Par une requête, enregistrée le 26 août 2020, M. C..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1923150 du 3 mars 2020 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du 23 avril 2019 du préfet de police ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour de dix ans sur le fondement de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien ou, à titre de subsidiaire, de réexaminer sa demande en lui délivrant une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de cinquante euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. C... soutient que :
- le préfet de police n'a pas procédé à un examen complet de sa situation ;
- le préfet de police s'est considéré en compétence liée ;
- le préfet de police n'a pas réexaminé sa demande au titre de la retraite, ainsi qu'il lui incombait en application du jugement du tribunal administratif de Paris du 14 décembre 2016 ;
- il est fondé à obtenir un certificat de résidence sur le fondement de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien, compte tenu de son état de santé et de l'impossibilité de bénéficier d'un traitement effectif en Algérie ;
- le préfet de police a méconnu l'article 7 bis f) de l'accord franco-algérien ;
- le préfet de police a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et commis une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 20 novembre 2020, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Le préfet de police soutient que les moyens invoqués par M. C... ne sont pas fondés.
Par une décision du 3 juin 2020, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a admis M. C... à l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 ;
- les décrets n° 2020-1404 et n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D... ;
- et les observations de Me B..., pour M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant algérien, a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence sur le fondement du 7°) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par un arrêté du 23 avril 2019, le préfet de police a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office. M. C... fait appel du jugement du 3 mars 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. En premier lieu, l'arrêté contesté mentionne l'ensemble des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement. Il ne résulte pas de ses termes que la situation de M. C..., au regard de l'objet de sa demande, n'aurait pas fait l'objet d'un examen complet par le préfet de police, qui n'était pas tenu d'examiner si l'intéressé aurait pu, le cas échéant, se voir délivrer un titre de séjour sur un autre fondement.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7°) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ".
4. Pour refuser de délivrer un titre de séjour à M. C... à raison de son état de santé, le préfet de police s'est approprié l'avis émis le 1er juillet 2018 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), qui a estimé que si l'état de santé du requérant nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il pouvait bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police, qui a mentionné avoir procédé à un examen approfondi de la situation, se serait cru en compétence liée. D'autre part, si M. C... est atteint de troubles psychiatriques, il se borne à produire des certificats médicaux des 17 octobre 2019, 11 mai 2020 et 12 janvier 2021 établis par deux médecins généralistes, dépourvus de toute précision quant à l'impossibilité de prise en charge en Algérie, des certificats médicaux des 11 octobre 2019 et 11 janvier 2021 établis par un psychiatre, qui ne s'engage pas quant à l'existence d'un traitement adapté à la pathologie du requérant en Algérie, et un extrait de journal daté du 10 novembre 2017. Ces éléments ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le collège de médecins de l'OFII sur l'existence d'un traitement approprié à l'état de santé de M. C... en Algérie. Par ailleurs, le requérant n'apporte aucun élément probant à l'appui de ses allégations selon lesquelles il ne pourrait effectivement bénéficier d'un tel traitement compte tenu de ses moyens, alors qu'il perçoit une pension de retraite de source française et que l'intégralité de sa famille, à supposer qu'elle vive dans un village éloigné des centres urbains, réside en Algérie. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées du 7°) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 doit être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit sous réserve de la régularité du séjour pour ce qui concerne les catégories visées au a), au b), au c) et au g) : (...) f) Au ressortissant algérien qui est en situation régulière depuis plus de dix ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'un certificat de résidence portant la mention " étudiant " (...) ".
6. Si M. C... soutient qu'il remplit les conditions pour se voir délivrer un certificat de résidence de dix ans en application des stipulations mentionnées au point 5, outre qu'il n'a pas déposé une demande sur ce fondement, il ne justifie pas être en situation régulière sur le territoire français depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté contesté. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées du f) du 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 doit en tout état de cause être écarté.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. Il ressort des pièces du dossier que si M. C..., né en 1954, soutient qu'il a vécu en France, où il a travaillé, à compter de 1970, il ne conteste pas avoir bénéficié entre 2005 et 2015 d'un certificat de résidence en qualité de retraité, impliquant qu'il avait établi sa résidence en Algérie. Par ailleurs, M. C... a ses attaches familiales dans ce pays, où résident son épouse, ses enfants et sa fratrie, aucune attache familiale en France n'étant alléguée. En outre, en se bornant à se prévaloir de la perception d'une pension de retraite, M. C... ne justifie d'aucune intégration sociale ou privée en France. Dans ces conditions, et alors que, ainsi qu'il a été dit précédemment, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. C... ne pourrait effectivement bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé en Algérie, le préfet de police, en refusant de lui délivrer un titre de séjour et en lui faisant obligation de quitter le territoire français, n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ces décisions ont été prises. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit ainsi être écarté. Pour les mêmes motifs, le préfet de police n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ces décisions sur la situation personnelle de M. C....
9. En cinquième lieu, la circonstance que le préfet de police n'aurait pas exécuté un jugement du 14 décembre 2016, par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé pour défaut de motivation une décision du préfet de police du 7 juillet 2015 refusant de renouveler un certificat de résidence en qualité de retraité, est sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'annulation doivent ainsi être rejetées.
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
11. Le présent arrêt n'appelle aucune mesure d'exécution. Les conclusions à fin d'injonction sous astreinte présentées par M. C... doivent dès lors être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. C... demande au titre des frais qu'il a exposés.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 1er avril 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président de chambre,
- M. D..., président assesseur,
- M. Sibilli, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 26 avril 2021.
Le rapporteur,
F. D...Le président,
S.-L. FORMERY
La greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA02467