- les dispositions insérées au 2 de l'article 64 du code par la délibération attaquée, qui permettent au juge de la mise en état de prononcer la clôture de l'instruction sont en contradiction avec l'article 2 du même code ; en écartant le moyen le tribunal a commis une erreur de droit ; cet article 64 méconnait aussi le principe d'égalité entre justiciables, ainsi que le principe d'intelligibilité de la règle de droit ;
- les dispositions de la délibération insérées à l'article 430-8 du code qui instaurent un ministère d'avocat obligatoire pour les litiges d'un montant supérieur à 2 000 000 F CFP créent une inégalité de traitement entre justiciables ; en écartant le moyen le tribunal a commis une erreur de droit ; il a également dénaturé les écritures de première instance en jugeant que le moyen tiré de l'illégalité du principe de l'obligation de ministère d'avocat pour certains litiges n'était pas assorti de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé ;
- les dispositions de la délibération insérées à l'article 430-9 du code fixant les règles permettant de calculer le montant d'un litige d'une part sont inintelligibles et, d'autre part relevaient de l'Etat puisqu'elles se rapportent à l'organisation judiciaire et non à la procédure civile; en jugeant le contraire le tribunal a commis une erreur de droit ;
- les dispositions de la délibération insérées à l'article 430-14 du code portent atteinte au principe du contradictoire dès lors que le juge n'est pas tenu d'inviter les parties à régulariser avant de rejeter la requête pour irrecevabilité ; en jugeant le contraire le tribunal a entaché son jugement d'erreur de droit ;
- il a également commis une erreur de droit en jugeant que l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne pouvait être utilement invoqué à l'encontre des dispositions de la délibération insérées aux articles 430-24, 430-25 et 430-27 du code dès lors qu'elles se rapportent à la procédure gracieuse et non au procès civil ;
- le tribunal a dénaturé ses écritures de première instance en jugeant que le surplus des arguments présentés ne comportait pas de moyens opérants ;
- l'arrêté du 29 avril 2016 n'est pas motivé sur l'urgence à faire inscrire en priorité à l'ordre du jour de l'assemblée le projet ayant donné lieu à la délibération attaquée ;
- aucun procès-verbal de la séance du 8 juillet 2016 n'a été publié, ni mis sur le site de l'assemblée de la Polynésie française dans les délais requis ;
- le gouvernement n'a pas été invité à présenter l'économie générale de son projet et le rapporteur à présenter son rapport, en méconnaissance de l'article 15 de la délibération du 13 mai 2005 ;
- le rapport du 23 juin 2016 ne peut être regardé comme constituant un vrai rapport dans la mesure où il se borne à reprendre l'exposé des motifs et ne comporte pas de conclusions ; dès lors le président devait appeler l'assemblée à se prononcer sur la question préalable d'avoir à débattre du projet de délibération avant l'ouverture de la discussion ;
- le rapport a été mis en ligne dix jours seulement après l'introduction du recours en violation de l'article 12 de cette délibération du 13 mai 2005 ;
- la délibération attaquée méconnait l'objectif poursuivi de réduction des délais de jugement et du coût de la justice ;
- les dispositions insérées à l'article 65II sont illégales en raison de leur inintelligibilité ;
- les dispositions insérées à l'article 430-8 I et II créent une rupture d'égalité entre justiciables selon que le montant d'un litige atteint ou non le seuil de 2 000 000 F CFP et sont illégales en ce qu'elles excluent certaines matières de l'obligation de ministère d'avocat ;
- les dispositions insérées à l'article 430-8 IV sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation en ce qu'elles excluent la matière foncière de l'obligation de ministère d'avocat ; elles méconnaissent aussi la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ce qu'elles sont contraires à l'exigence de jugement dans un délai raisonnable ;
- les dispositions insérées aux articles 430-8.V et 430-14 sont entachées d'illégalité en ce que les habitants des archipels éloignés sont soumis aux mêmes règles que ceux de Tahiti et ne bénéficient pas des mêmes dispositions que ceux relevant des sections détachées du tribunal de première instance ;
- l'article 430-8 V méconnait le principe du contradictoire ; cet article et l'article 430-14. II méconnaissent aussi le principe d'égalité entre justiciables ;
- les articles 430-18 et 399-11 à 399-13 sont inapplicables en pratique et contraires au but de réduction des délais de jugement poursuivi par la réforme ;
- les articles 430-2, 430-14 I et 440-6 I portent atteinte au libre exercice de la profession d'avocat, sont entachées d'incompétence et d'erreur manifeste d'appréciation en l'absence de mise en place de systèmes informatique assurant une sécurité suffisante des données ;
- l'article 440-6 méconnait le principe du contradictoire.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 23 novembre 2017 et 2 mai 2018, la Polynésie française, représentée par la SCP E...-Courjon, demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) de mettre à la charge de l'ordre des avocats au barreau de Papeete une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par mémoire enregistré le 5 février 2018, l'Assemblée de la Polynésie française déclare s'en remettre aux conclusions de la Polynésie française.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française ;
- la délibération n° 2005-59 APF du 13 mai 2005 portant règlement intérieur de l'assemblée de la Polynésie française ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,
- les observations de Me B..., pour l'Ordre des avocats au barreau de Papeete,
- et les observations de Me E..., pour la Polynésie française.
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 29 avril 2016, le conseil des ministres de la Polynésie française a demandé l'inscription à l'ordre du jour prioritaire de l'assemblée de la Polynésie française d'un projet de délibération " portant modification de la délibération n° 2001-200 APF du 4 décembre 2001 modifiée portant code de procédure civile de la Polynésie française ". Ce projet a été adopté par délibération n° 2016-63 APF du 8 juillet 2016 dont l'Ordre des avocats au barreau de Papeete a sollicité l'annulation devant le Tribunal administratif de la Polynésie française. Celui-ci a toutefois a rejeté cette demande par jugement du 16 mai 2017 dont l'Ordre des avocats au barreau de Papeete interjette appel.
Sur la régularité du jugement :
2. Lorsqu'il est saisi, postérieurement à la clôture de l'instruction et au prononcé des conclusions du rapporteur public, d'une note en délibéré émanant d'une des parties à l'instance, il appartient dans tous les cas au juge administratif d'en prendre connaissance avant la séance au cours de laquelle sera rendue la décision. S'il a toujours la faculté, dans l'intérêt d'une bonne justice, de rouvrir l'instruction et de soumettre au débat contradictoire les éléments contenus dans la note en délibéré, il n'est tenu de le faire à peine d'irrégularité de sa décision que si cette note contient soit l'exposé d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office.
3. Si l'ordre des avocats fait valoir en appel que, dans sa note en délibéré produite devant les premiers juges, il faisait état de difficultés qu'il aurait rencontrées pour l'enregistrement sur le site telerecours d'un mémoire qu'il aurait tenté de déposer le 27 décembre 2016, et qu'il produisait à l'appui de cette note, et à supposer même que l'on puisse interpréter ainsi cette note en délibéré, le conseil du requérant admettant l'existence d'un oubli de sa part, cette information quant aux difficultés rencontrées pour l'enregistrement d'un mémoire ne peut en tout état de cause être regardée comme constituant une circonstance de fait dont il n'aurait pas été en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction dès lors qu'il ne conteste pas ne pas avoir reçu d'accusé d'enregistrement de ce mémoire et qu'il ne pouvait dès lors ignorer que celui-ci n'avait pas été enregistré, ce qui lui aurait par ailleurs été confirmé par le greffe si, tirant les conséquences normales de l'absence de cet accusé d'enregistrement, il s'était alors enquis de ses motifs. De même, il ne ressort pas des pièces du dossier que les premiers juges, en statuant sans avoir connaissance de ce problème allégué par l'ordre des avocats pour le dépôt d'un mémoire complémentaire, auraient fondé leur décision sur des faits matériellement inexacts. Enfin, il n'est pas même allégué que ce mémoire, tel que produit à l'appui de la note en délibéré, ou cette note elle-même, auraient contenu l'exposé soit d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et que le juge ne pouvait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office. Par suite, en ne décidant pas, à la réception de cette note en délibéré, dont il a pris connaissance puisqu'il l'a visée, de rouvrir l'instruction, le tribunal n'a méconnu aucune règle relative à la tenue des audiences et au prononcé de la décision et n'a entaché son jugement d'aucune irrégularité.
4. Il ressort par ailleurs des termes mêmes de ce jugement que, pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 32 de la délibération du 13 mai 2005 portant règlement intérieur de l'assemblée de la Polynésie du fait notamment que le rapport en date du 23 juin relatif au projet de délibération litigieuse n'aurait pas comporté de conclusions, le tribunal a retenu que ce rapport " propose aux membres de l'assemblée d'adopter ce projet ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce qu'il ne comporterait pas de conclusions manque en fait ". Le tribunal a ainsi écarté l'argument tiré de ce qu'une telle invitation à adopter le projet ne pouvait constituer la conclusion requise par l'article 32. Le moyen tiré de ce que le jugement serait entaché d'irrégularité en raison d'une " insuffisance de motifs " dans sa réponse au moyen tiré de la méconnaissance de l'article 32 de la délibération du 13 mai 2005 manque dès lors en fait.
Sur le bien-fondé du jugement :
5. Aux termes de l'article 153 de la loi organique visée ci-dessus du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française : " le conseil des ministres peut faire inscrire par priorité à l'ordre du jour de l'assemblée de la Polynésie française (....) les projets de délibération dont il estime la discussion urgente ". Aux termes de la délibération n° 2005-59 APF du 13 mai 2005 portant règlement intérieur de l'assemblée de la Polynésie française : " lorsqu'en application de l'article 153 de la loi statutaire, le conseil des ministres demande l'inscription prioritaire à l'ordre du jour de l'assemblée d'un projet de loi du pays ou de délibération, cette demande doit être motivée. La conférence des présidents procède d'office à cette inscription en tête de liste des questions à examiner par l'assemblée (...) ".
6. Il ressort de ces dispositions, que l'exigence de motivation de la demande d'inscription prioritaire d'un projet à l'ordre du jour de l'assemblée ne résulte pas de la loi organique du 27 février 2004 et n'est prévue que par le règlement intérieur de l'assemblée, contenu dans la délibération du 13 mai 2005, qui ne s'impose pas au gouvernement de la Polynésie. Au surplus il ne résulte d'ailleurs pas de ce règlement intérieur, qui prévoit seulement une motivation de la demande d'inscription prioritaire, que l'urgence à faire adopter le texte en cause doive être justifiée, ni surtout que cette exigence de motivation soit prescrite à peine de nullité de la délibération adoptée au terme de cette procédure. L'Ordre des avocats ne peut par suite utilement soutenir que la demande d'inscription prioritaire à l'ordre du jour de l'assemblée n'aurait pas été motivée ni qu'il n'aurait pas été justifié d'une urgence à cette inscription.
7. S'il résulte des dispositions de l'article 12 de la délibération visée ci-dessus du 13 mai 2005 portant règlement intérieur de l'assemblée de la Polynésie française que le compte rendu intégral des séances de l'assemblée doit être publié au journal officiel de la Polynésie française dans un délai de huit jours à compter de la fin de la séance et être rendu accessible au public sur support numérique dans le même délai, la méconnaissance de ces dispositions n'est pas non plus de nature à entacher d'illégalité les délibérations adoptées par l'assemblée. Ainsi s'il est constant que la délibération contestée n'a été mise en ligne sur le site internet de l'assemblée que le 16 septembre 2016, et s'il est aussi fait état de ce que le rapport aurait été mis en ligne avec retard, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article 12 de la délibération du 13 mai 2005 sont inopérants et ne peuvent qu'être écartés.
8. Aux termes de l'article 15.5° de la délibération visée ci-dessus du 13 mai 2005 : " Avant l'ouverture de la discussion générale , le président de l'assemblée, s'il s'agit d'un projet de loi du pays ou de délibération, invite le gouvernement à exposer l'économie générale du projet puis invite le rapporteur à présenter son rapport. (....) ". Il ressort du procès-verbal de la séance du 8 juillet 2016 au cours de laquelle a été adopté le projet de délibération en cause que " en accord " avec le ministre, celui-ci s'est abstenu d'exposer l'économie générale du projet et qu'il a été décidé de passer directement à la lecture des articles. Dans ces conditions, et en l'absence de toute opposition, cette absence de présentation générale par le ministre n'est pas de nature à entacher d'illégalité la procédure suivie.
9. Aux termes de l'article 32 de la même délibération du 13 mai 2005 :
" (...) 4. Lorsqu'un rapporteur ne produit pas de rapport dans le délai imparti par le président de la Commission (...) ou ne présente pas de conclusions, le président appelle l'assemblée à se prononcer sur la question préalable d'avoir à débattre du projet ou de la proposition, avant l'ouverture de la discussion générale. (...) 6. (...) chaque article est débattu séparément, puis soumis, amendé ou non au vote de l'assemblée (...) ".
10. D'une part, il est constant que les rapporteurs nommés, M. A... et M. C..., ont établi un rapport, en date du 23 juin 2016, conformément à ces dispositions, et la circonstance, alléguée par l'ordre des avocats, qu'il ne serait que la reprise de l'exposé des motifs présenté par le secrétaire général ne peut en tout état de cause être assimilée à une absence de rapport.
11. D'autre part, s'il résulte de ces dispositions que le rapporteur doit présenter une conclusion, il n'en résulte pas que, comme le soutient l'ordre des avocats, celle-ci devrait comporter " une synthèse et une analyse des conséquences des avantages et des inconvénients de l'entrée en vigueur du texte ". Dès lors, en terminant leurs propos en invitant les membres de l'assemblée à adopter le projet de délibération qui leur était soumis, les rapporteurs ont bien présenté une conclusion, fût-elle succincte.
12. Les moyens tirés de l'absence de rapport et de l'absence de conclusions manquant ainsi en fait, l'ordre des avocats n'est pas fondé à soutenir qu'en application des dispositions citées au point 9 de l'article 32 de la délibération du 13 mai 2005 le président aurait du appeler l'assemblée à se prononcer sur la question préalable d'avoir à débattre du projet avant l'ouverture de la discussion générale.
13. Enfin, il ressort du procès-verbal de la séance de l'assemblée, et notamment de ses pages 1233 et suivantes, que l'examen du projet a bien eu lieu article par article, ainsi que l'a à juste titre relevé le tribunal.
14. Il s'ensuit que l'ensemble des moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article 32 de la délibération du 13 mai 2005 doit être écarté.
15. Par ailleurs, c'est à juste titre également que le tribunal a rappelé qu'en application notamment de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, il appartient à l'ordre des avocats qui demande l'annulation d'un acte administratif d'exposer clairement en quoi cet acte lui paraît illégal au regard de règles de droit précisément identifiées, et non de le critiquer en exprimant des opinions ou des commentaires. Ainsi les observations, d'ailleurs largement hypothétiques, formulées à l'encontre de diverses dispositions de la délibération attaquée et tendant à soutenir qu'elles ne contribueraient pas à l'objectif recherché de réduction des délais de jugement et pourraient même y être contraires sont inopérantes. De même, les critiques adressées à l'exposé des motifs et au rapport sont également sans incidence sur la légalité de la délibération litigieuse, dont l'ordre des avocats ne peut utilement soutenir qu'elle serait " entachée d'erreur manifeste d'appréciation car elle repose sur le postulat erroné que les délais de traitement des dossiers sont imputables aux avocats ".
16. Aux termes de l'article 2 du code de procédure civile de la Polynésie française : " Seules les parties introduisent et conduisent l'instance, hors les cas où la loi en dispose autrement. Il leur appartient d'accomplir les actes de procédure dans les formes et délais requis sous le contrôle du juge qui veille au bon déroulement de l'instance (...) ". Aux termes de l'article 64 II du même code dans sa rédaction issue de l'article 15 de la délibération attaquée : " I. dès que l'état de l'instruction le permet, le juge de la mise en état, sur la réquisition de l'une des parties, renvoie l'affaire devant le tribunal pour être plaidée à la date fixée par le président ou par lui-même s'il a reçu délégation à cet effet. Le juge de la mise en état déclare alors l'instruction close. La date de la clôture ne doit pas être antérieure de plus de deux mois à la date de celle fixée pour les plaidoiries. (...). II Dans le cas où les parties sont tenues de constituer avocat, sauf dans le cas où il est fait application du II de l'article 52, le juge de la mise en état déclare l'instruction close dès que l'état de celle-ci le permet et qu'un délai de dix mois au moins s'est écoulé depuis le dépôt de la requête initiale. Il renvoie alors l'affaire devant le tribunal pour être plaidée à la date fixée par le président ou par lui-même s'il a reçu délégation à cet effet. La date de la clôture doit être aussi proche que possible de celle fixée pour les plaidoiries (...) ".
17. Contrairement à ce que soutient l'Ordre des avocats ces dispositions nouvelles du II de l'article 64 permettant au juge de la mise en état de déclarer l'instruction close, lorsqu'il estime que l'état de l'instruction le permet, ne sont pas contradictoires avec celles de l'article 2 cité ci-dessus au point 16 prévoyant que les parties introduisent et conduisent l'instance, alors surtout que la délibération attaquée a, sans être critiquée sur ce point, complété cet article 2 en précisant que le juge a le pouvoir d'impartir les délais et d'accorder les mesures nécessaires. Le moyen tiré de la contradiction entre l'article 2 du code de procédure civile et les dispositions de la délibération insérées à son article 64 II ne peut dès lors qu'être écarté, de même que ceux tirés d'une part de la méconnaissance par ces dispositions, qui sont parfaitement claires, du principe de clarté et d'intelligibilité de la règle de droit, et d'autre part de la méconnaissance du principe d'égalité entre justiciables.
18. Par ailleurs, si l'article 32 de la délibération attaquée, inséré à l'article 430-22 du code de procédure civile dispose que la détermination d'une affaire prête à être jugée s'apprécie " d'après les explications des avocats et au vu des conclusions échangées et des pièces communiquées ", cette circonstance ne s'oppose pas à ce que, en application de l'article 64 cité au point 16, ce soit le juge de la mise en état qui, au vu de ces éléments, détermine si l'affaire est prête à être jugée et prononce la clôture. L'ordre des avocats n'est par suite pas fondé à invoquer l'existence d'une contradiction entre ces dispositions.
19. En outre, la possibilité reconnue au juge de déterminer si l'état de l'instruction permet que la clôture soit prononcée n'a pas par elle-même d'incidence sur l'issue du litige et, alors même qu'elle pourrait le cas échéant être mise en oeuvre sans recueillir les observations préalables des parties, ne méconnait pas le principe du contradictoire.
20. Enfin si le I de l'article 64 dispose pour les litiges non soumis à l'obligation de ministère d'avocat que la date de la clôture ne doit pas être antérieure de plus de deux mois à la date de celle fixée pour les plaidoiries, tandis que le II du même article, prévoit seulement, pour les litiges pour lesquels les parties sont tenues de constituer avocat, que la date de la clôture doit être aussi proche que possible de celle fixée pour les plaidoiries, la différence de rédaction entre ces deux dispositions, qui tendent toute deux à assurer un jugement le plus rapide possible des litiges après la date de la clôture n'a pas pour effet d'instituer entre des justiciables, qui au demeurant se trouvent dans des situations différentes, une différence de traitement qui porterait atteinte au principe d'égalité.
21. Aux termes de l'article 16 de la délibération attaquée, inséré à l'article 65.II du code de procédure civile : " dans le cas où les parties sont tenues de constituer avocat, si l'une des parties n'a pas accompli les actes de la procédure dans le délai imparti, le juge peut ordonner la clôture à son encontre, d'office ou à la demande d'une autre partie, sauf, dans ce dernier cas, la possibilité pour le juge de refuser par ordonnance motivée non susceptible de recours ". l'ordre des avocats n'est pas fondé à soutenir que ces dispositions ouvrant la possibilité d'une clôture " à l'encontre d'une partie " méconnaitraient l'exigence de clarté et d'intelligibilité, alors qu'il s'agit de la reprise d'une disposition contenue à l'article 780 du code de procédure civile de métropole, et, par conséquent, d'une disposition usuelle en procédure civile.
22. Aux termes de l'article 430-8 du code de procédure civile issu de l'article 32§1 de la délibération attaquée : " I - En procédure contentieuse devant le tribunal de première instance, les parties sont, sauf dispositions contraires prévues aux II et III du présent article, tenues de constituer avocat dans les litiges supérieurs à 2 000 000 F CFP. / II - Les parties se défendent elles-mêmes pour : / - les procédures relevant du juge des tutelles ; / - les actions relevant du juge des affaires familiales ; / - les actions dont un bail commercial, un bail d'habitation ou un bail rural est l'objet, la cause ou l'occasion ; / - les actions relatives aux droits indirects (douanes et impôts), au crédit à la consommation, à la propriété industrielle et aux biens domaniaux ; / - les procédures de référé ; / - les litiges dont le montant est indéterminé. / Les parties ont la faculté de se faire assister ou représenter. (...) IV. L'obligation de constitution d'avocat ne s'impose pas aux actions relatives à la matière foncière (...). V.1. Sous réserve des dispositions dérogatoires prévues au 2° ci-après, les dispositions du présent article sont applicables aux instances introduites à compter du 1er janvier 2017 devant le Tribunal de première instance de Papeete. 2. Pour les instances introduites devant les sections détachées du tribunal de première instance, les dispositions du présent article entrent en vigueur, selon un calendrier fixé par arrêté en conseil des ministres, et au plus tard le 1er janvier 2020 ".
23. Le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir normatif règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que la différence de traitement qui en résulte soit, dans l'un comme l'autre cas, en rapport avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des différences de situation susceptibles de la justifier.
24. Par suite, en imposant l'obligation de ministère d'avocat aux requêtes correspondant à des litiges d'un montant supérieur à 2 000 000 F CFP, et jugées par conséquent plus lourdes, et en excluant de cette obligation les litiges d'un montant inférieur à ce seuil, la délibération attaquée a tiré les conséquences de ces différences, en conformité avec les objectifs de bonne administration de la justice et de raccourcissement des délais de jugement, et n'a pas porté au principe d'égalité une atteinte illégale. Pour les mêmes motifs, elle a pu sans illégalité exclure également de l'obligation du ministère d'avocat certaines matières, énumérées au II de l'article 430-8, pour lesquelles les justiciables conservent naturellement la faculté de recourir à un avocat si ils l'estiment nécessaire.
25. Par ailleurs, il ressort du rapport de présentation de la délibération que celle-ci ne constitue que le premier volet d'une réforme et ne concerne pas la matière foncière car celle-ci fait l'objet d'une réflexion spécifique dans le cadre de la mise en place d'un tribunal foncier, ce qui implique qu'elle sera régie par un texte ultérieur. Dans ces conditions, l'ordre des avocats n'est, en tout état de cause, pas fondé à soutenir que le IV de l'article 430-8, en tant qu'il exclut la matière foncière de l'obligation de ministère d'avocat, nonobstant la longueur alléguée des délais de jugement en cette matière, serait entaché d'erreur d'appréciation et méconnaitrait l'exigence de délai raisonnable de jugement imposé par les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'objectif de réduction des délais de jugement poursuivi par la délibération en cause.
26. Enfin si le V de l'article 430-8, comme d'ailleurs le II de l'article 430-14 prévoit, pour les dispositions contenues à ces articles, une date d'entrée en vigueur différée lorsque les instances sont introduites devant les sections détachées du tribunal de première instance, et si l'ordre des avocats invoque une rupture d'égalité résultant de ce que des dispositions comparables ne seraient pas prévues en faveur des justiciables des archipels éloignés (archipel des Tuamotus et archipel des Australes) qui seraient soumis au même régime que les habitants de l'île de Tahiti bien que ne se trouvant pas dans une situation identique, il résulte également de l'article 32 de la délibération, tel qu'inséré au §3 de l'article 430-8 du code de procédure civile, que l'obligation de constitution d'avocat ne s'impose pas " aux parties qui se présentent volontairement devant le tribunal siégeant en audience foraine afin qu'il juge leur différend, dans les conditions prévues à l'article 31 du présent code ". Par suite, les justiciables des archipels éloignés étant ainsi exonérés de l'obligation de ministère d'avocat s'ils décident de se présenter à ces " audiences foraines ", l'ordre des avocats n'est pas fondé à invoquer la rupture d'égalité dont ils seraient victimes ni une méconnaissance du principe du contradictoire.
27. Aux termes de l'article 430-9 du code de procédure civile de la Polynésie française créé par la délibération attaquée : " Le montant du litige est déterminé par les dispositions suivantes. / Lorsque plusieurs prétentions fondées sur des faits différents et non connexes sont émises par un demandeur contre le même adversaire et réunis en une même instance, le montant du litige est déterminé par la valeur de chaque prétention considérée isolément. / Si les prétentions réunies sont fondées sur les mêmes faits ou sont connexes, le montant du litige est déterminé par la valeur totale de ces prétentions. / Si des prétentions sont émises, dans une même instance et en vertu d'un titre commun, par plusieurs demandeurs ou contre plusieurs défendeurs, le montant du litige est déterminé pour l'ensemble des prétentions par la plus élevée d'entre elles. / Si le demandeur n'a pas fait connaître la valeur de chaque prétention considérée isolément ou la valeur totale de ses prétentions à son ou ses adversaires dans sa requête initiale, le montant du litige est considéré comme indéterminé. / Si le demandeur fait connaître la valeur de chaque prétention considérée isolément ou la valeur totale de ses prétentions à son ou ses adversaires par demande incidente, les dispositions prévues aux alinéas 2 à 4 du présent article s'appliquent de plein droit. ". Il ressort de l'ordonnancement du code, tel que réformé par la délibération attaquée, que cet article, servant à déterminer le montant d'un litige et qui suit immédiatement l'article 430-8 subordonnant l'obligation de ministère d'avocat notamment au montant du litige, a été pris pour compléter cet article 430-8 et ne constitue pas un texte d'application de l'article 552-3 du code de l'organisation judiciaire. Or, il est constant que les dispositions de l'article 430-8 du code de procédure civile, relatives aux hypothèses où le ministère d'avocat est obligatoire, relèvent de la procédure civile et non de l'organisation judiciaire. Par suite, l'ordre des avocats n'est pas fondé à soutenir que les dispositions de l'article 430-9 constitueraient elles-mêmes des règles d'organisation judiciaires, relevant dès lors, en application de l'article 14 de la loi organique visée ci-dessus du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française, de la compétence de l'Etat, sans qu'il soit besoin, comme il le soutient également, de soumettre cette question de répartition des compétences entre l'Etat et l'assemblée de Polynésie au Conseil d'Etat en application de l'article 174 de cette même loi organique du 27 février 2004. Par ailleurs, et contrairement à ce que soutient l'ordre des avocats, ces dispositions ne présentent pas un degré de complexité tel qu'elles méconnaitraient le principe de clarté et d'intelligibilité de la règle de droit ou seraient susceptibles de ralentir ou compliquer le traitement des litiges.
28. Si le requérant critique ensuite diverses dispositions insérées dans le code de procédure civile par la délibération attaquée et relatives à la notification des actes, et notamment l'article 30 de la délibération introduisant les dispositions des articles 399-11 à 399-13, en faisant valoir qu'elles méconnaitraient le principe du contradictoire, le principe de sécurité juridique, et seraient entachées d'erreur d'appréciation, il fait en réalité grief à ces dispositions d'anticiper sur la communication électronique des actes de procédure, supposée entrer en vigueur à une date ultérieure, et invoque les difficultés tant pratiques que techniques de mise en oeuvre de ces dispositions. Toutefois de telles difficultés, à les supposer établies, sont en tout état de cause sans incidence sur la légalité des dispositions en cause.
29. Aux termes de l'article 31§2 de la délibération, inséré à l'article 430-2 du code de procédure civile : " les destinataires des envois, remises et notifications mentionnées à l'article 430-1 doivent consentir expressément à l'utilisation de la voie électronique, à moins que des dispositions spéciales n'imposent l'usage de ce mode de communication. /Ce consentement, en ce qui concerne les avocats, résulte de leur adhésion au réseau privé virtuel des avocats ". Aux termes de l'article 430-14 du même code issu de l'article 32§10 de la délibération attaquée :
" I - A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique. / Lorsqu'un acte ne peut être transmis par voie électronique pour une cause étrangère à celui qui l'accomplit, il est établi sur support papier et remis au greffe dans les conditions prévues à l'article 21. / Les avis, avertissements ou convocations sont remis aux avocats des parties par voie électronique, sauf impossibilité pour cause étrangère à l'expéditeur. (...) ". Aux termes de l'article 440-6-I du même code issu de l'article 35§2 de la délibération : " A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique. /II. Les dispositions du présent article sont applicables aux requêtes d'appel et aux autres actes de procédure afférents aux appels formés à compter du 1er janvier 2018 ".
30. Si l'ordre des avocats fait valoir que l'article 31§2 cité ci-dessus de la délibération ne pouvait imposer aux avocats de manifester leur consentement par l'adhésion au réseau privé des avocats alors que l'organisation de leur profession relève de la compétence de l'Etat, et s'il soutient là encore que le Conseil d'Etat devrait être saisi de cette question en application de l'article 174 de la loi organique visée ci-dessus du 27 février 2004, il convient lui-même que les dispositions des articles 32§10 et 35§10 35§2 de la délibération constituent les dispositions spéciales prévues par l'article 31§2, ce qui exclut en tout état de cause la nécessité d'un consentement des intéressés.
31. Par ailleurs, si les dispositions citées au point 29 des articles 430-14.I et 440-6.I du code de procédure civile, tels qu'issus de la délibération attaquée, prévoient la remise des actes de procédure par voie électronique " à peine d'irrecevabilité relevée d'office", sans indiquer que cette irrecevabilité devra être notifiée préalablement aux parties qui devront être mises à même de présenter leurs observations, l'exigence d'une telle notification aux parties résulte de l'article 6 alinéa 3 du code de procédure civile de Polynésie, sans que cette règle, à portée générale, ait besoin d'être explicitement reprise dans les dispositions litigieuses pour s'appliquer. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire ne peut qu'être écarté. Par ailleurs, les moyens soulevés dans la requête sommaire tirés de ce que ces dispositions des articles 430-2, 430-14.I et 440-6.I porteraient " atteinte au libre exercice de la profession d'avocat " et seraient entachées " d'erreur manifeste d'appréciation " en l'absence de mise en place de système informatique assurant une sécurité suffisante des données, ne peuvent également qu'être écartés, le caractère le cas échéant insuffisant du système informatique à la date d'adoption de la délibération attaquée n'étant, ainsi qu'il a été dit, ni établi, ni en tout état de cause de nature à entacher celle-ci d'illégalité.
32. Par ailleurs, comme l'a à juste titre jugé le tribunal, l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, relatif au droit au procès équitable, ne peut être utilement invoqué pour contester la légalité des dispositions des articles 430-24, 430-25 et 430-27 du code de procédure civile de la Polynésie française, reprenant les dispositions des articles 26, 27 et 29 du code de procédure civile métropolitain, qui ne se rapportent pas au procès civil mais à la procédure gracieuse.
33. Enfin si l'Ordre des avocats au barreau de Papeete soutient dans sa requête introductive d'instance que le tribunal aurait " dénaturé " ses écritures de première instance en estimant que le surplus de ses écritures ne permettait pas d'identifier d'autres moyens opérants que ceux expressément écartés, ce grief, d'ailleurs non repris dans les mémoires ultérieurs, n'est assorti d'aucune précision quant à ceux des arguments qui auraient constitué des moyens opérants et auxquels il n'aurait pas été répondu, et doit par suite être écarté. En tout état de cause, l'ordre des avocats ne peut utilement, pour contester le bien-fondé de plusieurs des motifs du jugement, répondant à des moyens repris en appel et auxquels il est par ailleurs répondu dans le présent arrêt, invoquer devant la cour la " dénaturation " des pièces du dossier alors que ce contrôle de la dénaturation relève du seul juge de cassation.
34. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'Ordre des avocats au barreau de Papeete n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
35. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la Polynésie française, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
36. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Ordre des avocats au barreau de Papeete une somme de 2 000 euros à verser à la Polynésie française sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'Ordre des avocats au barreau de Papeete est rejetée.
Article 2 : L'Ordre des avocats au barreau de Papeete versera à la Polynésie française une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'Ordre des avocats au barreau de Papeete, à la Polynésie française et à l'assemblée de la Polynésie française.
Délibéré après l'audience du 10 septembre 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- Mme D..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 24 septembre 2019.
Le rapporteur,
M-I. D...Le président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
T. ROBERT
La République mande et ordonne au haut commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA02777