Par une requête enregistrée le 11 août 2020, des pièces complémentaires enregistrées le 19 août 2020 et un mémoire en réplique enregistré le 2 mars 2021, Mme D... représentée par Me A..., demande la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 10 juin 2020 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler la décision du 21 août 2018 par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé de délivrer au Club Marbeuf Champs-Elysées un agrément en vue de l'embaucher en qualité d'employée de jeux, ainsi que la décision du 13 décembre 2018 rejetant son recours gracieux dirigé contre la décision du 21 août 2018 ;
3°) de lui délivrer l'agrément sollicité, ou à titre subsidiaire, d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui délivrer cet agrément dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me A... de la somme de 3 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- les décisions litigieuses sont insuffisamment motivées, en violation de l'article L. 215 du code des relations entre le public et l'administration ;
- la motivation de la décision du 21 août 2018 est entachée d'une erreur matérielle en ce qu'elle vise l'article 12 de l'arrêté du 13 septembre 2017 qui ne lui est pas applicable ;
- les décisions litigieuses sont entachées d'une erreur de droit dans l'application de l'article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure dès lors que le ministre a tenu compte de faits qui n'ont donné lieu à aucune condamnation et ne sont pas inscrits à son casier judiciaire et qui concernent une autre personne que celle pour laquelle est sollicité l'agrément ;
- les décisions d'agrément n'étant pas des mesures de police administrative mais des mesures d'ordre professionnel, elles ne peuvent être justifiées par la préservation de la moralité publique ;
- les décisions litigieuses sont entachées d'une erreur d'appréciation dès lors qu'aucun élément ne permet d'établir qu'elle était informée des faits fautifs reprochés à son conjoint et qu'aucun motif relatif à son comportement personnel ne peut fonder le refus d'agrément qui lui a été opposé ;
Par un mémoire en défense enregistré le 9 février 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du
29 décembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de sécurité intérieure ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2017-913 du 9 mai 2017 ;
- l'arrêté du 13 septembre 2017 pris pour l'application du décret n° 2017-913 du 9 mai 2017 et fixant les modalités de mise en oeuvre de l'expérimentation des clubs de jeux à Paris ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public,
- et les observations de Me Dossin, avocat de Mme D....
Considérant ce qui suit :
1. Par décision du 21 août 2018, le ministre de l'intérieur a refusé de délivrer au Club Marbeuf Champs-Elysées un agrément en qualité d'employée de jeux à Mme D.... Cette dernière a présenté un recours gracieux contre la décision du 21 août 2018, qui a été rejeté le 13 décembre 2018. Elle relève appel du jugement du 10 juin 2020 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation de ces deux décisions.
2. Aux termes de l'article R. 321-31 du code de la sécurité intérieure dans sa rédaction en vigueur à la date des décisions litigieuses : " (...) Préalablement à leur entrée en fonctions, les employés de jeux et les agents de vidéoprotection doivent être agréés par le ministre de l'intérieur. (...) " . Aux termes de l'article L. 114-1.I de ce code : " - Les décisions administratives de recrutement, d'affectation, de titularisation, d'autorisation, d'agrément ou d'habilitation, prévues par des dispositions législatives ou réglementaires, concernant (... ) les emplois privés ou activités privées réglementées relevant des domaines des jeux, paris et courses, (...), peuvent être précédées d'enquêtes administratives destinées à vérifier que le comportement des personnes physiques ou morales intéressées n'est pas incompatible avec l'exercice des fonctions ou des missions envisagées.(...)". Aux termes de l'article 16 du décret susvisé du 9 mai 2017 relatif aux conditions de l'expérimentation des clubs de jeux à Paris et portant diverses dispositions relatives aux casinos : " Peuvent donner lieu aux enquêtes mentionnées à l'article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure les décisions :1° D'autorisation d'exploiter les jeux d'argent et de hasard dans les clubs de jeux ;2° D'agrément des directeurs responsables et des membres des comités de direction des clubs de jeux autorisés ainsi que des personnes employées dans les salles des jeux de ces établissements ". Enfin, aux termes de l'article 21 de cet arrêté : " Préalablement à leur entrée en fonction, les employés de jeux sont agréés par le ministre de l'intérieur. / L'agrément est accordé par le ministre de l'intérieur au vu d'un dossier transmis par le club de jeux comprenant : (...) / 5° La copie du bulletin n° 3 du casier judiciaire datant de moins de deux mois ou pour les ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen, le document équivalent, délivré depuis moins de deux mois par une autorité judiciaire ou administrative compétente de leur pays d'origine et accompagné, le cas échéant, d'une traduction en langue française. ".
3. Mme D... soutient, en premier lieu, que les décisions litigieuses sont insuffisamment motivées, en violation de l'article L. 215 du code des relations entre le public et l'administration, aux termes duquel : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ". D'une part, il ressort de la décision du 21 août 2018 qu'elle cite l'arrêté du 13 septembre 2017 pris pour l'application du décret du 9 mai 2017 et comporte les éléments de faits sur lesquels le ministre se fonde, dès lors qu'il y énonce que : " A l'issue de son enquête administrative, le service central des courses et jeux a porté à ma connaissance des éléments sur votre proximité familiale avec une personne défavorablement connue des services de police. Ces liens sont de nature à exposer votre propre sécurité ainsi que celle du club. Ils s'avèrent incompatibles avec les fonctions confiées à une employée de jeux qui requièrent au préalable des garanties d'ordre public ". La circonstance que cette décision soit entachée d'une erreur de plume en ce qu'elle se réfère à l'article 12 de l'arrêté du 13 septembre 2017 et non à l'article 16, est sans incidence sur le caractère suffisant de sa motivation au regard des exigences de l'article L. 215 du code des relations entre le public et l'administration. D'autre part, la décision du 13 décembre 2018 se réfère à la décision du 21 août 2018 et comporte de la part du ministre la précision suivante : " En raison de la persistance de votre relation suivie avec une personne qui était impliquée à plusieurs reprises, en 2016 et 2017, en tant que complice de participation en bande organisée à la tenue d'une maison de jeux de hasard, je ne peux vous accorder un agrément d'employée de jeux qui requiert au préalable des garanties d'ordre public et de moralité ". Le moyen ne peut en conséquence qu'être écarté.
4. Mme D... soutient, en deuxième lieu, que les décisions litigieuses ont méconnu les dispositions de l'article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure dès lors que le ministre a tenu compte de faits qui n'ont donné lieu à aucune condamnation et ne sont pas inscrits à son casier judiciaire et qui concernent une autre personne que celle pour qui est sollicité l'agrément. Toutefois, dès lors que pour l'examen de la demande d'agrément, dans le cadre de l'exercice de ses pouvoirs de police administrative, le ministre de l'intérieur a fondé son appréciation sur les éléments dégagés lors de l'enquête administrative réalisée en application de l'article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure, il pouvait légalement tenir compte de faits qui n'avaient fait l'objet ni d'une condamnation pénale ni d'une inscription au casier judiciaire de Mme D... et qui étaient imputables à son conjoint, eu égard à la nature desdits faits et rappelés au point 3. Ce moyen doit être écarté.
5. Mme D... soutient, en troisième lieu, que les décisions litigieuses sont entachées d'une erreur d'appréciation dès lors qu'aucun élément ne permet d'établir qu'elle était informée des faits fautifs reprochés à son conjoint et qu'aucun motif relatif à son comportement personnel ne peut fonder le refus d'agrément qui lui a été opposé. Toutefois, il ressort de ses propres déclarations consignées au procès-verbal du 19 juin 2018 qu'elle a spontanément indiqué aux services de police que son mari a été impliqué en 2014 dans une affaire de tenue de maison de jeux clandestine à leur domicile, ce dont elle avait conçu le soupçon, et qu'en 2017, son époux a loué à des organisateurs de parties de poker clandestines leur domicile commun. A supposer même que ces faits se soient déroulés à son insu, eu égard au lien étroit de parenté de Mme D... avec leur auteur et de leur rapport direct avec l'exercice des fonctions envisagées par l'intéressée, le ministre a pu sans commettre d'erreur d'appréciation les prendre en compte pour rejeter la demande d'agrément. Le moyen ne peut qu'être écarté.
6. La circonstance, enfin, que Mme D... ait pu bénéficier d'un précédent agrément dans le cadre d'un contrat en tant que croupière dans un autre club de jeux entre novembre 2017 et juillet 2018, à la supposer établie, est sans incidence sur la légalité des décisions contestées.
7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence du rejet des conclusions à fin d'annulation de la requête d'appel de Mme D..., il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 12 mars 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme C..., présidente,
- M. Mantz, premier conseiller,
- Mme Portes, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 mars 2021.
La présidente-rapporteure
M. C...L'assesseur le plus ancien,
P. MANTZ
Le greffier,
S. GASPAR
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 20PA02239 5