Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 3 novembre 2016 et complétée par de nouvelles pièces le 16 mars 2017, M.B..., représenté par Me Rochiccioli, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1600834 du 23 juin 2016 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 28 octobre 2015 du préfet de police ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Me Rochiccioli sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision de refus de séjour méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'instruction du 10 novembre 2011 relative à l'instruction des demandes de titre de séjour en qualité d'étranger malade, dès lors que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui ne peut lui être dispensée au Maroc ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît, pour les mêmes motifs, le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 mars 2017, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 23 septembre 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Larsonnier,
- et les observations de Me Blanc, avocat de M.B....
1. Considérant que M.B..., de nationalité marocaine, entré en France en décembre 2013, fait appel du jugement du 23 juin 2016 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 octobre 2015 du préfet de police refusant de lui délivrer un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours en fixant le pays de destination ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicables à la date de la décisions contestée : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article
L. 311-7 soit exigée. (...) " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.B..., entré en France en décembre 2013 et présentant une " cardiopathie valvulaire et une insuffisante aortique et tricuspide sévères post-endocarditiques ", a subi en février 2014 une intervention chirurgicale consistant notamment en la pose de deux bioprothèses aortique et tricuspide ainsi que des électrodes bipolaires ; qu'à la suite de cette intervention chirurgicale, M. B...est soumis à un traitement médicamenteux composé de bisoprolol et de ramipril ainsi qu'à une surveillance cardiologique stricte et régulière afin de prévenir en particulier la dégénérescence des bioprothèses ; qu'il ressort tant de l'attestation médicale d'un chirurgien en cardiologie vasculaire du centre hospitalier universitaire de Casablanca en date du 26 juillet 2013 que des certificats médicaux de praticiens hospitaliers du service de cardiologie de l'hôpital Lariboisière en date des 23 mars 2015 et 12 novembre 2015, que la reprise chirurgicale consistant au remplacement des bioprothèses ne peut être réalisée au Maroc ; qu'eu égard à la gravité de sa pathologie cardiaque et à la particularité des bioprothèses, qui se détériorent rapidement, M. B... est fondé à soutenir que le préfet de police, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, il y a lieu d'annuler cette décision ainsi que, par voie de conséquence, celles portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Considérant qu'eu égard au motif d'annulation de l'arrêté contesté ci-dessus retenu et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des éléments de fait ou de droit nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose une nouvelle décision de refus, le présent arrêt implique nécessairement que cette autorité délivre à M. B...un titre de séjour ; qu'il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de police de délivrer au requérant un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a toutefois pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
6. Considérant que M. B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Rochiccioli, avocat de M.B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Rochiccioli de la somme de 1 500 euros ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1600834 du 23 juin 2016 du Tribunal administratif de Paris et l'arrêté du 28 octobre 2015 du préfet de police sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer à M. B...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Rochiccioli, avocat de M.B..., une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Rochiccioli renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B...est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B..., au ministre de l'intérieur, au préfet de police et à Me Rochiccioli.
Délibéré après l'audience du 23 mars 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président de chambre,
- Mme Coiffet, président assesseur,
- Mme Larsonnier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 avril 2017.
Le rapporteur,
V. LARSONNIER Le président,
S.-L. FORMERY
Le greffier,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16PA03197