Par une requête, enregistrée le 10 janvier 2020, M. C..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 10 décembre 2019 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 6 août 2019 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit ;
3°) d'annuler l'arrêté du 6 août 2019 par lequel le préfet de police lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et a procédé à son signalement aux fins de non-admission au système d'information Schengen ;
4°) d'enjoindre au préfet territorialement compétent de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
5°) d'enjoindre au préfet de police de procéder à l'effacement de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen ;
6°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivé en ce qu'il se limite à reprendre des formules stéréotypées et ne fait pas état de certains éléments de sa situation personnelle ;
- il est entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- son auteur s'est cru en situation de compétence liée ;
- il a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne dès lors qu'il n'a pas été mis en mesure de présenter de manière utile et effective son point de vue sur l'irrégularité de son séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que le préfet s'abstienne de prendre à son encontre les mesures litigieuses ;
- il méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que M. C... a nécessairement tissé des relations sociales du fait de sa présence depuis plus de quatre ans sur le territoire français ;
- il repose sur une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision lui refusant le bénéfice d'un délai de départ volontaire est illégale en conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur de droit, le préfet de police s'étant cru en situation de compétence liée ;
- elle est entachée d'erreur de fait et d'erreur manifeste d'appréciation en ce qui concerne le risque de fuite ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale en conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et repose sur une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'arrêté portant interdiction de retour sur le territoire français est illégal en conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- il est insuffisamment motivé ;
- il méconnait le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne dès lors qu'il n'a pas été mis en mesure de présenter ses observations sur la mesure d'interdiction de retour sur le territoire français ;
- il méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et repose sur une erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet de police et au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'ont pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- et les observations de Me D... pour M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., de nationalité algérienne, né le 16 décembre 1989 à Bejaia (Algérie), est entré régulièrement en France le 25 août 2015, sous couvert d'un visa de long séjour portant la mention " étudiant ". Le 26 octobre 2017, M. C... a déposé une demande de modification de son statut afin d'obtenir un certificat de résidence portant la mention " commerçant ". Par arrêté du 10 janvier 2018, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé le renouvellement de son certificat de résidence et le changement de statut demandé. Le 6 août 2019, après un contrôle par les services de police, le préfet de police a pris à son encontre un arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai, et fixant le pays de destination, et un arrêté portant interdiction de retour sur le territoire français pendant un an, et le signalant aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen. M. C... fait appel du jugement du 10 décembre 2019 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande et demande à la Cour d'annuler ces deux arrêtés du 6 août 2019.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, l'arrêté litigieux vise les textes dont il fait application, notamment l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il relève que M. C... s'est vu refuser la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour par une décision du préfet de la Seine-Saint-Denis du 10 janvier 2018, notifiée le 30 janvier 2018, et qu'il s'est depuis cette date maintenu sur le territoire français. Il précise enfin que, compte tenu des circonstances particulières propres au cas d'espèce, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé à sa vie privée et familiale, puisqu'il se déclare célibataire et sans enfant, et qu'il n'établit pas être exposé à des risques en cas de retour dans son pays. L'arrêté comporte ainsi l'exposé des considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet de police s'est fondé pour lui faire obligation de quitter le territoire français. Le moyen tiré de l'insuffisance de la motivation de cet arrêté doit donc être écarté.
3. En deuxième lieu, il ne ressort pas de la motivation de l'arrêté attaqué, rappelée ci-dessus, que le préfet de police ne se serait pas livré à un examen complet de la situation de M. C..., ou qu'il se serait cru en situation de compétence liée.
4. En troisième lieu, si M. C... invoque les stipulations de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne en soutenant n'avoir, en méconnaissance du droit d'être entendu, pas été mis à même de présenter ses observations avant l'adoption de l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français, il ne fait état d'aucun élément pertinent qu'il aurait pu faire valoir et qui aurait pu conduire le préfet de police à prendre une décision différente.
5. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. Si M. C... fait état de la durée de sa présence en France, des relations amicales et professionnelles qu'il a pu y développer, et de l'activité professionnelle qu'il y a, de fait, exercée, il ressort des pièces du dossier qu'il est célibataire et sans enfant, et qu'il n'établit pas être dépourvu de toute attache dans son pays où a vécu jusqu'à l'âge de vingt-six ans. Dans ces conditions, les moyens soulevés, tirés d'une violation des stipulations citées ci-dessus et de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée l'obligation de quitter le territoire français, ne peuvent qu'être écartés.
En ce qui concerne la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :
7. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que l'exception tirée de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écartée.
8. En deuxième lieu, le II de l'article L. 511-1 du code d'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile dispose notamment que : " (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité (...) ".
9. Il ressort de l'arrêté attaqué qu'il vise ces dispositions et relève que M. C... s'est soustrait à l'exécution d'une précédente obligation de quitter le territoire français, qu'il ne présente pas de document d'identité ou de voyage en cours de validité et qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente. Ainsi, cet arrêté doit être regardé comme suffisamment motivé en ce qu'il lui refuse le bénéfice d'un délai de départ volontaire.
10. En troisième lieu, il ne ressort pas de la motivation de l'arrêté attaqué, rappelée ci-dessus, que le préfet de police se serait cru en situation de compétence liée pour refuser à M. C... le bénéfice d'un délai de départ volontaire.
11. En dernier lieu, si M. C... prétend présenter des garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il dispose un domicile stable ainsi que de documents d'identité et de voyage, et exerce une activité professionnelle, il ne conteste pas s'être soustrait à l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre par le préfet de la Seine-Saint-Denis le 10 janvier 2018. Il n'est dès lors, et en tout état de cause, pas fondé à soutenir que le préfet de police aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en se fondant sur un risque de fuite, pour lui refuser le bénéfice d'un délai de départ volontaire.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
12. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que l'exception tirée de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écartée.
13. En second lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 6 que M. C... n'apporte aucun élément propre à caractériser une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations citées ci-dessus de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ou une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle. Par suite, ces moyens doivent être écartés.
En ce qui concerne l'arrêté portant interdiction de retour sur le territoire français pour un an :
14. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que l'exception tirée de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écartée.
15. En deuxième lieu, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour (...) ". Aux termes du huitième alinéa du III de ce même article, la durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa et décidée par l'autorité administrative " en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ". Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé doit être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.
16. En l'espèce, l'arrêté litigieux fait régulièrement état de l'ancienneté de la présence de M. C... sur le territoire français, de sa situation familiale, de ce qu'il a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français à laquelle il s'est soustrait et de ce qu'aucune circonstance particulière ne permet de caractériser une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Son auteur n'était pas tenu de détailler chacun de ces éléments. Ainsi qu'il a été dit au point qui précède, la seule circonstance que l'arrêté ne précise pas que sa présence ne représente aucune menace pour l'ordre public ne permet pas de le regarder comme insuffisamment motivé.
17. En troisième lieu, si M. C... invoque les stipulations de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne en soutenant n'avoir, en méconnaissance du droit d'être entendu, pas été mis à même de présenter ses observations avant l'adoption de l'arrêté portant interdiction de retour sur le territoire français, il ne fait état d'aucun élément pertinent qu'il aurait pu faire valoir et qui aurait pu conduire le préfet de police à prendre une décision différente.
18. En quatrième lieu, compte tenu de ce qui a été dit au point 6, la durée de la présence de M. C... en France, les relations amicales et professionnelles qu'il a pu y développer, l'activité professionnelle qu'il y a, de fait, exercée, et la circonstance qu'il ne trouble pas l'ordre public ne permettent pas de regarder l'arrêté attaqué comme intervenu en méconnaissance des dispositions citées ci-dessus du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
19. En dernier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 6 que M. C... n'apporte aucun élément propre à caractériser une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations citées ci-dessus de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ou une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle. Par suite, ces moyens doivent être écartés.
20. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de ses conclusions dirigées contre l'arrêté portant interdiction de retour sur le territoire français, [CM1]M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter les conclusions aux fins d'injonction de la requête ainsi que celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 22 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugoudeau, président de chambre,
- M. B..., président assesseur,
- Mme Labetoulle, premier conseiller.
Lu en audience publique le 6 octobre 2020.
Le rapporteur,
J-C. B...Le président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
T. ROBERT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
[CM1]Oui, mais qui me semblent accessoires à l'annulation de l'OQTF
N° 20PA00088 2