Procédure devant la Cour :
Par une requête sommaire et un mémoire ampliatif, enregistrés le 3 décembre 2018 et le 28 juin 2019, M. E..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre à la maire de Paris de le réintégrer dans son service ou, le cas échéant, dans un autre service ;
4°) de mettre à la charge de la ville de Paris la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les premiers juges n'ont pas statué sur le fait qu'il a travaillé sans aucun statut légal entre juin 2017 et octobre 2017 ;
- l'arrêté attaqué est illégal par exception d'illégalité de la décision de prorogation de stage, révélée par courrier du 26 mai 2016, qui n'a pas été précédée de la saisine de la commission administrative paritaire ;
- la décision de non titularisation, prise par anticipation, a été portée illégalement à sa connaissance avant l'expiration de la période de stage ;
- le refus de titularisation ne pouvait intervenir que pour insuffisance professionnelle, qui ne peut être caractérisée par le motif de sa supposée alcoolémie ;
- à supposer que le refus de titularisation repose sur des motifs disciplinaires, les droits de la défense n'auraient pas été respectés ;
- le motif tiré de sa prétendue addiction n'est pas établi ;
- le motif tiré du défaut d'autorisation de la médecine préventive de conduire un véhicule ne pouvait fonder un refus de titularisation dès lors que cette compétence n'était pas requise dans la fiche d'inscription au concours ;
- le médecin de prévention n'a relevé aucune addiction ni restriction médicale à son sujet ;
- son licenciement est en contradiction avec les niveaux d'appréciation résultant de sa fiche d'évaluation de fin de stage.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 avril 2019, la ville de Paris, représentée par la SCP Foussard-Froger, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. E... de la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984,
- le décret n° 92-1194 du 4 novembre 1992,
- la délibération n° 2007 DRH 43 du Conseil de Paris des 16 et 17 juillet 2007,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- et les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 9 juin 2015, M. E..., lauréat du concours d'adjoint technique de l'eau et de l'assainissement (ATEA) principal de 2ème classe spécialité éclusier, a été nommé en qualité de stagiaire et affecté à compter du 15 juin 2015 au service des canaux de la direction de la voirie et des déplacements de la ville de Paris. A la suite d'un rapport du 10 mai 2016 établi par le chef du service des ressources humaines, faisant état d'insuffisances dans la manière de servir de M. E... et demandant la prolongation de son stage, ainsi que d'un avis favorable à la prolongation de la commission administrative paritaire compétente du 21 juin 2016, la maire de Paris a prorogé, par arrêté du 22 juin 2016, le stage de l'intéressé pour une durée de 12 mois à compter du 16 juin 2016. Sur la base, notamment, d'une note du directeur de la voirie et des déplacements du 6 septembre 2017 faisant état de la persistance de carences dans l'accomplissement de ses fonctions par l'intéressé, la maire de Paris, par un arrêté du 20 octobre 2017, a mis fin au stage de M. E... à compter du 6 novembre 2017, sans titularisation. M. E... relève appel du jugement du 4 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce dernier arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. E... avait invoqué, devant le tribunal administratif, un moyen tiré de ce qu'il aurait travaillé sans statut légal entre juin 2017 et octobre 2017. En tout état de cause, en mentionnant, au point 8 du jugement, que "le requérant a été maintenu en fonction au-delà de la date de fin de stage, le 15 juin 2017, jusqu'à la date de la décision attaquée le 20 octobre 2017", les premiers juges ont entendu implicitement signifier que M. E... avait conservé la qualité de stagiaire au-delà de l'échéance de la fin de sa deuxième année de stage, telle qu'elle était prévue par l'arrêté de prorogation du 22 juin 2016. Par suite, ils doivent être regardés comme ayant en tout état de cause statué sur la question du statut légal de M. E... entre juin 2017 et octobre 2017. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'omission à statuer sur ce point doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Aux termes de l'article 46 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " (...) La titularisation peut être prononcée à l'issue d'un stage dont la durée est fixée par le statut particulier. (...) L'agent peut être licencié au cours de la période de stage en cas d'insuffisance professionnelle ou de faute disciplinaire et après avis de la commission administrative paritaire compétente ". Aux termes de l'article 4 du décret du 4 novembre 1992 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires stagiaires de la fonction publique territoriale : " La durée normale du stage et les conditions dans lesquelles elle peut éventuellement être prorogée sont fixées par les statuts particuliers des cadres d'emplois. Sous réserve de dispositions contraires prévues par ces statuts et de celles résultant des articles 7 et 9 du présent décret, la durée normale du stage est fixée à un an. Elle peut être prorogée d'une période au maximum équivalente, après avis de la commission administrative paritaire compétente, si les aptitudes professionnelles du stagiaire ne sont pas jugées suffisantes pour permettre sa titularisation à l'expiration de la durée normale du stage (...) ". Aux termes de l'article 5 du même décret : " Le fonctionnaire territorial stagiaire peut être licencié pour insuffisance professionnelle lorsqu'il est en stage depuis un temps au moins égal à la moitié de la durée normale du stage. / Le licenciement est prononcé après avis de la commission administrative paritaire compétente pour le cadre d'emplois dans lequel l'intéressé a vocation à être titularisé (...) ". Enfin, aux termes de l'article 11 de la délibération 2007 DRH 43 des 16 et 17 juillet 2007 portant statut particulier applicable au corps des adjoints techniques de l'eau et de l'assainissement de la commune de Paris : " Les candidats admis au concours externe accomplissent un stage d'une durée d'un an. (...) A 1'issue du stage, les stagiaires dont les services ont donné satisfaction sont titularisés. / Les autres stagiaires peuvent, après avis de la commission administrative paritaire, être autorisés à effectuer un stage complémentaire d'une durée maximale d'un an. Si le stage complémentaire a été jugé satisfaisant, les intéressés sont titularisés. / (...) les adjoints techniques de l'eau et de l'assainissement principaux de 2ème classe stagiaires qui n'ont pas été autorisés à effectuer un stage complémentaire ou dont le stage complémentaire n'a pas été jugé satisfaisant sont soit licenciés s'ils n'avaient pas préalablement la qualité de fonctionnaire, soit réintégrés dans leur grade d'origine ".
4. En premier lieu, par une lettre du 26 mai 2016, l'adjoint au chef du bureau des personnels ouvriers et techniques de la sous-direction de la gestion des personnels et des carrières a informé M. E... " qu'en raison de votre manière de servir non satisfaisante, le directeur de la voirie et des déplacements a demandé une prorogation de votre stage. Cette mesure sera examinée par la commission administrative paritaire compétente lors de sa prochaine réunion ". Il ne ressort ni des termes précités de cette lettre ni d'aucune autre pièce du dossier que la décision de prorogation de stage de M. E... ait été prise antérieurement au 22 juin 2016, date de l'arrêté de la maire de Paris ayant un tel objet, prise après avis de la commission administrative paritaire du 21 juin 2016. Dès lors, le requérant ne peut utilement invoquer l'illégalité, par voie d'exception, d'une prétendue décision de prorogation de stage révélée par la lettre précitée qui n'aurait pas été précédée d'un examen par la commission administrative paritaire.
5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que, par un rapport daté du 18 avril 2017, M. P., agent de maîtrise exploitation et supérieur hiérarchique de M. E..., a informé le chef d'exploitation de la circonscription des canaux à grand gabarit des carences persistantes dans la manière de servir de l'intéressé, et lui a fait part de son avis défavorable à la titularisation de celui-ci. Si M. E... fait valoir que la ville de Paris n'avait pas à porter à sa connaissance ce " courrier " daté du 18 avril 2017 manifestant, selon lui, la volonté de son employeur de ne pas le titulariser, avant l'expiration de sa période de stage, il n'établit toutefois pas, d'une part, que ce rapport, dont aucune mention n'indique que M. E... devait en être destinataire, lui aurait été adressé par la ville de Paris et, d'autre part et en tout état de cause, que cette dernière aurait pris à son encontre une décision de refus de titularisation antérieurement au 20 octobre 2017, date de l'arrêté de la maire de Paris mettant fin à son stage. S'il ressort de la lettre de la direction des ressources humaines du 20 octobre 2017 informant le requérant de l'édiction de ce dernier arrêté que celui-ci avait été précédemment informé, par lettre du 11 septembre 2017, de la demande de fin de stage formulée à son encontre par la direction de la voirie et des déplacements, cette dernière lettre était postérieure à la date d'expiration de sa période de stage telle qu'elle était prévue par l'arrêté précité du 22 juin 2016. Il s'ensuit que M. E... n'est pas fondé à soutenir que la décision de non titularisation prise à son encontre, prétendument prise par anticipation, aurait été portée illégalement à sa connaissance avant la date d'expiration de sa période de stage.
6. En troisième lieu, si la nomination dans un corps en tant que fonctionnaire stagiaire confère à son bénéficiaire le droit d'effectuer un stage dans la limite de la durée maximale prévue par les règlements qui lui sont applicables, elle ne lui confère aucun droit à être titularisé. En l'absence d'une décision expresse de titularisation, de réintégration ou de licenciement au cours ou à l'issue de cette période, l'agent, qui se trouve dans une situation probatoire et provisoire, conserve la qualité de stagiaire. L'administration peut alors mettre fin à tout moment à son stage par une décision qui doit être regardée comme un refus de titularisation. Cette décision, qui n'est soumise qu'aux formes et procédures expressément prévues par les lois et règlements, ne peut être prise que si les faits qu'elle retient caractérisent des insuffisances dans l'exercice des fonctions et la manière de servir de l'intéressé. Par suite, par son arrêté du 20 octobre 2017 mettant fin au stage de M. E... à compter du 6 novembre 2017, la maire de Paris doit être regardée comme ayant refusé la titularisation de M. E... à l'issue de sa période de stage.
7. Enfin, il résulte de ce qui a été dit au point 6 que, pour apprécier la légalité d'une décision de refus de titularisation, il incombe au juge de vérifier qu'elle ne repose pas sur des faits matériellement inexacts, qu'elle n'est entachée ni d'erreur de droit, ni d'erreur manifeste dans l'appréciation de l'insuffisance professionnelle de l'intéressé, qu'elle ne revêt pas le caractère d'une sanction disciplinaire et n'est entachée d'aucun détournement de pouvoir et que, si elle est fondée sur des motifs qui caractérisent une insuffisance professionnelle mais aussi des fautes disciplinaires, l'intéressé a été mis à même de faire valoir ses observations.
8. Il ressort des pièces du dossier, notamment des comptes rendus de séance de la commission administrative paritaire des 21 juin 2016 et du 17 octobre 2017, de plusieurs rapports et notes, concordants, établis par les supérieurs hiérarchiques de M. E... ainsi que des attestations de présence de ce dernier au service d'accompagnement psychologique et d'addictologie de la ville de Paris que l'intéressé connaissait, lors de sa période de stage, des problèmes d'addiction qui, malgré la prorogation de celui-ci pour une durée de douze mois, n'ont pas été résolus et sont, au moins partiellement, à l'origine d'un comportement inadapté et incompatible avec ses obligations professionnelles. Il s'ensuit que M. E... n'est pas fondé à soutenir que l'autorité administrative se serait fondée à tort, pour lui opposer un refus de titularisation, sur une addiction qui n'aurait pas été établie.
9. Il ressort également des pièces du dossier que, pour mettre fin à son stage sans titularisation, la maire de Paris s'est fondée sur la note du directeur de la voirie et des déplacements du 6 septembre 2017 précitée, qui mentionne notamment qu'" il a été constaté qu'il (n'avait pas réglé son problème d'addiction ", au motif que l'intéressé avait été à plusieurs reprises trouvé sur son lieu de travail dans un état d'ébriété incompatible avec l'exercice de ses fonctions d'éclusier. La note précitée mentionne également que compte tenu des missions de l'intéressé qui impliquent notamment la conduite d'engins et la proximité de l'eau, celui-ci était " dans l'incapacité d'accomplir correctement les fonctions d'un ATEA dans les conditions de sécurité minimum ", et cela " aussi bien pour lui-même, que pour ses collègues ou pour les usagers ". L'appréciation ainsi faite de l'inaptitude de M. E... à l'exercice de son emploi est corroborée par les autres notes et rapports produits au dossier, notamment le rapport du 18 avril 2017 de M. P., mentionné au point 4, évoquant le témoignage d'un agent relatant l'état d'ébriété sur son lieu de travail de M. E..., non contesté par ce dernier à l'époque des faits, ainsi que celui du chef de la subdivision exploitation maintenance et entretien de la direction de la voirie et des déplacements du 15 mai 2017, mentionnant l'impossibilité d'" envisager de titulariser un agent qui ne serait pas toujours en pleine possession de ses facultés d'analyse et de réaction en cas de danger ". La circonstance, invoquée par M. E..., que les différents certificats du médecin de prévention, à qui il n'incombe pas d'émettre un avis d'aptitude faisant mention, le cas échéant, de l'éventuelle conduite addictive d'un agent, ne font état d'aucune restriction médicale à son sujet sont sans incidence sur les constatations qui précèdent. Si M. E... invoque en outre une contradiction entre son évaluation de fin de stage, qui ne mentionne que des niveaux d'appréciation " bien " ou " très bien ", tant au regard de ses compétences que de son comportement, alors que, par ailleurs, sa hiérarchie a proposé de mettre fin à son stage, il ressort de cette évaluation que le supérieur hiérarchique du requérant a indiqué en observations que, " malgré les efforts consentis... M. E... n'a pas fait tous les efforts souhaités pour régler ses problèmes d'addiction ". Dès lors, à supposer même une contradiction existante, dans la fiche d'évaluation, entre les niveaux d'appréciation de M. E... et les observations qui les accompagnent, ces dernières ne sauraient se révéler en tout état de cause en contradiction avec les notes et rapports précités et la demande de fin de stage formulée par sa hiérarchie. De plus, il ressort des pièces du dossier qu'en admettant même que le motif tiré de ce que M. E... n'aurait pas eu l'autorisation de la médecine préventive pour la conduite d'un véhicule ne puisse être retenu à son encontre, la maire de Paris aurait pris la même décision à son égard si elle s'était fondée uniquement sur les motifs précités tirés de son insuffisance professionnelle. Par suite, par une décision qui ne revêt pas le caractère d'une sanction disciplinaire ni n'est fondée sur des motifs qui caractériseraient des fautes disciplinaires, et alors que la commission administrative paritaire a émis un avis défavorable à la titularisation de M. E... dans sa séance du 17 octobre 2017, la maire de Paris a pu, sans commettre d'erreur de droit ou d'erreur manifeste d'appréciation, prendre à l'encontre de celui-ci une décision de fin de stage et de refus de titularisation.
10. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction, ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la ville de Paris sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... E... et à la ville de Paris.
Délibéré après l'audience du 30 octobre 2020 à laquelle siégeaient :
- Mme A..., présidente,
- M. B..., premier conseiller,
- Mme Mach, premier conseiller.
Lu en audience publique le 13 novembre 2020.
Le rapporteur,
P. B...
Le président,
M. A... Le greffier,
S. GASPAR
La République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA03775