1°) à l'annulation de la décision du 1er février 2017 par laquelle le directeur général des services du conseil départemental de Seine-et-Marne lui a confié une mission sur l'égalité hommes/femmes, ainsi que de l'arrêté du 31 janvier 2017 mettant fin à l'attribution de sa nouvelle bonification indiciaire ;
2°) à l'annulation de la décision du président du conseil départemental de
Seine-et-Marne du 31 mai 2017 rejetant sa demande de protection fonctionnelle ;
3°) à la condamnation du département de Seine-et-Marne à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis, majorée des intérêts au taux légal à compter de la date de la première demande d'indemnisation, avec capitalisation des intérêts .
Par un jugement n°s170266, 1706389 et 1708285 du 23 janvier 2020, le Tribunal administratif de Melun, d'une part, a annulé la décision du 1er février 2017 portant changement d'affectation de Mme E... ainsi que l'arrêté du 31 janvier 2017 portant suppression de la nouvelle bonification indiciaire de Mme E..., a enjoint au président du conseil départemental de Seine-et-Marne de réexaminer la situation de Mme E..., après consultation de la commission administrative paritaire, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement, a mis à la charge du département de Seine-et-Marne une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, d'autre part, a rejeté le surplus des demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 23 mars 2020, et un mémoire en réplique et récapitulatif, enregistré le 28 juillet 2020, Mme E..., représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 23 janvier 2020 du Tribunal administratif de Melun en tant qu'il a rejeté le surplus de ses demandes;
2°) d'annuler la decision mentionnée ci-dessus du 31 mai 2017 ;
3°) d'enjoindre au département de Seine-et-Marne de lui octroyer la protection fonctionnelle dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de condamner le département de Seine-et-Marne à lui verser la somme de
30 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis, majorée des intérêts au taux légal à compter de la date de la première demande d'indemnisation, avec capitalisation des intérêts ;
5°) de mettre à la charge du département de Seine-et-Marne la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande concernant la protection fonctionnelle car elle a été victime d' agissements de harcèlement moral, lesquels nécessitaient, pour les faire cesser, l'octroi de cette protection ;
- c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande indemnitaire car, contrairement à ce qu'ils ont estimé, la decision de changement d'affectation n'était pas justifiée au fond, son nouvel emploi ne correspondant pas à son grade ; par suite, l'annulation de cette décision, et par voie de conséquence, de celle lui supprimant la nouvelle bonification indiciaire ouvraient bien droit à indemnisation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 avril 2020, le département de
Seine-et-Marne, représenté par Me F..., conclut au rejet de la requête et demande, en outre, qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme E... sont infondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 2006-779 du 3 juillet 2006 ;
- le décret n° 2016-200 du 26 février 2016 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C... ;
- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., pour Mme E....
Considérant ce qui suit :
1. Mme E..., ingénieur en chef territorial titulaire, en poste au sein de la direction générale adjointe solidarité (DGAS) du conseil départemental de Seine-et-Marne depuis le mois de janvier 2009 a été nommée directrice de l'évaluation et de la prospective (DEP) au sein de la direction principale enfance adolescence famille (B...) à compter du
1er mars 2013. Par lettre en date du 1er février 2017, le directeur général des services a mis fin à ses fonctions de directrice de la DEP et lui a confié une mission sur l'égalité hommes/femmes. Par un arrêté du président du conseil départemental en date du 31 janvier 2017, il a été mis fin à l'attribution de la nouvelle bonification indiciaire de 50 points majorés dont elle bénéficiait à compter du 1er février 2017. Enfin, le président du conseil départemental a rejeté, par décision du 31 mai 2017, la demande de Mme E... tendant à l'octroi de la protection fonctionnelle. Mme E... a saisi le Tribunal administratif de Melun de trois demandes tendant à l'annulation des décisions mentionnées ci-dessus et à la condamnation indemnitaire du département de Seine-et-Marne à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis, majorée des intérêts, outre des conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement du 23 janvier 2020, le Tribunal administratif de Melun, d'une part, a annulé la décision du 1er février 2017 portant changement d'affectation de Mme E..., ainsi que l'arrêté du 31 janvier 2017 portant suppression de la nouvelle bonification indiciaire de Mme E..., a enjoint au président du conseil départemental de Seine-et-Marne de réexaminer sa situation, après consultation de la commission administrative paritaire, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement, a mis à la charge du département de Seine-et-Marne une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, d'autre part, a rejeté le surplus de ses demandes. Mme E... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses demandes.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de refus de protection fonctionnelle et sur les conclusions à fin d'injonction:
2. Aux termes de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 visée ci-dessus, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision : " I. - A raison de ses fonctions et indépendamment des règles fixées par le code pénal et par les lois spéciales, le fonctionnaire ou, le cas échéant, l'ancien fonctionnaire bénéficie, dans les conditions prévues au présent article, d'une protection organisée par la collectivité publique qui l'emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire. / (...) IV. - La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. (...) ". L'article 6 quinquiès de la même loi dispose que : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / (...) ".
3. D'une part, ces dispositions établissent à la charge de l'administration une obligation de protection de ses agents dans l'exercice de leurs fonctions, à laquelle il ne peut être dérogé que pour des motifs d'intérêt général. Cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles l'agent est exposé, mais aussi d'assurer à celui-ci une réparation adéquate des torts qu'il a subis. La mise en oeuvre de cette obligation peut notamment conduire l'administration à assister son agent dans l'exercice des poursuites judiciaires qu'il entreprendrait pour se défendre. Il appartient dans chaque cas à l'autorité administrative compétente de prendre les mesures lui permettant de remplir son obligation vis-à-vis de son agent, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce.
4. D'autre part, il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration dont il relève à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Par ailleurs, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé. Enfin, peuvent être qualifiés de harcèlement moral les agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail de l'agent susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
5. Mme E... soutient qu'elle a été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de la part de sa hiérarchie et que, pour les faire cesser, elle aurait dû bénéficier de l'octroi de la protection fonctionnelle.
6. Tout d'abord, Mme E... déplore que son travail ait été injustement critiqué et dénigré de la part de ses supérieurs hiérarchiques, et soutient avoir été progressivement mise à l'écart par sa hiérarchie qui ne la conviait plus à certaines réunions et ne la tenait pas au courant des changements de salle de réunions, ne lui envoyait plus les comptes rendus des réunions de direction, ne l'associait plus aux réflexions sur l'évolution et l'organisation de sa direction, et ne lui envoyait plus de consignes de travail. Toutefois, Mme E... n'apporte pas d'élément probant corroborant l'existence de ces faits. En outre, si elle estime avoir été court-circuitée par sa hiérarchie dans ses relations avec ses collaborateurs, le fait que l'assistante de la directrice adjointe des solidarités, dans un courriel en date du 14 octobre 2015, ait sollicité l'accès aux agendas de certains membres de la direction de l'évaluation et de la prospective dont
Mme E... avait la responsabilité, ne suffit pas à faire présumer l'existence des agissements dont elle se plaint, dès lors qu'en tant que supérieure hiérarchique, la directrice adjointe des solidarités pouvait légitimement solliciter cet accès.
7. De plus, Mme E... soutient que sa hiérarchie a témoigné d'une volonté de l'écarter de la direction générale adjointe des solidarités, en remettant en cause son travail, en exprimant clairement le souhait de ne pas vouloir la garder au sein de cette direction ou en ne donnant pas suite à ses propositions quant à son nouveau positionnement. Toutefois, la suppression de son poste de directrice de l'évaluation et de la prospective a été décidée dans le cadre d'une réorganisation du service afin de rationaliser le fonctionnement de la DGAS. En outre, un courriel du 2 septembre 2016 atteste qu'il lui a bien été proposé un poste de chargé de mission sur la mise en oeuvre du schéma d'organisation sociale et médico-sociale au sein de la direction générale adjointe solidarité poste qu'elle aurait refusé. Dans ces conditions, les faits allégués ne suffisent pas à établir que sa hiérarchie aurait cherché à l'écarter de cette direction.
8. Enfin, Mme E... soutient qu'à son retour de congé maladie, le 10 janvier 2017, les agissements de harcèlement moral n'ont pas cessé. Or, si sa hiérarchie lui a demandé de libérer le bureau qu'elle occupait en qualité de directrice de l'évaluation et de la prospective, cette demande résultant de son changement d'affectation, elle ne peut être regardée comme un agissement constitutif de harcèlement moral. En outre, si le département reconnaît que Mme E..., à son retour de congé maladie le 10 janvier 2017, ne disposait pas d'un poste d'affectation, il lui a toutefois été confié, le 1er février 2017, une nouvelle mission sur l'égalité hommes/femmes, fonctions qui relevaient bien de son corps et de son grade et un nouveau bureau au sein de l'hôtel du département lui a été attribué. La circonstance qu'elle ait été pendant quelques jours privée d'affectation ne peut donc caractériser une situation de harcèlement moral. S'agissant du vol de ses affaires personnelles dont elle fait état et qu'elle a dénoncé dans une main courante du 17 mars 2017, elle admet que les caisses métalliques qui avaient été déclarées volées, avaient en réalité été archivées pendant son absence.
9. Les éléments de fait ainsi soumis à la Cour par Mme E... relatés aux points 6, 7 et 8 ne suffisent pas à faire présumer qu'elle aurait fait l'objet d'agissements constitutifs de harcèlement moral même si des certificats médicaux attestent d'une dégradation de son état de santé.
10. Pour les mêmes motifs, elle n'est pas fondée à soutenir que le département aurait manqué à son obligation de protection envers ses agents. Il s'ensuit que le département de
Seine-et-Marne a pu, à bon droit, rejeter sa demande de protection fonctionnelle sans entacher sa décision d'erreur d'appréciation. Dès lors, c'est à juste titre que le tribunal a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de la décision du 31 mai 2017.
Sur les conclusions indemnitaires :
11. En premier lieu, Mme E... soutient que la responsabilité du conseil départemental de Seine-et-Marne doit être engagée du fait des agissements de harcèlement moral dont elle a été victime et d'un manquement à l'obligation de protection de la part de son employeur. Or, ainsi qu'il a été exposé aux points 2 à 10, il ne résulte pas de l'instruction qu'elle aurait été victime des agissements dont elle demande réparation. Par ailleurs, ainsi qu'il vient d'être dit au point 10, le département a pu légalement lui refuser le bénéfice de la protection fonctionnelle et n'a ainsi commis aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité.
12. En second lieu, Mme E... demande réparation du préjudice que lui a causé la décision illégale de changement d'affectation en date du 1er février 2017, annulée par le jugement attaqué pour vice de procédure, et, par voie de conséquence, de la décision lui supprimant la nouvelle bonification indiciaire. Toutefois, si un tel motif d'annulation est susceptible d'engager la responsabilité du département, il convient pour déterminer si elle ouvre droit à une indemnité en réparation du préjudice allégué du fait de ce changement d'affectation, de savoir si, indépendamment du vice de procédure, cette décision était ou non justifiée sur le fond. Or, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 27 à 36 du jugement attaqué, il y a lieu d'écarter l'ensemble des moyens de légalité interne soulevés par Mme E... à l'encontre de la décision de changement d'affectation en date du
1er février 2017 et de la décision du 31 janvier 2017 lui supprimant la nouvelle bonification indiciaire. Ces décisions étant justifiées au fond, Mme E... n'est pas fondée à solliciter l'indemnisation du préjudice qu'elles lui auraient causé.
13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté le surplus de ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées. Enfin, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées au titre du même article par le département de
Seine-et Marne.
DÉCIDE :
Article 1er: La requête de Mme E... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du département de Seine et Marne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3: Le présent arrêt sera notifié à Mme D... E... et au département de Seine-et Marne.
Délibéré après l'audience du 19 février 2021 à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Niollet, président assesseur,
- M. C..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 mars 2021.
Le rapporteur,
D. PAGES
Le président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
K. PETIT
La République mande et ordonne au préfet de Seine et Marne en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 20PA01068 2