Par une requête sommaire, enregistrée le 19 janvier 2018, et un mémoire ampliatif, enregistré le 2 mars 2018, la SARL SEPAC, représentée par MeB..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 19 octobre 2017 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;
2°) de condamner la commune de Nouméa à lui verser la somme de 5 326 856 francs CFP représentant le surcoût pour elle du marché public de réfection de l'éclairage public de la promenade Pierre Vernier en raison de sa non exonération de la taxe générale à l'importation ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Nouméa une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier, d'une part, pour défaut de réponse au moyen tiré de ce que la commune de Nouméa était exclusivement responsable du surcoût du marché, d'autre part, au moyen tiré de ce que la commune avait méconnu le principe de loyauté ;
- la commune devait lui rembourser le surcoût du matériel importé généré par la taxe générale à l'importation car l'acte d'engagement primait en l'espèce sur le CCAP et cet acte d'engagement prévoyait un montant hors taxes ;
- à titre subsidiaire, il résulte de l'article 3.5 du CCAP que les parties au contrat étaient convenues d'un prix hors taxes ;
- elle ne pouvait pas anticiper l'absence d'exonération compte tenu du délai courant entre l'avis d'appel d'offres et la date de dépôt de son offre;
- la commune doit la rembourser en vertu du principe fiscal, applicable également aux prélèvements douaniers, selon lequel celui qui prétend au bénéfice d'une exonération non applicable doit s'acquitter des droits correspondants, repris par les dispositions de l'article Lp. 506 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie ; par ailleurs la commune étant le destinataire réel du bien importé, elle devait acquitter la taxe.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 mai 2018, la commune de Nouméa, représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et demande, en outre, qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge de la société SEPAC au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande est irrecevable car la société requérante, sous-traitante du marché litigieux, ne pouvait pas s'adresser directement au maître d'ouvrage ;
- les moyens soulevés par la SARL SEPAC ne sont pas fondés.
Un mémoire en réplique, présenté pour la SARL SEPAC, a été enregistré le 7 novembre 2018.
Par une ordonnance du 23 octobre 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 8 novembre 2018 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 modifiée relative à la Nouvelle-Calédonie ;
- la délibération n° 136/CP du 1er mars 1967 portant réglementation des marchés publics ;
- la délibération n° 64/CP du 10 mai 1989 fixant les cahiers des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux et aux marchés publics de fournitures courantes et de services passés en application de la délibération n° l36 du 1er mars 1967 ;
- la délibération n° 69/CP du 10 octobre 1990 fixant les modalités d'octroi des régimes fiscaux privilégiés à l'importation ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pagès,
- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,
- et les observations de Me A...pour la société SEPAC.
Considérant ce qui suit :
1. La société SEPAC a saisi le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'une demande tendant à la condamnation de la commune de Nouméa à lui verser la somme de 5 326 856 francs CFP représentant pour elle le surcoût des matériels fournis lié à l'absence d'exonération de la taxe générale à l'importation (TGI), dans le cadre de la réalisation du marché public de réfection de l'éclairage public de la promenade Pierre Vernier, marché public pour lequel elle était sous-traitant agréé de l'entrepreneur principal, la société EL 2T. La société SEPAC relève appel du jugement du 19 octobre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Dans son mémoire en réplique, enregistré le 7 août 2017, la société SEPAC soulevait un moyen nouveau tiré de la méconnaissance par la commune de Nouméa du principe de loyauté des relations contractuelles. Ce moyen était certes inopérant dans la mesure où le principe de loyauté des relations contractuelles ne concerne que les rapports entre le maître d'ouvrage et l'entrepreneur principal et non les rapports entre le maître d'ouvrage et les sous-traitants, même agréés. Les premiers juges pouvaient donc s'abstenir de répondre à ce moyen inopérant, mais à condition de l'avoir visé. Or, les premiers juges qui n'ont pas répondu à ce moyen, ne l'ont pas visé. La société SEPAC est dès lors fondée à soutenir, sans qu'il soit nécessaire d'examiner l'autre moyen relatif à la régularité du jugement attaqué, que ce dernier est irrégulier et doit être annulé.
3. Il y a lieu pour la Cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de la société SEPAC devant le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie.
Sur la demande de la société SEPAC et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Nouméa :
4. En premier lieu, la société requérante soutient que la commune de Nouméa devait lui rembourser le surcoût du matériel importé généré par la taxe générale à l'importation car, à titre principal, l'acte d'engagement qui prévoyait un montant hors taxes, primait en l'espèce sur le cahier des clauses administratives particulières (CCAP) ; au demeurant l'article 3.5 du CCAP prévoyait que les parties au contrat étaient convenues d'un prix hors taxes. Toutefois, ces documents ne régissant que les relations contractuelles entre le maître d'ouvrage et l'entrepreneur principal, le sous-traitant de l'entrepreneur principal, même agréé par le maître d'ouvrage, ne peut s'en prévaloir. Si la société SEPAC peut se prévaloir en revanche des conditions de paiement définies dans la décision d'acceptation du sous-traitant ou l'acte spécial d'agrément, l'agrément dont elle a bénéficié ne renvoie pas aux stipulations du marché. S'appliquent donc uniquement les termes de l'agrément qui prévoient le paiement direct de ses prestations pour un montant toutes taxes comprises de 54 459 678 F CFP.
5. En deuxième lieu, la requérante soutient qu'elle ne pouvait pas anticiper l'absence d'exonération compte tenu du délai courant entre l'avis d'appel d'offres et la date de dépôt de son offre. En admettant que la requérante entende ainsi invoquer son droit au paiement de dépense résultant pour elle de sujétions imprévues qui aurait bouleversé l'économie générale du marché, il ne résulte pas de l'instruction que cette sujétion aurait entraîné un bouleversement de l'économie du contrat dans la mesure où, selon ses propres calculs le surcoût litigieux ne représente que 9% du prix du marché. Ce moyen doit donc être écarté.
6. En troisième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 2, le moyen tiré de la méconnaissance du principe de loyauté des relations contractuelles doit être écarté comme inopérant.
7. En dernier lieu, la société SEPAC ne peut utilement se prévaloir d'un principe général de droit fiscal, repris à l'article Lp 506 de la loi de pays n° 2016-14 du 30 septembre 2016, prévoyant que la taxe sur la consommation doit être acquittée par le destinataire final des biens, pour demander la condamnation de la commune de Nouméa, à lui reverser le montant de la taxe générale à l'importation à laquelle elle a été assujettie.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la société SEPAC n'est pas fondée à demander la condamnation indemnitaire de la commune de Nouméa.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. D'une part, la commune de Nouméa n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les dispositions susvisées font obstacle à ce qu'une somme soit mise à sa charge au titre des frais exposés par la société SEPAC et non compris dans les dépens. D'autre part, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme de 1 500 euros à la charge de cette dernière au titre des frais non compris dans les dépens exposés par la commune de Nouméa.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1700148 du 19 octobre 2017 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie est annulé.
Article 2 : La demande de la SARL SEPAC présentée devant le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.
Article 3 : La SARL SEPAC versera la somme de 1 500 euros à la commune de Nouméa au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL SEPAC et à la commune de Nouméa.
Délibéré après l'audience du 24 avril 2019 à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Niollet, président assesseur,
- M. Pagès, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 mai 2019.
Le rapporteur,
D. PAGESLe président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
T. ROBERT
La République mande et ordonne au haut commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA00240