Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 2 novembre 2016, M.B..., représenté par Me Luce, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1507558 du 12 mai 2016 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 26 mars 2015 du préfet du Val-de-Marne ;
3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 10 euros par jour de retard, ou à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à Me Luce, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
S'agissant de la décision de refus de titre de séjour :
- les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision de refus de titre de séjour ;
- la décision contestée a été prise par une autorité incompétente ; le préfet du Val-de-Marne n'a pas produit l'arrêté de délégation de signature qui lui aurait permis de vérifier que M. C... était bien compétent ;
- le préfet du Val-de-Marne n'a pas examiné sa demande sur le fondement des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- c'est à tort que le tribunal a estimé que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant était inopérant à l'encontre d'une décision de refus de séjour ;
- le préfet du Val-de-Marne a méconnu ces stipulations dès lors qu'en cas de retour dans son pays d'origine, son enfant sera séparé de son père ; cet enfant sera séparé de sa mère, s'il part avec son père ;
- il a également méconnu le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard à l'intensité de ses liens familiaux sur le territoire français et à son intégration dans la société française ;
- il a méconnu l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il vit depuis cinq ans en France, qu'il est le père d'un enfant né en France et dont la mère est en situation régulière, qu'il contribue à l'entretien et à l'éducation de cet enfant, que la cellule familiale ne pourra pas se reconstruire en Guinée et qu'il est professionnellement et socialement bien intégré ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- la décision contestée a été prise par une autorité incompétente ;
- elle est privée de base légale du fait de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle est privée de base légale du fait de l'illégalité de la décision de refus de séjour et de celle portant obligation de quitter le territoire français.
La requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 23 septembre 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale sur les droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Larsonnier a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M.B..., de nationalité guinéenne, est entré en France selon ses déclarations le 14 février 2010 ; que par un arrêté en date du 26 mars 2015, le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit ; que M. B... fait appel du jugement du 12 mai 2016 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant du 26 janvier 1990, publiée par décret du 8 octobre 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté contesté, M. B... était le père d'un enfant né le 12 mars 2015, soit une quinzaine de jours seulement avant l'arrêté ; que cet enfant est issu de la relation maritale du requérant avec une ressortissante sénégalaise en situation régulière sur le territoire français et qu'il a été reconnu par ses deux parents le 16 mars 2015 à Toulouse ; que si M.B..., résidant à Champigny-sur-Marne, ne vivait plus avec sa compagne à la date de l'arrêté litigieux, il verse au dossier un billet de train aller-retour pour Toulouse pour un séjour du 15 au 17 mars 2015 et un récépissé de versement à la mère de l'enfant de la somme de 600 euros le 20 mars 2015 ; que, dans ces conditions, M. B... doit être regardé, à la date de l'arrêté contesté, comme entretenant des liens affectifs avec son fils, vivant avec sa mère à Toulouse, et participant à son entretien à hauteur de ses possibilités financières ; qu'ainsi, et alors que son enfant serait privé de la présence de son père en cas d'exécution de l'arrêté contesté, M. B...est fondé à soutenir que le préfet du Val-de-Marne a, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, méconnu les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant ; que, par suite, il y a lieu d'annuler cette décision ainsi que, par voie de conséquence, celles portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Considérant que le présent arrêt, par lequel la Cour fait droit aux conclusions à fin d'annulation présentées par M.B..., n'implique cependant pas, eu égard au motif d'annulation ci-dessus énoncé, que l'administration prenne une nouvelle décision dans un sens déterminé ; que, par suite, les conclusions du requérant tendant à ce que lui soit délivré un titre de séjour doivent être rejetées ; qu'il y a seulement lieu d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de statuer à nouveau sur la situation de l'intéressé dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a toutefois pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
6. Considérant que M. B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Luce, avocat de M.B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Luce de la somme de 1 200 euros ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1507558 du 12 mai 2016 du Tribunal administratif de Melun et l'arrêté du 26 mars 2015 du préfet du Val-de-Marne sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Val-de-Marne de procéder au réexamen de la demande de titre de séjour présentée par M. B...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer dans l'attente de sa décision une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera à Me Luce, avocat de M.B..., une somme de 1 200 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Luce renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B..., au ministre de l'intérieur, au préfet du Val-de-Marne et à Me Luce.
Délibéré après l'audience du 23 mars 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président de chambre,
- Mme Coiffet, président assesseur,
- Mme Larsonnier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 avril 2017.
Le rapporteur,
V. LARSONNIER Le président,
S.-L. FORMERY
Le greffier,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 16PA03195 5