Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 20 novembre 2020, M. A..., représenté par Me Charni, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 1er octobre 2020 ;
2°) d'annuler la décision implicite de rejet du recours gracieux formé à l'encontre de la décision du 27 avril 2018 de la maire de Paris prononçant sa radiation des marchés de Barbès, Belleville et Joinville à compter du 1er juin 2018 ;
3°) d'enjoindre à la directrice de l'attractivité et de l'emploi de la Ville de Paris de retirer cette décision de radiation ;
4°) de mettre à la charge de la Ville de Paris une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la matérialité de la plupart des manquements reprochés n'est pas établie, notamment il n'a jamais manqué à l'obligation de nettoyer les lieux et aucun de ses employés n'a pris part à l'altercation du 4 janvier 2018 avec un autre commerçant ;
- le tribunal ne s'est pas prononcé sur le moyen tiré de ce qu'aucun de ses employés n'a participé à cette rixe ;
- la décision attaquée est entachée d'erreur de droit et d'erreur de qualification juridique des faits dès lors qu'en application de l'article 100 de l'arrêté municipal du 10 décembre 2014 portant règlementation des marchés découverts une radiation des marchés intervient en cas d'infractions graves et répétées au règlement, tandis que les faits reprochés ne peuvent être considérés comme des fautes graves ;
- le tribunal a à tort jugé qu'il ne contestait pas avoir procédé à la vente de marchandises à l'arrière de son camion, parfois au-delà des horaires autorisés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 juillet 2021, la Ville de Paris, représentée par Me Falala, demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) de mettre à la charge de M. A... une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 23 juillet 2021, la clôture de l'instruction a été reportée au
23 août 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu
- l'arrêté municipal du 10 décembre 2014 portant réglementation des marchés découverts alimentaires et biologiques de Paris ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Labetoulle,
- les conclusions de Mme Mach, rapporteure publique,
- et les observations de Me Falala pour la Ville de Paris.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... est titulaire d'une carte d'abonné n° 4790 lui permettant d'exercer une activité de vente de fruits et légumes sur les marchés découverts Barbès, Belleville et Joinville. En raison de divers manquements au règlement des marchés parisiens, il avait fait l'objet de plusieurs avertissements et mises en demeure, notamment pour non-respect des horaires des marchés parisiens et des règles d'hygiène, pour vente à la criée, pour absence du titulaire de l'autorisation sur le marché et pour stationnement en dehors des horaires autorisés, ce qui avait conduit la Ville de Paris à prendre à son encontre en mai 2016 une première décision de radiation des marchés de Barbès, Belleville et Joinville, qui a néanmoins été retirée à la suite du recours gracieux formé par l'appelant. La poursuite des infractions constatées a néanmoins conduit la Ville de Paris à entreprendre une nouvelle procédure de radiation, dans le cadre de laquelle
M. A... a été reçu pour un entretien préalable le 6 mars 2018. La mesure de radiation a été prononcée par décision du 27 avril 2018, contre laquelle l'intéressé a formé le 29 mai 2018 un recours gracieux qui a fait l'objet d'une décision implicite de rejet. M. A... a dès lors saisi le tribunal administratif de Paris d'une demande d'annulation de la décision de radiation mais le tribunal a rejeté cette demande par un jugement du 1er octobre 2020 dont il relève appel.
Sur la régularité du jugement :
2. Il ressort des termes du jugement qu'il a répondu, en le neutralisant, au moyen tiré de ce qu'aucun des employés du requérant n'aurait participé à l'altercation survenue sur le marché avec un commerçant voisin le 4 janvier 2018, en jugeant que, même à supposer établie cette absence de participation des salariés de M. A..., la Ville de Paris aurait pris la même décision si elle ne s'était fondée que sur les autres infractions relevées. Ainsi, le moyen tiré de ce que le tribunal ne se serait pas prononcé sur cette absence d'implication des employés de l'appelant dans cette rixe, soulevée en première instance, manque en fait.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Aux termes de l'article 41 de l'arrêté municipal du 10 décembre 2014 portant réglementation des marchés découverts alimentaires et biologiques de Paris, visé ci-dessus : " Le titulaire de l'autorisation doit occuper personnellement et à chaque tenue de marché la place qui lui a été attribuée. Il peut être remplacé par son conjoint collaborateur (qui doit être déclaré comme tel). Il peut également se faire aider par un employé déclaré. (...) En cas d'impossibilité de se faire remplacer dans les conditions prévues ci-dessus, et sous réserve de l'accord exprès de la Ville de Paris, il peut se faire remplacer par un employé déclaré (déclaration des versements à l'URSSAF ou à la MSA faisant foi) ". Aux termes de l'article 88 de cet arrêté : " Les commerçants sont tenus de conserver leurs emplacements de vente en bon état de propreté ". Aux termes de l'article 94 du même règlement : " Les places doivent impérativement être balayées par les commerçants sous le contrôle d'un représentant du gestionnaire et présenter un état de propreté satisfaisant ". Aux termes de l'article 96 : " Il est expressément défendu aux commerçants, à leurs représentants autorisés et aux chalands (...) - d'annoncer par des cris ou au moyens d'appareils sonores la nature et les prix des articles mis en vente ". Enfin, l'article 100 du même règlement dispose que: " La radiation du marché peut être prononcée dans les cas suivants (...) : - En cas d'infractions graves et répétées au présent règlement ".
4. En premier lieu si M. A... soutient que la matérialité des faits à l'origine de la décision de radiation contestée ne serait pas établie, ce moyen ne peut qu'être rejeté par adoption des motifs retenus par les premiers juges. Par ailleurs, il n'est pas fondé à soutenir que le tribunal aurait à tort jugé qu'il ne contestait pas avoir procédé à la vente de marchandises à l'arrière de son camion, parfois au-delà des horaires autorisés, alors qu'il indique, dans sa demande introductive d'instance devant le tribunal, avoir reconnu, lors de la procédure préalable avec l'administration, les infractions de vente à l'arrière de son stand " en raison des travaux liés à la rénovation du marché " Barbès ".
5. En deuxième lieu, M. A... fait valoir qu'en application de l'article 100 du règlement des marchés, cité ci-dessus, la radiation ne peut être prononcée qu'en cas d'infractions à la fois graves et répétées audit règlement et que les manquements qui lui sont reprochés ne revêtiraient pas un caractère de gravité suffisant. Toutefois, en application de ce qui a été dit ci-dessus et conformément à ce qui a été jugé par le tribunal, il doit être tenu pour établi que, notamment, en dépit du caractère strictement personnel des autorisations d'occupation de stand sur les marchés, il s'est à de nombreuses reprises absenté de son stand sans avoir sollicité l'autorisation de la ville pour en confier la garde à l'un de ses salariés, comme le prévoit l'article 41 de ce règlement, et qu'il a par ailleurs, fréquemment aussi, manqué aux règles d'hygiène prévues par les articles 88 et 94 du même règlement, ce qui constituent des manquements d'une réelle gravité. Par ailleurs, ce caractère de gravité des manquements au règlement des marchés, lequel a un objet de police administrative, ne peut s'apprécier par référence à la notion de faute grave dégagée en matière de droit du travail et qui concerne, par suite, la définition de fautes à caractère disciplinaire. En revanche, l'article 100 du règlement des marchés subordonnant la radiation à la commission d'infractions graves et répétées, l'autorité administrative peut apprécier ces deux critères conjointement et retenir que les manquements sont d'autant plus graves qu'ils ont un caractère répétitif et fréquent. Or en l'espèce, les diverses infractions prises en compte par l'administration pour prononcer la radiation contestée présentent un caractère répétitif certain au cours de la période considérée, chacun des types de manquements constatés l'ayant été à plusieurs reprises, et la ville faisant valoir sans être contredite que 27 infractions ont été constatées entre le 22 mars 2017 et le 4 janvier 2018. Ainsi, il ressort de l'arrêté attaqué, sans que chacune des dates relevées soit sérieusement contestée, qu'il a été constaté que le requérant et ses employés n'avaient pas procédé à un nettoyage suffisant les 7 avril 2017, 4, 7, 11, 14, 18, 21, 25 et 28 mai 2017, le 8 juin 2017, le 16 juillet 2017, le 17 septembre 2017 et le 10 décembre 2017, qu'il s'était absenté de son stand et l'avait laissé à la garde d'employés sans avoir sollicité d'autorisation les 29 avril 2017, 23 juillet 2017, 10 et 17 septembre 2017, et 10 décembre 2017, et n'avait pas respecté les horaires de fin de marché les 3, 4, 7, 11, 14, 18, 21, 24, 25, 27, 28 et 31 mai 2017,
les 14 et 24 juin 2017, le 16 juillet 2017, le 10 septembre 2017, les 7 et 11 octobre 2017 et le
10 décembre 2017, outre de très fréquents constats de vente à la criée. Au surplus ces infractions, très fréquentes sur la période prise en compte pour prononcer sa radiation, s'inscrivent d'ailleurs dans un comportement général déjà ancien de méconnaissance répétée du règlement des marchés, puisque de 2005 à 2015 le requérant avait fait l'objet de 7 avertissements, 6 mises en demeure, un rappel au règlement et une suspension temporaire d'activité de 15 jours, pour des faits comparables puis d'une première décision de radiation du 2 mai 2016, retirée après recours gracieux de l'intéressé. Ainsi, au vu du caractère récurrent des manquements constatés et de leur gravité, et à supposer même que l'absence d'implication des employés du requérant dans la rixe du 4 janvier 2018 puisse être tenue pour établie du fait des attestations, pour la plupart stéréotypées, qu'il produit, la Ville de Paris a pu prononcer la radiation litigieuse sans méconnaitre la portée des dispositions de l'article 100 du règlement des marchés ni commettre une " erreur sur la qualification juridique des faits ".
6. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Sa requête ne peut par suite qu'être rejetée y compris ses conclusions à fins d'injonction.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la Ville de Paris, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. A... au tire des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... la somme demandée par la Ville de Paris sur le même fondement.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de Ville de Paris présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la Ville de Paris.
Copie en sera délivrée au Préfet de Paris, préfet de la région île de France.
Délibéré après l'audience du 5 octobre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Célérier, président de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- Mme Labetoulle, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 octobre 2021
La rapporteure,
M-I. LABETOULLELe président,
T. CELERIER
La greffière,
K. PETIT
La République mande et ordonne au Préfet de Paris, préfet de la région île de France, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA03501