayant renoncé à la réalisation de son projet de construction.
La clôture de l'instruction a été fixée au 16 mai 2018 par une ordonnance du 27 avril 2018.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Christine Psilakis, premier conseiller ;
- les conclusions de Mme Véronique Vaccaro-Planchet, rapporteur public ;
- et les observations de Me C... pour M. A... ;
Considérant ce qui suit :
1. Le maire de la commune de Megève a, par arrêté du 16 février 2011, délivré un permis de construire à M. A... pour la réalisation d'une habitation individuelle de 336 m² au lieudit Villard sud, en lui accordant une dérogation à la règle d'éloignement de 50 mètres par rapport aux exploitations agricoles résultant du règlement sanitaire départemental de la Haute-Savoie. Ce permis de construire a été annulé par un jugement du tribunal administratif de Grenoble du 3 octobre 2013 à la demande des consortsB..., exploitants agricoles et voisins immédiats du projet, au motif que ni l'activité limitée de leur exploitation, ni la circonstance, à la supposer établie, que cette activité pourrait cesser dans les prochaines années, ni la "pression foncière" invoquée par la commune de Megève, ni la localisation de cette exploitation, ne sont au nombre des spécificités locales pouvant justifier une dérogation aux règles de distance résultant des dispositions combinées de l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime et du règlement sanitaire départemental. Ni la commune de Megève ni M. A... n'ont fait appel de ce jugement, qui est devenu définitif. Estimant que la commune a, par la délivrance d'un permis construire illégal, commis une faute lui ayant causé un préjudice correspondant au montant des honoraires d'architectes nécessaires à la constitution du dossier de permis de construire ainsi annulé, M. A... a, par courrier du 6 juin 2014, demandé à la commune de Megève de l'indemniser de ce préjudice et devant le refus de celle-ci, au tribunal administratif de Grenoble de condamner cette commune à lui verser la somme de 22 724 euros en réparation de son préjudice. M. A...relève appel du jugement du 8 juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.
2. Il résulte de l'instruction que le préjudice dont M. A... demande réparation est constitué de frais d'architecte exposés pour la présentation de la demande de permis de construire, qu'il s'agisse de ceux faisant l'objet de la facture de 17 940 euros du 3 août 2010, antérieure au dépôt de la demande, ou de ceux faisant l'objet de la facture de 4 000 euros du 7 mars 2011, établie postérieurement à la délivrance du permis mais qui mentionne comme objet "Obtention arrêté". L'ensemble de ces frais correspondent ainsi à des prestations engagées par le pétitionnaire pour la conception de son projet antérieurement à la délivrance du permis de construire annulé. Par suite, ils ne peuvent être regardés comme étant la conséquence du permis irrégulièrement délivré et ne peuvent, dès lors, être indemnisés à ce titre.
3. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
4. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que M. A... demande au titre des frais non compris dans les dépens qu'il a exposés soit mise à la charge de la commune de Megève, qui n'est pas partie perdante. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de M. A... le versement d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Megève.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : M. A... versera à la commune de Megève la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et à la commune de Megève.
Délibéré après l'audience du 26 mars 2019 à laquelle siégeaient :
- M. Yves Boucher, président de chambre ;
- M. Antoine Gille, président-assesseur ;
- Mme Christine Psilakis, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 30 avril 2019.
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N° 17LY02760
dm