Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 13 mai 2020, la société Air France, représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1808088/3-2 du 11 mars 2020 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
2°) d'annuler la décision du 23 mars 2018 par laquelle le ministre de l'intérieur lui a infligé une amende de 10 000 euros en application de l'article L. 625-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de la décharger du montant de cette amende ;
3°) à titre subsidiaire, de réduire le montant de cette amende ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- son agent n'a pas manqué à son obligation de contrôle des cachets autorisés, le voyageur étant titulaire d'un visa et le décompte des jours étant inférieur à 90 jours ;
- la circonstance que certaines pages soient manquantes ne constitue pas une irrégularité manifeste dès lors que la page d'identité du passeport et le visa n'étaient pas altérés et aucune circonstance ne justifiait de refuser l'embarquement du passager.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 décembre 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société Air France ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des transports ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mach, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision en date du 23 mars 2018, le ministre de l'intérieur a infligé à la société Air France une amende de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 625-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour avoir, le 9 octobre 2017, débarqué sur le territoire français une personne en provenance de Dakar, titulaire d'un passeport du Sénégal non valide et duquel plusieurs pages manquaient. La société Air France relève appel du jugement du 11 mars 2020 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de cette amende.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 6421-2 du code des transports : " Le transporteur ne peut embarquer les passagers pour un transport international qu'après justification qu'ils sont régulièrement autorisés à atterrir au point d'arrivée et aux escales prévues ". Aux termes de l'article L. 625-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Est punie d'une amende d'un montant maximum de 10 000 euros l'entreprise de transport aérien ou maritime qui débarque sur le territoire français, en provenance d'un Etat avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen, un étranger non ressortissant d'un Etat de l'Union européenne et démuni du document de voyage et, le cas échéant, du visa requis par la loi ou l'accord international qui lui est applicable en raison de sa nationalité. (...) ". Aux termes de l'article
L. 625-5 du même code, alors en vigueur : " Les amendes prévues aux articles L. 625-1 et L. 625-4 ne sont pas infligées : (...) / 2° Lorsque l'entreprise de transport établit que les documents requis lui ont été présentés au moment de l'embarquement et qu'ils ne comportaient pas d'élément d'irrégularité manifeste. "
3. Il appartient au juge administratif, saisi d'un recours de pleine juridiction contre la décision infligeant une amende sur le fondement des articles L. 625-1 et L. 625-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de statuer sur le bien-fondé de la sanction attaquée et de réduire, le cas échéant, le montant de l'amende infligée en tenant compte de l'ensemble des circonstances de l'espèce.
4. Les dispositions citées au point 2 font obligation aux transporteurs aériens de s'assurer, au moment des formalités d'embarquement, que les voyageurs ressortissants d'Etats non membres de l'Union européenne sont en possession de documents de voyage leur appartenant, le cas échéant revêtus des visas exigés par les textes, non falsifiés et valides. Si elles n'ont pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet de conférer au transporteur un pouvoir de police aux lieu et place de la puissance publique, elles lui imposent de vérifier que l'étranger est muni des documents de voyage et des visas éventuellement requis et que ceux-ci ne comportent pas d'irrégularités manifestes, décelables par un examen normalement attentif de ces documents par un agent du transporteur.
5. Il résulte de l'instruction que M. C..., ressortissant sénégalais, a débarqué le 9 octobre 2017 à l'aéroport Roissy-Charles de Gaulle en provenance de Dakar et a fait l'objet d'un refus d'entrée sur le territoire français pour " défaut de document de voyage, le document présenté étant manifestement altéré ". Si l'étranger a présenté un passeport revêtu d'un visa Schengen de type C autorisant des entrées multiples et des séjours d'une durée totale de 90 jours sur une période de 180 jours valable du 12 mars 2017 au 11 mars 2019, il est constant que certaines pages manquaient à ce document de voyage. Alors même que subsistaient la page afférente à l'identité du passager ainsi que celle sur laquelle avait été apposé le visa, ces irrégularités étaient décelables à l'oeil nu, sans recourir à un matériel spécialisé, par un examen normalement attentif d'un agent du transporteur, lequel doit notamment vérifier la validité du visa au vu des cachets apposés sur les pages du passeport. L'irrégularité doit, par suite, être regardée comme manifeste et de nature à justifier le prononcé d'une amende sur le fondement des articles L. 625-1 et L. 625-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. Dans les circonstances de l'espèce, et eu égard au caractère aisément décelable de l'irrégularité, le montant de l'amende de 10 000 euros infligée par le ministère de l'intérieur n'est pas hors de proportion avec le manquement constaté. Il n'y a pas lieu, dès lors, de le réduire.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la société Air France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société Air France demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Air France est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Air France et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 7 mai 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme A..., président de chambre,
- Mme Portes, premier conseiller,
- Mme Mach, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 mai 2021.
Le rapporteur,
A-S MACHLe président,
M. A...Le greffier,
S. GASPARLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 20PA01310
N° 20PA01310 4
N° 20PA01310 2