Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 17 novembre 2018, M. B..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 18 octobre 2018 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les deux arrêtés du 24 juillet 2018 par lesquels le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et lui a interdit de circuler sur le territoire français pour une durée de 36 mois ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les deux arrêtés ont été pris par une autorité incompétente ;
- en considérant que la présence de M. B...constituait une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société, le préfet de police a entaché sa décision portant obligation de quitter le territoire français d'une erreur d'appréciation, en raison de l'ancienneté des faits qui lui sont reprochés, de leur faible gravité, de l'ancienneté de sa présence en France et de son état de santé mentale ;
- le préfet de police a, pour les mêmes raisons, commis une erreur d'appréciation en prononçant à son encontre une interdiction de circuler sur le territoire français pour une durée de 36 mois.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 mai 2019, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union européenne de circuler et de séjourner ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Niollet a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C...B..., ressortissant britannique né le 17 janvier 1986 à Neuilly-sur-Seine, a, selon ses déclarations, vécu en France depuis sa naissance, hormis de l'âge de 12 ans à l'âge de 15 ans. Par deux arrêtés du 24 juillet 2018, le préfet de police, d'une part, a déclaré son droit au séjour caduc, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination, et, d'autre part, lui a interdit de circuler sur le territoire français pour une durée de 36 mois. M. B...fait appel du jugement du 18 octobre 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, par arrêté n° 2018-00237 du 21 mars 2018, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial du 22 mars 2018, le préfet de police a donné à Mme D...E..., attachée d'administration de l'État, délégation à l'effet de signer les décisions dans la limite de ses attributions, dont relève la police des étrangers. Il suit de là que le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait été pris par une autorité incompétente manque en fait et doit être écarté. La circonstance que la décision attaquée ne vise pas l'arrêté portant délégation de signature n'a pas d'incidence sur sa légalité.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) à quitter le territoire français lorsqu'elle constate : / (...) 3° (...) que son comportement personnel constitue, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société. / L'autorité administrative compétente tient compte de l'ensemble des circonstances relatives à sa situation, notamment la durée du séjour de l'intéressé en France, son âge, son état de santé, sa situation familiale et économique, son intégration sociale et culturelle en France, et de l'intensité de ses liens avec son pays d'origine. (...) ".
4. L'article L. 511-4 du même code dispose : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".
5. Il est constant que M. B...a été condamné par le Tribunal correctionnel de Paris le 5 novembre 2010 à cinq ans d'emprisonnement dont deux avec sursis assorti d'une mise à l'épreuve pendant trois ans pour agression sexuelle commise en réunion et vol aggravé par deux circonstances, en récidive. Par ailleurs, M. B...a fait l'objet de multiples autres condamnations de 2008 à 2017 pour des faits d'usage illicite de stupéfiants, de vol avec violence, d'outrage à une personne dépositaire de l'autorité publique, de menace de mort, de dégradation ou de détérioration d'un bien appartenant à autrui, de port sans motif légitime d'arme blanche ou incapacitante de catégorie D, de trouble à la tranquillité d'autrui par agressions sonores et de recours à la prostitution.
6. Si M. B...soutient avoir toujours vécu en France, à l'exception d'une période de trois ans où il aurait séjourné en internat en Angleterre, il ne produit aucune pièce à l'appui de cette allégation. Au demeurant, les multiples condamnations dont il a fait l'objet depuis 2008 ne peuvent être comptabilisées au titre de sa présence sur le territoire français. Par ailleurs, si M. B... reçoit des soins psychiatriques depuis 2009 au centre hospitalier Sainte-Anne, il n'établit ni même n'allègue que les soins dont il a besoin ne pourraient lui être dispensés dans son pays d'origine ainsi que le médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration l'a d'ailleurs estimé dans son avis du 25 juillet 2018. Enfin, il ne démontre aucune intégration sociale et culturelle, est célibataire et sans charge de famille, et ne justifie pas d'attaches familiales en France.
7. Dans ces conditions, si la seule circonstance qu'un étranger ait fait l'objet d'une condamnation pénale ne saurait justifier que soit prise à son encontre une mesure d'éloignement sur le fondement des dispositions précitées, les agissements délictueux de M.B..., eu égard à leur nature, à leur gravité mais aussi à leur multiplicité, suffisaient à établir qu'à la date de l'arrêté attaqué, le comportement personnel du requérant constituait, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société, justifiant qu'une obligation de quitter le territoire français soit prise à son encontre. Par suite, le préfet de police ne s'est pas livré à une inexacte application des dispositions citées ci-dessus.
Sur l'interdiction de circuler sur le territoire français :
8. Le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 16 de leur jugement. La circonstance que la décision attaquée ne vise pas l'arrêté portant délégation de signature n'a pas d'incidence sur sa légalité.
9. Aux termes de l'article L. 511-3-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut, par décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français prononcée en application des 2° et 3° de l'article L. 511-3-1 d'une interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée maximale de trois ans. (...) Les quatre derniers alinéas de l'article L. 511-3-1 sont applicables ".
10. Pour assortir l'obligation de quitter le territoire prise à l'égard de M. B... d'une décision d'interdiction de circuler sur le territoire français pendant une durée de 36 mois, le préfet s'est fondé sur sa condamnation à une peine de cinq ans d'emprisonnement pour agression sexuelle et sur les multiples autres faits délictueux pour lesquels il a également été condamné de 2008 à 2017. Comme il a été énoncé précédemment, M. B...ne justifie ni d'attaches familiales sur le territoire français, ni d'une intégration sociale et culturelle, ni de l'indisponibilité des soins dont il a besoin dans son pays. Il ressort en outre des pièces du dossier que M. B...a déjà fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français en 2013, à sa sortie du centre pénitentiaire de Fresnes, mais est revenu en France le lendemain de son exécution. Dans ces conditions, eu égard, d'une part à la gravité des faits qui lui sont reprochés, et d'autre part à la réitération de faits délictueux par M.B..., le préfet de police, en prenant une décision d'interdiction de circulation sur le territoire français pour une durée de 36 mois, ne s'est pas livré à une inexacte application des dispositions précitées.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du préfet de police du 24 juillet 2018. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'annulation, celles à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. C... B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 28 mai 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président,
- M. Niollet, président-assesseur,
- M. Pagès, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 juin 2019.
Le rapporteur,
J-C. NIOLLET
Le président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA03602