Par une requête, enregistrée le 23 juillet 2016, M.B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 5 avril 2016 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de police du 2 janvier 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
Il soutient que :
- le jugement du 5 avril 2016 est insuffisamment motivé ;
- l'arrêté du 2 janvier 2015 est insuffisamment motivé ;
- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'un vice de procédure, dès lors que le préfet de police aurait dû saisir la commission du titre de séjour puisqu'il justifie de sa présence depuis plus de dix ans sur le territoire français ;
- elle méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale puisqu'elle a été prise sur le fondement d'une décision de refus d'admission au séjour elle-même illégale ;
- elle est entachée d'erreur de droit puisqu'il réside depuis plus de dix ans sur le territoire français ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 30 janvier 2017, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B...ne sont pas fondés.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 24 juin 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Petit a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M. A...B..., de nationalité malienne, né le 14 mai 1964, est, selon ses déclarations, entré en France en 2002 sous couvert d'un passeport ; qu'il a sollicité son admission au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que par un arrêté du 2 janvier 2015, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le Mali comme pays de destination ; que M. B... fait appel du jugement du 5 avril 2016 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : "Les jugements sont motivés" ; que le tribunal administratif a expressément répondu à l'ensemble des moyens invoqués par M. B...en première instance ; que le bien-fondé des réponses apportées par le tribunal administratif à ces moyens est sans incidence sur la régularité de ce jugement ;
Sur la légalité de l'arrêté en litige :
En ce qui concerne le refus de séjour :
3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 susvisée, alors en vigueur : "La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de fait et de droit qui constituent le fondement de la décision" ; que la décision en litige vise les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment son article L. 511-1 ; qu'elle comporte également l'énoncé des circonstances de fait qui en constituent le fondement ; qu'elle est ainsi suffisamment motivée au regard des exigences de la loi du 11 juillet 1979 ;
4. Considérant en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : "l'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans" ; que M. B...soutient qu'il résidait habituellement sur le territoire français depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté attaqué ; que pour justifier de sa présence en France au cours du second semestre de l'année 2008, il se borne toutefois à produire un document, établi pendant le mois de février et relatif à des congés prévus en septembre, trois courriers et des relevés bancaires ne faisant état d'aucun retrait ; qu'au titre de l'année 2009, M. B...produit deux attestations d'un responsable d'une association certifiant de sa présence en février et en novembre, des relevés de compte ne faisant état que de quatre retraits, ainsi qu'un avis d'imposition ne faisant état d'aucun revenu et deux courriers reçus en 2009 ; qu'enfin, pour l'année 2010, il se borne à produire deux attestations d'un responsable d'une association certifiant de sa présence en mars et en décembre, une ordonnance du 5 mai ainsi que des relevés de compte ne faisant état que de rares retraits au cours des mois d'avril, mai et octobre ; que ces documents sont peu nombreux et insuffisamment probants ; qu'ainsi, les pièces produites ne suffisent pas à elles seules à justifier de la résidence habituelle du requérant en France au cours de ces années ; que M. B... n'est dès lors pas fondé à soutenir que le préfet de police aurait dû, en application des dispositions précitées de l'article L. 313-14, consulter préalablement la commission du titre de séjour avant de statuer sur sa demande d'admission au séjour ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : "La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7" ;
6. Considérant qu'en se bornant à faire état de l'ancienneté de sa présence en France, laquelle n'est pas établie comme il a été dit au point 4 ci-dessus, M. B...ne justifie d'aucun motif exceptionnel ni d'aucune considération humanitaire au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ainsi, le préfet de police n'a pas entaché son arrêté d'une erreur de droit ou d'une erreur manifeste d'appréciation en refusant de faire application de ces dispositions ;
7. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version alors applicable : "Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République" ;
8. Considérant que M. B...soutient qu'il réside en France depuis 2002, qu'il travaille et déclare ses revenus et qu'il a développé des liens personnels sur le territoire français ; que toutefois, il est constant qu'il est célibataire et sans charge de famille en France et qu'il ne justifie d'aucune intégration particulière ; que s'il a effectivement exercé une activité professionnelle jusqu'en 2008, il ne démontre pas travailler depuis cette date ; qu'il est par ailleurs constant qu'il a vécu dans son pays d'origine jusqu'à l'âge de trente-huit ans ; que dès lors, le préfet de police n'a pas porté au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des objectifs en vue desquels il a pris l'arrêté en litige ; que, par suite, cet arrêté ne méconnaît ni les dispositions précitées de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il n'est pas davantage entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
9. Considérant, en premier lieu, que les moyens dirigés contre la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour étant écartés, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de cette décision ne peut également qu'être écarté ;
10. Considérant, en deuxième lieu, que M. B...soutient qu'il réside depuis plus de dix ans sur le territoire français et qu'il ne peut dès lors faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; que, toutefois, comme il a été dit au point 4 ci-dessus, il ne justifie pas, en tout état de cause, d'une résidence habituelle en France depuis plus de dix ans sur le territoire à la date de l'arrêté attaqué ;
11. Considérant, en dernier lieu, que pour les motifs énoncés au point 8, M. B...n'est pas fondé à soutenir que cette décision méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
12. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants." ;
13. Considérant qu'en se bornant à soulever que le Mali ne figure pas sur la liste des pays sûrs et que le consulat général de France a indiqué au mois de juillet 2016 que le tourisme y était déconseillé, M. B...n'établit pas qu'il serait personnellement exposé à un risque de traitement inhumain ou dégradant en cas de retour dans son pays d'origine ; que le moyen doit dès lors être écarté ;
14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fins d'injonction ne peuvent également qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 28 mars 2017, à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- Mme Petit, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 avril 2017.
Le rapporteur,
V. PETIT Le président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 16PA02367 6