Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 24 février 2019, M. C..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le Président du Tribunal administratif de Paris du 13 janvier 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 3 octobre 2018 par lequel le préfet de police a décidé sa remise aux autorités allemandes ;
3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de police de l'admettre au séjour au titre de l'asile dans un délai de 24 heures à compter de la notification du présent arrêt, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pour la durée de l'examen de sa demande d'asile ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pour la durée de ce réexamen, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- l'arrêté contesté est entaché d'une insuffisance de motivation révélant un défaut d'examen complet de sa situation, la motivation ne faisant pas mention du rejet de sa demande d'asile par les autorités allemandes, et ne permettant pas de comprendre pourquoi le préfet de police n'a pas fait application de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, alors que M. C...en avait fait la demande par courrier recommandé ;
- cet arrêté est entaché d'erreur de droit en ce qu'il se fonde à tort sur le b) du 1) de l'article 18 du règlement du 26 juin 2013 ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en n'exerçant pas le pouvoir qu'il tire de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 alors qu'il risque d'être renvoyé en Afghanistan à la suite de son transfert en Allemagne, cet Etat ayant rejeté sa demande d'asile ;
- cet arrêté méconnaît, pour la même raison, le 2 de l'article 3 du règlement du 26 juin 2013 et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 mai 2019, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 mars 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Niollet a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.C..., ressortissant afghan né le 4 mai 1992, a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile le 27 juillet 2018. Par un arrêté du 3 octobre 2018, le préfet de police a décidé sa remise aux autorités allemandes. M. C...fait appel du jugement du 13 janvier 2019 par lequel le magistrat désigné par le Président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". L'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative (...) ".
3. L'arrêté attaqué vise les stipulations applicables de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 3 et 8, la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les règlements (UE) n° 603/2013 relatif à la création d'Eurodac pour la comparaison des empreintes digitales et n° 604/2013 du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers. Il mentionne également que la comparaison des empreintes digitales du requérant au moyen du système Eurodac a permis d'établir qu'il a sollicité l'asile auprès des autorités allemandes le 2 juin 2016, que celles-ci ont été saisies d'une demande de reprise en charge à la suite de laquelle elles ont fait connaître leur accord le 13 août 2018, qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, et qu'il n'établit pas l'existence d'un risque personnel d'atteinte grave au droit d'asile en cas de remise aux autorités allemandes. L'arrêté précise en outre que la situation de l'intéressé ne relève pas des dérogations prévues par les articles 3-2 et 17 du règlement n° 604/2013. Il comporte ainsi l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est donc suffisamment motivé, alors même qu'il ne mentionne pas le rejet de la demande d'asile de M. C... par les autorités allemandes. Par ailleurs, Il ne ressort pas des termes de cette décision que le préfet de police ne se serait pas livré à un examen complet de la situation personnelle de M.C.... Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen complet de la situation personnelle de M. C...doivent être écartés.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : (...) b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre; (...) d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre ".
5. La reprise en charge de M. C...par les autorités allemandes ayant été effectuée sur le fondement du d) du 1 de l'article 18 du règlement n° 604/2013, le moyen tiré de ce que le préfet ne pouvait procéder à cette mesure sur le fondement du b) du 1 de cet article est inopérant.
6. En troisième lieu, l'article 17 du règlement (UE) du 26 juin 2013 visé ci-dessus dispose : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...) ". L'article 3 de ce règlement dispose : " Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. " Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".
7. M. C... fait valoir que, en cas de transfert vers l'Allemagne et dès lors que les autorités de ce pays ont rejeté sa demande d'asile, il risque d'être renvoyé vers l'Afghanistan et qu'il encourt des risques pour sa vie en cas de retour dans son pays. Toutefois, l'arrêté en litige a seulement pour objet de renvoyer l'intéressé en Allemagne et non dans son pays d'origine. En outre, l'Allemagne, Etat membre de l'Union européenne, est partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut de réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Or, M. C... ne produit aucun élément de nature à établir qu'il existerait des raisons sérieuses de croire à l'existence de défaillances systémiques en Allemagne dans la procédure d'asile ou que les juridictions allemandes n'auraient pas traité sa demande d'asile dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de police aurait entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation en s'abstenant de faire application des dispositions dérogatoires dites " clauses discrétionnaires " mentionnées à l'article 17 du règlement cité au point 2 et celui tiré de la méconnaissance de l'article 3 du même règlement et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.
8. Il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'annulation, et à fin d'injonction, ainsi que celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 28 mai 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président,
- M. Niollet, président-assesseur,
- M. Pagès, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 juin 2019.
Le rapporteur,
J-C. NIOLLET Le président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 19PA00845 5