Par une requête enregistrée le 12 avril 2019, Mme G... représentée par Me B..., demande la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 13 février 2019 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler dans sa totalité l'arrêté du 19 juillet 2016 par lequel le directeur de l'Ecole normale supérieure a fixé le montant de la somme qu'elle devait verser au titre de la rupture de son engagement décennal à 23 652,99 euros ainsi que le titre exécutoire n° 894 émis à son encontre le 9 novembre 2016 ;
3°) de mettre à la charge de l'Ecole normale supérieure le versement d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, il n'est pas établi que la Commission de suivi de l'engagement décennal se soit réunie, en violation de l'article 41 du règlement intérieur de l'Ecole normale supérieure (ENS) ;
- l'arrêté contesté est entaché d'une rétroactivité illégale qui doit entraîner son annulation totale ;
- l'arrêté contesté est entaché d'une erreur de fait dès lors qu'elle avait une obligation de moyens et non de résultats dans sa recherche d'un emploi dans le secteur public et qu'elle justifie de ses nombreuses recherches d'emploi et de ses tentatives aux concours de la fonction publique ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur de droit dès lors qu'elle n'a pas méconnu l'article 20 du décret du 9 décembre 2013 ;
- c'est l'ENS elle-même qui l'a incitée à rejoindre le secteur privé ;
- le titre exécutoire contesté est dépourvu de base légale dès lors que l'arrêté du 19 juillet 2016 est illégal, peu important que cette illégalité soit partielle ou totale.
Par un mémoire en défense, enregistrés le 27 août 2019, l'Ecole normale supérieure conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge de Mme G... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le décret n° 2013-1140 du 9 décembre 2013,
- l'arrêté du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche en date du 6 juin 2014 fixant les modalités de remboursement des sommes dues par les élèves et anciens élèves des écoles normales supérieures en cas de rupture de l'engagement décennal,
- le règlement intérieur de l'Ecole normale supérieure,
- le décret n° 2020-1404 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre administratif,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public,
- les observations de Me C... pour l'Ecole Normale supérieure (ENS),
- et celles Mme G....
Considérant ce qui suit :
1. Mme F... G... a été admise à l'Ecole Normale supérieure (ENS) le 1er septembre 2005 et sa scolarité s'y est achevée le 31 août 2011. Le 30 octobre 2014, la direction de l'ENS lui a transmis un formulaire de demande de renseignements sur sa situation professionnelle. Constatant qu'elle n'occupait pas un emploi public dès lors qu'elle avait signé un contrat à durée indéterminée avec le cabinet de conseil Deloitte en avril 2014, l'ENS lui a adressé un courrier lui demandant de rembourser la somme de 37 214,92 euros pour rupture de son engagement décennal. Mme F... G... a adressé le 25 septembre 2015 à l'ENS une demande de décharge de cette somme. Par un arrêté du 19 juillet 2016, qui lui a été adressé le 25 octobre 2016, le directeur de l'ENS a fixé la somme due par Mme G... à 23 652,99 euros et un titre exécutoire en vue du recouvrement de cette somme a été émis à son encontre le 9 novembre 2016. Elle relève appel du jugement du 13 février 2019 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 19 juillet 2016 seulement en tant qu'il a fixé une date d'effet antérieure au 25 octobre 2016 et a rejeté le surplus de sa requête.
Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 19 juillet 2016 :
2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la commission de suivi de l'engagement décennal s'est réunie, conformément à l'article 41 du règlement intérieur de l'ENS, pour rendre un avis sur la situation de Mme G.... Le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure doit donc être écarté.
3. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient Mme G..., la rétroactivité illégale dont est entaché l'arrêté litigieux, dès lors qu'il fixe une date d'entrée en vigueur postérieure à sa notification, n'a pas pour effet d'entraîner son annulation totale. C'est par suite à bon droit que le tribunal ne l'a annulé qu'en tant qu'il a fixé une date d'effet antérieure au 25 octobre 2016, date de sa notification.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article 20 du décret du 9 décembre 2013 : " Les élèves fonctionnaires stagiaires sont tenus d'exercer une activité professionnelle durant dix ans comptés à partir de leur entrée à l'école : / 1° Dans les services d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen, de leurs collectivités territoriales ou de leurs groupements, ou de leurs établissements publics ; ou / 2° Dans une entreprise du secteur public d'un Etat visé au 1° ; / ou 3° Dans les services de l'Union européenne ou d'une organisation internationale gouvernementale ; ou / 4° Dans une institution d'enseignement supérieur ou de recherche. / Cet engagement est calculé pro rata temporis pour les élèves ayant acquis la qualité de fonctionnaire stagiaire en cours de scolarité. / En cas de méconnaissance de cette obligation, les traitements perçus doivent être remboursés, sous réserve de remise totale ou partielle accordée par le directeur de l'école, dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'enseignement supérieur ".
5. Il ne résulte pas des dispositions précitées qu'elles n'assigneraient qu'une obligation de moyens et non de résultats dans la recherche d'un emploi dans le périmètre ainsi défini du secteur public où doit s'exercer l'activité professionnelle des fonctionnaires stagiaires de l'ENS. Par suite, la circonstance que Mme G... justifie de nombreuses tentatives pour obtenir un emploi public ou se présenter à des concours de la fonction publique, à la supposer établie, si elle peut être prise en compte dans le cadre d'une demande de remise gracieuse, est sans incidence sur la légalité de l'arrêté litigieux dès lors qu'il est constant que la requérante ne s'est pas conformée à son obligation décennale.
6. Enfin, Mme G... ne peut utilement soutenir que l'ENS elle-même l'a incitée à rejoindre le secteur privé par l'intermédiaire du directeur du service " carrières ", qui lui a proposé une liste de contacts auprès des cabinets de conseils, et que l'école oriente ses anciens élèves littéraires en difficulté vers le secteur privé sans faire référence à l'obligation décennale, dès lors qu'une éventuelle ignorance de cette règle resterait sans incidence sur le bien-fondé de l'obligation de remboursement. De même, la circonstance que la requérante aurait été induite en erreur par l'ENS sur le sujet, si elle pourrait, le cas échéant, fonder une action en responsabilité de l'établissement ou une demande de remise gracieuse, resterait également sans incidence sur la légalité de la décision contestée.
Sur la légalité du titre exécutoire du 9 novembre 2016 :
7. Il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que Mme G... n'est pas fondée à soutenir que le titre exécutoire contesté serait dépourvu de base légale.
8. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation de la requête de Mme G... ne peuvent qu'être rejetées, ainsi, par voie de conséquence, que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées sur ce même fondement par l'ENS.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme G... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de l'Ecole normale supérieure au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... G... et au directeur de l'Ecole Normale Supérieure.
Délibéré après l'audience du 8 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme A..., président de chambre,
- Mme D..., présidente assesseure,
- M. Mantz, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 janvier 2021.
La rapporteure,
M. D...Le président,
M. A...Le greffier,
S. GASPAR
La République mande et ordonne au ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA01293