Par une requête, enregistrée le 27 juillet 2017, et des pièces, enregistrées le 17 février 2018, Mme B..., représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 20 avril 2017 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de police du 31 août 2016 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son avocat, Me A..., au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
- l'arrêté attaqué est entaché d'un vice de procédure dans la mesure où la commission du titre de séjour n'a pas été saisie ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'un vice de procédure, dès lors que le préfet de police a omis de saisir le directeur de l'agence régionale de santé sur l'existence de circonstances humanitaires exceptionnelles ;
- l'arrêté attaqué méconnaît le 11°) de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est fondée sur un refus de titre de séjour lui-même illégal ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qui concerne le délai de départ volontaire accordé qui méconnait les dispositions de la directive 2008/115/CE ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 511-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 avril 2018, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B...ne sont pas fondés.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 juin 2017 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Pagès a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que Mme B..., née le 19 janvier 1960 à Buenos Aires en Argentine, est, selon ses déclarations, entrée en France le 10 décembre 2010 ; qu'elle a obtenu un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en 2012, renouvelé jusqu'au 28 novembre 2014 ; que par un arrêté en date du 31 août 2016, le préfet de police a refusé de renouveler ce titre de séjour, a assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; que par un jugement du 20 avril 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté son recours en annulation dirigé contre cet arrêté ; que Mme B...relève appel de ce jugement ;
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11°: A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat " ;
3. Considérant, en premier lieu, que, si les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile imposent à l'autorité préfectorale, saisie d'une demande de titre de séjour sur ce fondement, de solliciter l'avis du médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police de police, elles ne lui font en revanche pas obligation, dans le cas où l'avis ainsi recueilli indique que l'état de santé de l'étranger nécessite une prise en charge dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais précise que le traitement approprié est disponible dans le pays de l'étranger, de saisir systématiquement pour avis le directeur général de l'agence régionale de santé ; que ces dispositions ne font pas davantage obligation au préfet, dans un tel cas, d'inviter l'étranger à lui faire connaître les circonstances humanitaires exceptionnelles qu'il souhaiterait voir soumises pour avis audit directeur général ; que les considérations évoquées en termes généraux par la requérante sur les difficultés rencontrées par le système de soins en Argentine et celles sur son état de santé ne sauraient, en tout état de cause, constituer, au sens de ces dispositions, une circonstance humanitaire exceptionnelle sur laquelle l'avis du directeur général de l'agence régionale de santé devait être sollicité, à peine d'irrégularité des décisions attaquées ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'il est constant que Mme B...souffre du virus de l'immunodéficience humaine qui nécessite un traitement médical dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que toutefois, le médecin chef, puis le préfet de police ont estimé que ce traitement médical était disponible en Argentine ; que Mme B...soutien au contraire, que le traitement médical ne peut être dispensé dans son pays d'origine ; qu'elle a versé au dossier du tribunal administratif des certificats médicaux, établis par le professeur Jean-Pierre Aubert les 9 et 11 mai 2016 indiquant que son état de santé nécessite un suivi médical qui ne peut être dispensé dans son pays d'origine ; que toutefois, ces certificats ne sont pas suffisamment circonstanciés et précis pour contredire l'appréciation faite par le médecin, chef du service médical de la préfecture quant à la possibilité pour la requérante de bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que si la requérante soutient également que le médicament qui lui est prescrit, sous l'appellation Eviplera n'est pas disponible en Argentine, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'un autre médicament composé des trois molécules nécessaires à son traitement est disponible dans son pays d'origine ; qu'enfin, il ne ressort pas des autres pièces versées au dossier, constituées pour l'essentiel d'articles de presse, que les soins appropriés à son état de santé ne pourraient lui être dispensés en Argentine ; que, dans ces conditions, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le préfet de police a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit au point 4 ci-dessus, que Mme B... n'étant pas au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de police n'était pas tenu, en application de l'article L. 312-2 du même code, de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande et n'a pas, dès lors, entaché sa décision d'un vice de procédure ;
6. Considérant, en dernier lieu, qu'aucune des circonstances invoquées par Mme B... ne permet de regarder l'arrêté contesté comme entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
7. Considérant, en premier lieu, que les moyens dirigés contre la décision de refus de titre de séjour ayant été écartés, l'exception d'illégalité de cette décision invoquée par Mme B... à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écartée par voie de conséquence ;
8. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi (...) " ; que pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4, le moyen tiré de la méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;
9. Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en obligeant Mme B... à quitter le territoire français, le préfet de police aurait entaché cette décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
10. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours " ; qu'aux termes de l'article 7 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 susvisée, transposée par les dispositions citées ci-dessus : " 1. La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 et 4. (...) 2. Si nécessaire, les États membres prolongent le délai de départ volontaire d'une durée appropriée, en tenant compte des circonstances propres à chaque cas, telles que la durée de séjour, l'existence d'enfants scolarisés et d'autres liens familiaux et sociaux (...) " ;
11. Considérant que l'arrêté attaqué fixe à trente jours le délai au terme duquel Mme B... est obligée de quitter le territoire français, soit le délai maximal prévu pour un départ volontaire par les dispositions précitées du 1 de l'article 7 de la directive 2008/115/CE ; que la possibilité d'accorder un délai supérieur à trente jours relève d'un pouvoir discrétionnaire de l'autorité administrative ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police n'aurait pas examiné, au vu des pièces dont il disposait, la possibilité de prolonger le délai de départ volontaire octroyé à la requérante avant de le fixer à trente jours ; qu'il ne ressort pas davantage des pièces du dossier, eu égard notamment à la situation de l'intéressée analysée au point 4, que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en fixant à trente jours le délai de départ volontaire ;
Sur les conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination :
12. Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ; qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ; que ces dispositions et stipulations font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de renvoi d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement, un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne ;
13. Considérant que si Mme B...soutient que son état de santé risque de s'aggraver en cas de renvoi en Argentine dès lors qu'elle n'aura plus accès à un traitement approprié, les pièces versées au dossier ne permettent pas de regarder l'existence de ce risque comme étant établie ; qu'ainsi, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sauraient être accueillis ;
14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées par son avocat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 24 avril 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- M. Pagès, premier conseiller.
Lu en audience publique le 15 mai 2018.
Le rapporteur,
D. PAGESLe président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 17PA02641