Procédure devant la Cour :
Par une requête sommaire, enregistrée le 27 novembre 2017, un mémoire ampliatif, enregistré le 31 janvier 2018, et un mémoire en réplique, enregistré le 23 juillet 2018, M. B...représenté par la SCP A...et Komly-Nallier, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 26 septembre 2017 du Tribunal administratif de Melun en tant qu'il a rejeté sa demande n° 1502596 ;
2°) d'annuler la décision mentionnée ci-dessus du 6 février 2015 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier pour dénaturation des pièces du dossier, erreur de droit, erreur de fait, ainsi que pour méconnaissance des règles d'administration de la preuve, ce qui constitue une violation des stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision attaquée est entachée d'un vice de procédure : elle méconnait les droits de la défense car il n'a pas eu accès à son entier dossier dans un délai suffisant pour lui permettre de présenter utilement ses observations, puisqu'il a seulement pris connaissance de son dossier administratif et n'a pas été en mesure de consulter, dans un délai utile, son dossier médical malgré une demande en ce sens de son conseil ;
- la sanction qui lui a été infligée est entachée d'une inexactitude matérielle des faits et d'une erreur d'appréciation, les griefs qui lui sont imputés n'étant pas établis ;
- la décision attaquée méconnaît l'article 6 ter A de la loi du 13 juillet 1983 dès lors qu'il a fait l'objet d'une mesure de rétorsion visant à le punir pour avoir informé le ministère d'infractions dont il a eu connaissance.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 juillet 2018, le ministre de l'éducation nationale conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B...ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 23 juillet 2018, la clôture d'instruction a été reportée au 8 août 2018 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pagès,
- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., pour M.B....
Considérant ce qui suit :
1. Le 6 février 2015, le recteur de l'académie de Créteil a infligé un avertissement à M. B..., professeur certifié hors classe de lettres modernes affecté au collège Emile Zola de Choisy-le-Roi. Par ailleurs, M. B... a déclaré avoir été victime d'un accident de service le 20 mars 2015 à 5h45 à son domicile lui ayant occasionné un trouble anxio-dépressif, mais par une décision du 15 avril 2015, le recteur de l'académie de Créteil a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de cet accident. M. B...a alors saisi le Tribunal administratif de Melun de deux demandes tendant principalement à l'annulation de ces décisions. Par un jugement en date du 26 septembre 2017, le Tribunal administratif de Melun, d'une part, a partiellement fait droit à l'une de ses demandes, en annulant la décision du 15 avril 2015, mais a rejeté l'autre de ses demandes tendant à l'annulation de l'avertissement pris à son encontre le 6 février 2015. M. B... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté cette dernière demande.
Sur les conclusions à fin d'annulation et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
2. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
3. En l'espèce, l'avertissement infligé à M. B... est motivé par son " comportement (...) constitutif d'un manquement à ses obligations de respect et d'obéissance hiérarchique et de respect des règles de fonctionnement du service " et par un manquement " à ses obligations de correction et de dignité dans ses propos et son comportement ".
En ce qui concerne les premiers griefs :
4. La décision attaquée est fondée sur des " rapports du chef d'établissement en date [des] 10 et 13 novembre 2014 sur la manière de servir de M. B...indiquant qu'il n'a pas respecté la voie hiérarchique en adressant directement, dans un courrier en date du 27 septembre 2014, à Mme la Ministre de l'Education nationale des accusations sans fondement ". Cette décision relève aussi que " M.B..., qui dit avoir été témoin d'une gifle donnée à un surveillant ainsi que de l'introduction et de la détention d'une arme, n'a procédé à aucun signalement de ces incidents et de ces dysfonctionnements qui seraient de nature à mettre autrui en danger en ne respectant pas ainsi la procédure prévue " et qu'" il est également reproché à M. B...(...) d'avoir affirmé des éléments contraires à la réalité, portant ainsi des accusations infondées en indiquant qu'il lui semblait que l'élève était exclue mais qu'aucune notification officielle de la tenue d'un conseil de discipline n'était connue " alors que " dès le 23 septembre 2014 (date des faits), une mesure conservatoire a été affichée en salle des professeurs (et que) dès le 24 septembre 2014, une communication en présentiel par la direction a été effectuée ainsi qu'une communication à la classe concernée le 24 septembre 2014 (et) à la fédération des parents d'élèves (le 29 septembre 2014) ". Il est également reproché à M. B...d'avoir adressé, le 6 novembre 2014, un courriel au ton comminatoire à la principale du collège.
5. M. B...ne conteste pas avoir adressé à la ministre de l'éducation nationale le 27 septembre 2014, un courrier signalant au ministre l'agression au couteau d'un élève par une autre élève, le 23 septembre et les autres agressions dont elle s'était précédemment rendue coupable à deux autres reprises et s'interrogeant sur les mesures disciplinaires prises à son encontre. Si ce faisant, M. B...n'a pas respecté la voie hiérarchique, il est constant qu'il avait informé préalablement le 23 septembre la direction de l'établissement, par un rapport produit en pièce jointe 21 de sa demande de première instance, de cette agression survenue dans sa classe le jour même et de la manière dont il avait désarmé l'élève. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier, qu'en se bornant à signaler au ministre dans sa lettre du 27 septembre " à l'heure où j'écris ces lignes l'élève semble exclue du collège mais aucune notification officielle de la tenue d'un conseil de discipline concernant sa tentative d'homicide volontaire ne nous est connue ", M. B...aurait proféré une accusation mensongère dans la mesure où la formulation qu'il a employée n'est pas incompatible avec l'exclusion à titre conservatoire de l'élève et alors au demeurant, que l'administration ne précise toujours pas quelle a été la sanction définitive infligée à cette élève. Il convient aussi de souligner que si la tonalité du courrier du 27 septembre 2014 est quelque peu véhémente, elle ne fait que refléter la préoccupation légitime de M. B...face à plusieurs incidents graves dans le collège. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait été témoin de l'introduction et de la détention de l'arme incriminée avant le 23 septembre 2014, de telle sorte qu'il ne peut lui être reproché une inaction sur ce point, comme l'avait déjà jugé le tribunal. S'agissant de la gifle infligée à un surveillant, si M. B...ne conteste pas le défaut de signalement de ce fait à sa hiérarchie, il appartenait en priorité au surveillant victime de cet incident de le signaler. Enfin, si le ton employé dans le courriel du 6 novembre 2014 est vif, voire comminatoire, ce courriel fait suite à un courrier de convocation de la principale du collège du 3 novembre 2014 au ton également comminatoire. Dans ces conditions, ces premiers griefs ne peuvent être regardés comme des fautes de nature à justifier une sanction disciplinaire.
En ce qui concerne le second grief :
6. La sanction disciplinaire est également fondée, sur un " courrier de parents d'élèves du 29 novembre 2014 dénonçant les propos inappropriés de M. B...qui, [au sujet] du déroulement du cours de leur fils, a déclaré "il faut bien un dépucelage" " et aux termes duquel " les parents d'élèves relèvent également qu'ils ont trouvé inapproprié le lieu du rendez-vous fixé par M. B...à savoir un bar proche du collège Emile Zola de Choisy-le-Roi ". D'une part, le fait d'avoir organisé l'entretien dans un bar et non dans les locaux de l'établissement n'est pas en soi constitutif d'un agissement fautif dès lors que le collège était alors fermé et qu'il n'est pas démontré que les parents se seraient opposés à la tenue de cet entretien dans un tel lieu, comme l'a déjà souligné le tribunal. D'autre part, M. B... contestant formellement avoir tenu les propos : " il faut bien un dépucelage ", ce grief ne peut être regardé comme établi et ne serait au demeurant pas de nature à justifier une sanction disciplinaire.
7. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande n° 1502596 et à demander l'annulation de l'arrêté du 6 février 2015 par lequel le recteur de l'académie de Créteil lui a infligé un avertissement.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B...et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 1er du jugement n°s 1502596, 1504643 en date du 26 septembre 2017 du Tribunal administratif de Melun et l'arrêté du 6 février 2015 par lequel le recteur de l'académie de Créteil a infligé un avertissement à M. B...sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à M. B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3: Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
Copie en sera adressée au recteur de l'académie de Créteil.
Délibéré après l'audience du 22 janvier 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- M. Pagès, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 février 2019.
Le rapporteur,
D. PAGES
Le président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA03623