Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 17 novembre 2017, M.C..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1503662 du 19 octobre 2017 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2009 et 2010, ainsi que des intérêts de retard et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la procédure d'évaluation d'office mise en oeuvre au titre de l'année 2009 est irrégulière, dès lors que la société Deliv'Courses a déposé sa déclaration de résultats moins de 30 jours après la mise en demeure que le service lui avait adressée le 31 mai 2010 ; l'administration n'apporte pas la preuve qui lui incombe que cette déclaration lui serait parvenue après l'expiration des délais de déclaration ;
- l'administration n'apporte pas la preuve qui lui incombe que la déclaration CA12 de l'année 2009 a été déposée après l'expiration du délai de déclaration ;
- la société n'a pas bénéficié d'un débat oral et contradictoire lors des opérations de contrôle sur place ;
- le service ne pouvait réintégrer les charges correspondant aux factures des sociétés BPG et Pegasus dès lors qu'elles étaient justifiées et que le service n'a pas apporté d'indices lui permettant de remettre en cause la réalité des charges déduites ;
- il appartient à l'administration, qui ne peut s'immiscer dans la gestion d'une entreprise, d'établir que ces dépenses n'ont pas été engagées dans l'intérêt de la société ;
- il demande la décharge de l'intérêt de retard et des pénalités en conséquence de la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu mis à sa charge.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 février 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement prononcé en cours d'instance et au rejet du surplus des conclusions de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Poupineau,
- et les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public.
1. Considérant que l'EURL Deliv'Courses, dont M. C...est l'unique associé et le gérant, et qui exerce une activité de transport public routier de marchandises et de location de véhicules industriels pour le transport routier de marchandises avec conducteurs, a fait l'objet d'un contrôle sur place de ses documents comptables, à l'issue duquel le service lui a notifié des rehaussements dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux après avoir évalué d'office ses résultats à partir des encaissements effectués sur ses comptes bancaires ; que M. C... a, en conséquence des rectifications apportées aux déclarations de la société Deliv'Courses, société de personnes non soumise à l'impôt sur les sociétés, été assujetti à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2009 et 2010, assorties des intérêts de retard et de la pénalité de 40% prévue au b du 1 de l'article 1728 du code général des impôts ; que M. C...fait appel du jugement en date du 19 octobre 2017, par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et pénalités ;
Sur l'étendue du litige :
2. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que M. C...aurait été, à l'issue du contrôle sur pièces des déclarations fiscales qu'il a souscrites au titre des années 2009 et 2010, assujetti à des cotisations de contributions sociales au titre de ces deux années, seules en litige ; que, par suite, les conclusions du ministre de l'action et des comptes publics tendant à ce que la Cour prononce un non-lieu à statuer à concurrence du montant des cotisations de contributions sociales dégrevées en cours d'instance sont dépourvues d'objet et ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les impositions en litige :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales : " Sont taxés d'office : 1° à l'impôt sur le revenu, les contribuables qui n'ont pas déposé dans le délai légal la déclaration d'ensemble de leurs revenus ou qui n'ont pas déclaré, en application des articles 150-0 E et 150 VG du code général des impôts, les gains nets et les plus-values imposables qu'ils ont réalisés, sous réserve de la procédure de régularisation prévue à l'article L. 67 (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 73 de ce livre : " Peuvent être évalués d'office : 1° Le bénéfice imposable des contribuables qui perçoivent des revenus provenant d'entreprises industrielles, commerciales ou artisanales, ou des revenus d'exploitations agricoles imposables selon un régime de bénéfice réel, lorsque la déclaration annuelle prévue à l'article 53 A du code général des impôts n'a pas été déposée dans le délai légal (...) Les dispositions de l'article L. 68 sont applicables dans les cas d'évaluation d'office prévus aux 1° et 2 " ; que l'article L. 68 dispose : " La procédure de taxation d'office prévue aux 2° et 5° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure " ; qu'aux termes de l'article L. 286 du même livre : " toute personne tenue de respecter une date limite ou un délai pour présenter une demande, déposer une déclaration, exécuter un paiement ou produire un document auprès d'une autorité administrative peut satisfaire à cette obligation au plus tard à la date prescrite au moyen d'un envoi postal, le cachet de La Poste faisant foi, ou d'un procédé télématique ou informatique homologué permettant de certifier la date d'envoi " ; qu'aux termes de l'article 42 de l'annexe III au code général des impôts : " La déclaration prévue au 1 de l'article 170 du code général des impôts est rédigée sur des imprimés établis par l'administration conformément aux modèles arrêtés par le ministre de l'économie et des finances " ; que l'article 45 de la même annexe dispose : " Les déclarations dûment signées sont remises ou adressées par les contribuables au service des impôts du lieu de leur résidence ou de leur principal établissement dans le délai prévu à l'article 175 du code général des impôts. Il leur en est délivré récépissé " ;
4. Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'il appartient au contribuable d'établir qu'il a respecté ses obligations déclaratives dans les délais prévus par la loi lorsqu'il entend contester, devant le juge de l'impôt, la mise en oeuvre de la procédure de taxation d'office sur le fondement des dispositions sus-rappelées ; que, toutefois, lorsque, comme en l'espèce, il est constant que la déclaration de résultats du contribuable a bien été adressée à l'administration par voie postale au moyen d'un courrier simple et qu'elle a bien été reçue, il appartient à l'administration, seule en mesure de le faire, de produire devant le juge de l'impôt l'enveloppe dans laquelle a été acheminée cette déclaration et portant le cachet de la Poste faisant foi de sa date d'expédition ; qu'à défaut pour l'administration de produire cette enveloppe, la déclaration ne peut être tenue pour tardive, à moins qu'un autre document versé au dossier soumis à la juridiction, tel que la copie de ladite déclaration datée par le contribuable lui-même, ne fasse apparaître que celle-ci a été établie tardivement ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le service a déterminé le montant des bénéfices réalisés par la société Deliv'Courses au titre de l'année 2009 selon la procédure d'évaluation d'office prévue par les dispositions précitées du 1 de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales, au motif que la société avait déposé sa déclaration de résultats après le délai légal de souscription et plus de 30 jours suivant la notification d'une mise en demeure du 31 mai 2010, réceptionnée par la contribuable le 2 juin suivant ; que M. C...soutient que la déclaration litigieuse a été adressée en courrier simple par voie postale aux services fiscaux ; que le ministre n'a pas produit l'enveloppe ayant contenu cette déclaration et portant le cachet de la Poste faisant foi de sa date d'expédition ; que le timbre dateur porté par la recette principale sur la déclaration, indiquant que celle-ci est parvenue à l'administration le 20 juillet 2010, soit postérieurement au délai de souscription, ne peut y suppléer ; qu'aucun autre document versé au dossier ne permet de confirmer la tardiveté alléguée par le ministre de la déclaration, qui porte la date du 14 mai 2010 ; que, par suite, M. C...est fondé à soutenir que l'administration n'apporte pas la preuve qui lui incombe du caractère tardif du dépôt par la société Deliv'Courses de sa déclaration des résultats de l'année 2009 ; que le ministre fait cependant valoir, pour justifier le maintien des impositions en litige, que cette déclaration n'est pas signée ; qu'il résulte de l'instruction que la déclaration que le service a réceptionnée le 20 juillet 2010 est effectivement dépourvue de signature originale ; que, par suite, la société Deliv'Courses ne peut être regardée comme ayant régulièrement souscrit sa déclaration de résultats ; que, dans ces conditions, il y a lieu de faire droit à la demande de substitution de motif du ministre, qui n'a privé le contribuable d'aucune garantie de procédure ; que M. C...n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que c'est à tort que l'administration fiscale a considéré que la société Deliv'Courses s'était placée dans la situation d'évaluation d'office prévue à l'article L. 73 du livre des procédures fiscales ;
6. Considérant, en deuxième lieu, qu'il est constant que la société Deliv'Courses n'a pas souscrit sa déclaration de résultats de l'année 2010 en dépit de la mise en demeure que le service lui a adressée le 15 juin 2011, antérieurement à l'envoi de l'avis du 22 février 2012, par lequel l'administration l'a informée du déroulement des opérations de contrôle sur place de ses pièces comptables ; que le service était, dès lors, en droit, en vertu des dispositions précitées des articles L. 73 et L. 68 du livre des procédures fiscales, de fixer d'office les bénéfices industriels et commerciaux de la société au titre de cette année ; qu'ainsi qu'il a été dit au point précédent, le service a pu légalement recourir à la procédure d'évaluation d'office pour déterminer le montant des bénéfices réalisés par la société au titre de l'année 2009 ; que la situation d'évaluation d'office de la société Deliv'Courses ne procédant pas des opérations de contrôle sur place en litige, la circonstance, à la supposer établie, que la société Deliv'Courses aurait été privée à cette occasion d'un débat oral et contradictoire est sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition ; que, par ailleurs, la requérante n'apporte pas la preuve qui lui incombe, dès lors que le contrôle de ses pièces comptables s'est déroulé, conformément à sa demande, au cabinet de son comptable, que le vérificateur se serait soustrait à toute discussion durant les deux entretiens qu'il a eus avec elle, lesquels étaient suffisants au regard de la nature et de l'importance des rehaussements notifiés ; que, par suite, le moyen ne peut qu'être écarté ;
7. Considérant, en dernier lieu, que M. C...n'est pas recevable à contester la régularité de la procédure d'établissement des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la société Deliv'Courses ;
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition " ;
9. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Deliv'Courses n'a pas été en mesure de présenter les documents comptables sollicités par le service, qui a reconstitué les bénéfices qu'elle a réalisés au titre des années 2009 et 2010 à partir des encaissements constatés sur ses comptes bancaires ; qu'afin de tenir compte de la réalité économique et des conditions d'exercice de l'activité de la société, celui-ci a admis en déduction de ses recettes des charges figurant au bilan de l'année 2009 et dans le grand-livre de l'année 2010 mais a refusé de prendre en compte le montant de prestations facturées par les sociétés BPG et PEGASUS ; que M. C..., qui n'a produit aucun élément de nature à justifier de la réalité, du montant et de l'intérêt pour l'entreprise, des dépenses en litige, n'apporte pas la preuve qui lui incombe, dès lors que les bénéfices de la société Deliv'Courses ont été évalués d'office conformément aux dispositions du 1 de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales, du caractère exagéré des impositions mises à sa charge ;
Sur les pénalités :
10. Considérant qu'aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : (...) b. 40 % lorsque la déclaration ou l'acte n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai ; (...) " ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit plus haut que M. C...n'est pas fondé à demander la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2009 et 2010 ; qu'il n'est, dès lors, pas fondé à demander par voie de conséquence la décharge des intérêts de retard et des pénalités correspondants ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ; que, par suite, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : Les conclusions à fin de non-lieu à statuer présentées par le ministre de l'action et des comptes publics sont rejetées.
Article 2 : La requête de M. C...est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée au directeur chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal d'Ile-de-France Ouest.
Délibéré après l'audience du 3 mai 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président de chambre,
- Mme Poupineau, président assesseur,
- Mme Lescaut, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 31 mai 2018.
Le rapporteur,
V. POUPINEAULe président,
S.-L. FORMERY
Le greffier,
N. ADOUANE
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 17PA03518
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