Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 17 novembre 2017, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler les articles 2, 3 et 4 du jugement n°1714583 du 27 septembre 2017 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande présentée par M.A....
Il soutient que :
- la circonstance que les autorités italiennes ont été saisies antérieurement à l'enregistrement de la demande d'asile de M. A...a été sans influence sur la décision de transfert critiquée et ne l'a pas privé d'une garantie ;
- l'arrêté de transfert est suffisamment motivé ;
- la circonstance que l'arrêté de transfert ait été notifié en Français ne constitue pas un vice de procédure affectant la légalité dudit arrêté.
La requête a été communiquée à M.A..., qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (CE) du Conseil n° 2725/2000 du 11 décembre 2000 ;
- le règlement (UE) du Parlement européen et du Conseil n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) du Parlement européen et du Conseil n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le règlement d'exécution (UE) de la Commission n° 118/2014 du 30 janvier 2014 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Doré a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B...A..., ressortissant érythréen né le 6 avril 1995, s'est présenté au centre d'examen de situation administrative le 20 mars 2017, où ses empreintes digitales ont été relevées pour permettre une vérification avec le fichier " Eurodac ". Sur le fondement des résultats de ce relevé d'empreintes, le préfet de police a saisi le 21 mars 2017 les autorités italiennes d'une demande de reprise en charge sur le fondement de l'article 18-1 (b) du règlement dit Dublin III, M. A...ayant déjà déposé une demande d'asile dans ce pays. Le requérant a ensuite été reçu le 17 mai 2017 au guichet unique de demande d'asile où sa demande d'asile a été enregistré et a reçu une attestation de demande d'asile. Les autorités italiennes ayant accepté de reprendre en charge M.A..., le préfet de police a décidé le 8 septembre 2017 son transfert aux autorités italiennes. Le préfet de police fait appel du jugement en date du 27 septembre 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté en date du 8 septembre 2017 décidant du transfert de M. A...en Italie, lui a enjoint de réexaminer la situation de l'intéressé dans un délai de trois mois suivant la notification du jugement et mis à la charge de l'Etat une somme de 800 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Sur le moyen d'annulation retenu par le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris :
2. D'une part, aux termes de l'article 17 du règlement n° 603/2013 : " 1° En vue de vérifier si un ressortissant de pays tiers ou un apatride séjournant illégalement sur son territoire n'a pas auparavant introduit une demande de protection internationale dans un autre État membre, un État membre peut transmettre au système central les données dactyloscopiques relatives aux empreintes digitales qu'il peut avoir relevées sur un tel ressortissant de pays tiers ou apatride, âgé de 14 ans au moins, ainsi que le numéro de référence attribué par cet État membre. En règle générale, il y a lieu de vérifier si un ressortissant de pays tiers ou un apatride n'a pas auparavant introduit une demande de protection internationale dans un autre État membre lorsque: (...)le ressortissant de pays tiers ou l'apatride ne demande pas de protection internationale mais s'oppose à son renvoi dans son pays d'origine en faisant valoir qu'il s'y trouverait en danger(...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 20 du règlement (UE) 604/2013 : " 1. Le processus de détermination de l'État membre responsable commence dès qu'une demande de protection internationale est introduite pour la première fois auprès d'un État membre. / 2. Une demande de protection internationale est réputée introduite à partir du moment où un formulaire présenté par le demandeur ou un procès-verbal dressé par les autorités est parvenu aux autorités compétentes de l'État membre concerné. Dans le cas d'une demande non écrite, le délai entre la déclaration d'intention et l'établissement d'un procès-verbal doit être aussi court que possible ". Aux termes du 1 de l'article 18 dudit règlement : " L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de (...) b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre (...) ". L'article 23 est relatif aux requêtes aux fins de reprise en charge lorsqu'une nouvelle demande a été introduite dans l'État membre requérant et l'article 24 à celles présentées lorsqu'aucune nouvelle demande de protection internationale n'a été présentée dans le pays requérant, seule une demande dans le pays requis ayant été présentée.
4. Enfin, aux termes des dispositions de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente, qui enregistre sa demande et procède à la détermination de l'Etat responsable en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ou en application d'engagements identiques à ceux prévus par le même règlement, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ".
5. Il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment du compte-rendu d'entretien réalisé lorsque M. A... s'est présenté au centre d'examen de situation administrative le 20 mars 2017, qu'il ait manifesté le souhait de présenter une demande d'asile en France. Toutefois, le relevé de ses empreintes dactyloscopiques, réalisé sur le fondement de l'article 17, paragraphe 1, b) du règlement (UE) n° 603/2013, ayant mis en évidence qu'il avait déposé une demande de protection internationale auprès des autorités italiennes, le préfet de police a pu, sans méconnaître les dispositions précitées de l'article 20 du règlement (UE) n° 604/2013, mettre en oeuvre le processus de détermination de l'Etat membre responsable et présenter aux autorités italiennes une requête aux fins de reprise en charge alors même que M. A...n'avait pas introduit de demande de protection internationale en France. Dans ces conditions, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge a annulé l'arrêté du 8 septembre 2017 au motif qu'une demande de protection internationale n'avait pas été introduite en France avant que le préfet de police ne saisisse, le 21 mars 2017, les autorités italiennes d'une demande de reprise en charge sur le fondement de l'article 18-1 (b) du règlement précité.
6. Il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif.
Sur les autres moyens de la demande :
7. En premier lieu, l'arrêté contesté, après avoir visé la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la convention de Genève du 28 juillet 1951, le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, le règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment les articles L. 741-1 et L. 741-2, mentionne que M. A...est entré irrégulièrement en France, qu'il s'est présenté le 20 mars 2017 au centre d'examen de situation administrative où un examen de sa situation a révélé que sa demande d'asile relevait de la compétence de l'Italie, qui a accepté de le reprendre en charge, que s'il s'est ensuite présenté le 17 mai 2017 au guichet unique des demandeurs d'asile où il a été mis en possession d'une attestation de demande d'asile, l'accord de reprise en charge reste applicable et qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale ou au droit d'asile. L'arrêté litigieux énonce ainsi les considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet de police a fondé sa décision, quand bien même elle ne précise sur quel alinéa de l'article 18 du règlement susmentionné du 26 juin 2013 la demande de reprise en charge adressée aux autorités italiennes le 21 mars 2017 était fondée. Enfin, le préfet de police n'était pas tenu de mentionner dans l'arrêté avoir utilisé le formulaire type visé à l'article 2 du règlement d'application (CE) 1560/2003, modifié par le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014, pour demander la reprise en charge de M. A... auprès des autorités italiennes.
8. En deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 2 du règlement d'exécution (UE) n°118/2014 : " Une requête aux fins de reprise en charge est présentée à l'aide du formulaire type dont le modèle figure à l'annexe III, exposant la nature et les motifs de la requête et les dispositions du règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil sur lesquelles elle se fonde. La requête comporte en outre, selon le cas : (...) b) le résultat positif transmis par l'unité centrale d'Eurodac conformément à l'article 4, paragraphe 5, du règlement (CE) n°2725/2000 par suite de la comparaison des empreintes du demandeur d'asile avec des empreintes antérieurement relevées et transmises à l'unité centrale en vertu de l'article 4, paragraphes 1 et 2, dudit règlement et vérifié conformément à l'article 4, paragraphe 6, du même règlement (...) ". Il ressort du dossier que le préfet de police a produit le formulaire de reprise en charge de M. A...adressé aux autorités italiennes mentionnant le résultat positif transmis par l'unité centrale d'Eurodac, ainsi que l'accusé réception de cette demande du 21 mars 2017. En l'absence de réponse, les autorités italiennes ont accepté, à l'expiration d'un délai de deux semaines, de reprendre en charge le requérant. Le moyen tiré de ce que la décision attaquée est entachée d'illégalité, faute pour le préfet de police de justifier avoir procédé aux diligences requises par les dispositions précitées, doit ainsi être écarté.
9. En troisième lieu, aux termes du paragraphe 3 de l'article 26 du règlement (UE) n°604/2013 : " (...) 3. Lorsque la personne concernée n'est pas assistée ou représentée par un conseil juridique ou un autre conseiller, les Etats membres l'informent des principaux éléments de la décision, ce qui comprend toujours des informations sur les voies de recours disponibles et sur les délais applicables à l'exercice de ces voies de recours, dans une langue que la personne concernée comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'elle comprend. " Aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. Cette décision est notifiée à l'intéressé. Elle mentionne les voies de délais de recours ainsi que le droit d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix. Lorsque l'intéressé n'est pas assisté d'un conseil, les principaux éléments de la décision lui sont communiqués dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend. "
10. Si les conditions de notification de l'arrêté litigieux peuvent avoir une incidence sur l'opposabilité des voies et délais de recours, elles sont sans incidence sur la légalité de la décision ordonnant le transfert de l'intéressé aux autorités italiennes. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que l'arrêté litigieux aurait été notifié dans des conditions irrégulières, dès lors que la notification n'aurait pas été réalisée dans une langue qu'il comprend et que son droit de faire avertir son consulat, un conseil juridique ou toute personne de son choix n'aurait pas été mentionné, doit être écarté.
11. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier, que les brochures d'information prévues par le règlement Dublin susvisé ont été remises à M. A...le 17 mai 2017 et qu'elles étaient rédigées en langue arabe, langue qu'il a déclaré comprendre au cours de ses entretiens individuels. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n°604/2013 doit être écarté.
12. En dernier lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n°604/2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. /5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé. ". Aux termes de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'il est prévu aux livres II, V et VI et à l'article L. 742-3 du présent code qu'une décision ou qu'une information doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire. / En cas de nécessité, l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication. Dans une telle hypothèse, il ne peut être fait appel qu'à un interprète inscrit sur l'une des listes mentionnées à l'article L. 111-9 ou à un organisme d'interprétariat et de traduction agréé par l'administration. Le nom et les coordonnées de l'interprète ainsi que le jour et la langue utilisée sont indiqués par écrit à l'étranger ".
13. D'une part, il ressort des pièces du dossier que M. A...a bénéficié, lors des entretiens réalisés les 20 mars et 17 mai 2017, de l'assistance d'un interprète de l'association ISM Interprétariat, association agréée par l'administration. Si le nom de l'interprète n'a pas été indiqué par écrit au requérant, l'omission d'une telle indication ne saurait être regardée comme ayant privé M. A... d'une garantie et n'a pas été de nature à exercer une influence sur le sens de la décision de transfert attaquée.
14. D'autre part, si M. A...reproche au résumé de l'entretien individuel de ne pas mentionner le nom de l'agent ayant conduit l'entretien, une telle obligation n'est nullement prévue par l'article 5 du règlement n° 604/2013. Dans ces conditions, alors qu'il est constant que l'entretien a été réalisé au guichet unique des demandeurs d'asile par un fonctionnaire de la préfecture de police, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.
15. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé sa décision du 8 septembre 2017 décidant du transfert de M. A... en Italie, lui a enjoint de réexaminer la situation de l'intéressé dans un délai de trois mois suivant la notification du jugement et mis à la charge de l'Etat une somme de 800 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n°1714583 du 27 septembre 2017 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B...A...devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à M. B... A....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 20 septembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président de chambre,
- Mme Poupineau, présidente,
- M. Doré, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 4 octobre 2018.
Le rapporteur,
F. DORELe président,
S.-L. FORMERYLe greffier,
C. RENE-MINE La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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17PA03540