Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 26 avril 2019, la société Air France, représentée par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision R/17-0627 du 19 décembre 2017 ou de la décharger du paiement de l'amende ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'irrégularité du passeport litigieux ne peut être regardée comme manifeste dès lors que par une attestation du 19 avril 2017, présentée par le passager à l'embarquement et dont le ministre de l'intérieur ne rapporte pas la preuve qu'il s'agirait d'un faux, l'ambassade de Malaisie à Dakar a certifié que ce passeport n'avait fait l'objet d'aucune manipulation ou falsification ;
- la falsification du passeport ne pouvait pas davantage être regardée comme manifeste du fait du décollement de la page d'identification du titulaire, qui est survenu après sa présentation à l'agent d'embarquement le 27 mai 2017.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 février 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des transports,
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- et les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 19 décembre 2017, le ministre de l'intérieur a infligé à la société Air France une amende d'un montant de 10 000 euros, sur le fondement de l'article L. 625-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour avoir débarqué, le 27 mai 2017, un passager de nationalité indéterminée, titulaire d'un passeport malaisien manifestement contrefait. La société Air France relève appel du jugement du 27 février 2019 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
2. Aux termes de l'article L. 6421-2 du code des transports : " Le transporteur ne peut embarquer les passagers pour un transport international qu'après justification qu'ils sont régulièrement autorisés à atterrir au point d'arrivée et aux escales prévues ". Par ailleurs, selon l'article L. 625-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'entreprise de transport aérien ou maritime qui débarque sur le territoire français, en provenance d'un Etat avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen, un étranger non ressortissant d'un Etat de l'Union européenne et démuni du document de voyage et, le cas échéant, du visa requis par la loi ou l'accord international qui lui est applicable en raison de sa nationalité est punie d'une amende d'un montant maximum de 10 000 euros. Toutefois, en vertu du 2° de l'article L. 625-5, l'amende n'est pas infligée lorsque l'entreprise de transport établit que les documents requis lui ont été présentés au moment de l'embarquement et qu'ils ne comportaient pas d'élément d'irrégularité manifeste.
3. Ces dispositions imposent à l'entreprise de transport de vérifier que l'étranger est muni des documents de voyage et des visas éventuellement requis et que ceux-ci ne comportent pas d'irrégularité manifeste, décelable par un examen normalement attentif de ses agents.
4. Il résulte de l'instruction et, notamment, du procès-verbal dressé le 29 mai 2017 à
9 h 29, par un agent de police judiciaire, que Monsieur A..., de nationalité indéterminée, se disant KUMARAN Batumalai, né le 4 mai 1994 à Selangor, a débarqué le 27 mai 2017 à 6 h 22 à l'aéroport de Roissy-Charles de Gaulle du vol n° AF 719, en provenance de Dakar. Le procès-verbal indique en outre que le motif du refus d'admission de l'intéressé est : " défaut de document de voyage, le document présenté étant manifestement falsifié ".
5. La décision du 19 décembre 2017 infligeant l'amende litigieuse à la société Air France mentionne, s'agissant des éléments permettant de faire apparaître la contrefaçon du passeport, que, " d'une part, la marque de sécurité optiquement variable en forme de fleur située au centre du document reste constamment de couleur rose, alors que celle-ci doit changer de couleur selon l'inclinaison du document pour varier du rose au brun-vert, comme sur un document authentique, d'autre part, la photographie et les trois lettres "MYS" composant la sécurité et situées sur la droite du document sont visibles simultanément, alors que sur un document authentique la photographie et les trois lettres ne doivent pas apparaître en même temps, mais alternativement, c'est à dire que suivant l'inclinaison du document la photographie apparaît et disparaît au profit des trois lettres, et enfin, le fond d'impression du document présente une mauvaise irisation des couleurs visible à l'oeil nu autour de la mention " MALAYSIA" ". Cette motivation est corroborée par l'examen de l'original du passeport, qui a été produit devant le tribunal comme devant la Cour.
6. Il résulte de l'instruction que les deux premiers éléments mentionnés au point 5 constituaient des éléments d'irrégularité manifeste, décelables par un examen normalement attentif des agents procédant à l'embarquement des passagers. Dans ces conditions, il ressort des pièces du dossier qu'à supposer même que la mauvaise irisation des couleurs ne soit pas manifeste, le ministre de l'intérieur aurait pris la même décision s'il s'était fondé uniquement sur les deux premiers motifs précités. Par suite, et à supposer même que le passager en cause ait présenté lors de l'embarquement une attestation d'authenticité de son passeport de l'ambassade de Malaisie à Dakar, en date du 19 avril 2017, dont la valeur probante n'est d'ailleurs pas établie, le ministre de l'intérieur a pu légalement faire application des dispositions précitées de l'article L. 625-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et infliger à la société Air France une amende sur ce fondement.
7. Il appartient au juge administratif, saisi d'un recours de pleine juridiction contre la décision infligeant une amende sur le fondement des dispositions législatives précitées, de statuer sur le bien-fondé de la décision attaquée et de réduire, le cas échéant, le montant de l'amende infligée en tenant compte de l'ensemble des circonstances de l'espèce. En raison toutefois du caractère aisément décelable des irrégularités retenues point 6, il n'y a pas lieu de procéder à la réduction du montant de l'amende qui n'est pas entaché de disproportion.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Air France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Air France est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Air France et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 8 janvier 2021 à laquelle siégeaient :
- Mme B..., président de chambre,
- Mme E..., présidente assesseure,
- M. C..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 janvier 2021.
Le rapporteur,
P. C...
Le président,
M. B... Le greffier,
S. GASPAR
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
4
N° 19PA01435