Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 2 janvier 2019, M.A..., représenté par MeC..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le Président du Tribunal administratif de Paris du 24 août 2018 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de police du 28 juin 2018 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier car il est insuffisamment motivé ;
- le magistrat désigné a omis de statuer au regard des articles 9, 10, 11 et 16 du règlement UE n°604/2013 du 26 juin 2013 ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'erreur de droit en ce qu'il a été pris sur le fondement du b) du 1 de l'article 18 du règlement n°604/2013 applicable aux demandes de reprise en charge ;
- il méconnaît l'article 3 de ce règlement car il existe en Italie des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs ;
- le préfet a commis une erreur de droit en s'abstenant d'examiner la possibilité de mettre en oeuvre les pouvoirs qu'il tire de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 février 2019, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A...ne sont pas fondés.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 14 novembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Niollet a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., ressortissant ivoirien né le 7 novembre 1992, a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile le 24 avril 2018, mais par un arrêté du 28 juin 2018, le préfet de police a décidé sa remise aux autorités italiennes, estimant qu'elles étaient responsables du traitement de sa demande. M. A...fait appel du jugement du 24 août 2018 par lequel le magistrat désigné par le Président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. M. A...soutient que le jugement attaqué est entaché d'une insuffisance de motivation sans invoquer aucun élément à l'appui de ce moyen. Or, le jugement attaqué répond suffisamment à l'ensemble des moyens soulevés par le requérant, tant dans ses écritures qu'au cours de l'audience. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement doit donc être écarté.
3. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que le moyen tiré de la méconnaissance des articles 9, 10, 11 et 16 du règlement n° 604/2013 n'a pas été soulevé devant le juge de première instance. M. A...n'est donc pas fondé à soutenir que le magistrat désigné par le Président du Tribunal administratif de Paris aurait irrégulièrement omis de statuer au regard de ces articles.
Sur la décision de remise aux autorités italiennes :
4. En premier lieu, aux termes du premier paragraphe de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013: " L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : (...) b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre ".
5. Il ressort des pièces du dossier, que la consultation du système " Eurodac " a permis d'établir que M. A...avait formé une demande d'asile en Italie le 12 mai 2017. Par conséquent, M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, l'Italie a été saisie d'une demande de reprise en charge sur le fondement des dispositions du b) du premier paragraphe de l'article 18 cité au point 4.
6. En deuxième lieu, aux termes du paragraphe 2 de l'article 3 du même règlement : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable. ".
7. L'Italie est un Etat membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés complétée par le protocole de New-York qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il doit donc être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d'asile dans cet Etat membre est conforme aux exigences de ces deux conventions internationales et à celles de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Cependant, cette présomption peut être renversée s'il y a des raisons sérieuses de croire qu'il existe des défaillances systémiques de la procédure d'asile et dans les conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans l'Etat membre responsable, impliquant un traitement inhumain ou dégradant. Toutefois, M. A...n'établit pas, en se bornant à faire état d'un rapport de l'organisation Amnesty International et de considérations d'ordre général sur la situation italienne, l'existence de telles défaillances en Italie, qui constitueraient des motifs sérieux et avérés de croire que sa demande d'asile ne serait pas traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Le préfet de police n'a donc pas méconnu les dispositions citées ci-dessus.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Le présent article ne fait pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne dont l'examen de la demande relève de la compétence d'un autre Etat. ". Il ne ressort pas de la motivation de l'arrêté attaqué que le préfet de police se serait abstenu d'examiner la possibilité de faire application de cette disposition. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier, qu'en s'abstenant de faire application de ces dispositions, le préfet de police aurait entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation.
9. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
10. Si M. A...entend se prévaloir des stipulations citées ci-dessus de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il ressort des pièces du dossier qu'aucun membre de sa famille ne réside en France et qu'il est célibataire et sans charge de famille. Le moyen tiré d'une violation de ces stipulations ne peut donc qu'être écarté.
11. Il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le Président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'annulation, ainsi que celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 19 février 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- M. Pagès, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 22 février 2019.
Le rapporteur,
J-C. NIOLLETLe président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 19PA00008 2