Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 17 avril 2018, M. B..., représenté par MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler ces arrêtés ;
3°) d'enjoindre au préfet de police d'enregistrer sa demande d'asile et de lui remettre une attestation de demande d'asile ainsi qu'un formulaire de demande d'asile, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou, en cas de rejet de la demande d'aide juridictionnelle, une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'Allemagne ne peut plus être considérée comme responsable de sa demande d'asile dès lors que le requérant ayant fait l'objet d'une décision de renvoi par les autorités allemandes vers son pays d'origine le 11 mai 2016 et étant revenu en France en novembre 2017, en vertu des dispositions combinées du 2ème alinéa de l'article 20.5 du règlement (UE) n° 604/2013, du 2ème alinéa de l'article 19.3 et de l'article 3.1 du même règlement, la France est devenu le seul Etat membre responsable de sa demande ;
- la circonstance que l'Allemagne a donné son accord implicite à sa reprise en charge ne saurait faire obstacle à ce qu'il se prévale de la cessation de responsabilité de cet Etat en vertu des dispositions qui précèdent.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juin 2018, le préfet de police conclut, à titre principal, à l'irrecevabilité de la requête pour tardiveté et, à titre subsidiaire, à son rejet au fond.
Par une décision en date du 18 mai 2018, le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande Instance de Paris a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. B....
Par un courrier du 25 janvier 2019, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, l'arrêt était susceptible d'être fondé sur deux moyens relevés d'office.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Mantz a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant géorgien né le 18 décembre 1981, entré en France le 26 novembre 2017 selon ses déclarations, a présenté une demande d'asile aux autorités françaises le 3 janvier 2018. La consultation du fichier " Eurodac " ayant permis d'établir que ses empreintes avaient été relevées par les autorités allemandes, le préfet de police a demandé, le 18 janvier 2018, à ces autorités, lesquelles ont implicitement accepté le 1er février suivant, de reprendre en charge la demande d'asile de M. B..., sur le fondement de l'article 18.1 b) du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. Le préfet de Seine-et-Marne a alors décidé, par un arrêté en date du 5 février 2018, notifié le même jour, de remettre M. B... aux autorités allemandes responsables de l'examen de sa demande d'asile. Par un second arrêté en date du 5 février 2018, notifié le même jour, le préfet de Seine-et-Marne a décidé l'assignation à résidence de l'intéressé. M. B... relève appel du jugement du 15 février 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
En ce qui concerne l'arrêté de transfert aux autorités allemandes :
2. Le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 fixe, à ses articles 7 et suivants, les critères à mettre en oeuvre pour déterminer, de manière claire, opérationnelle et rapide ainsi que l'ont prévu les conclusions du Conseil européen de Tampere des 15 et 16 octobre 1999, l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile. La mise en oeuvre de ces critères peut conduire, le cas échéant, à une demande de prise ou reprise en charge du demandeur, formée par l'Etat membre dans lequel se trouve l'étranger, dénommé " Etat membre requérant ", auprès de l'Etat membre que ce dernier estime être responsable de l'examen de la demande d'asile, ou " Etat membre requis ". En cas d'acceptation de ce dernier, l'Etat membre requérant prend, en vertu de l'article 26 du règlement, une décision de transfert, notifiée au demandeur, à l'encontre de laquelle ce dernier dispose d'un droit de recours effectif, en vertu de l'article 27, paragraphe 1, du règlement. Aux termes du paragraphe 3 du même article : " Aux fins des recours contre des décisions de transfert ou des demandes de révision de ces décisions, les États membres prévoient les dispositions suivantes dans leur droit national : / a) le recours ou la révision confère à la personne concernée le droit de rester dans l'État membre concerné en attendant l'issue de son recours ou de sa demande de révision (...) ". Aux termes de l'article 29, paragraphe 1, du règlement, le transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile doit s'effectuer " dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de la prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3 ". Aux termes du paragraphe 2 du même article : " Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'État membre requérant ".
3. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) : " Sous réserve du second alinéa de l'article
L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen ". Aux termes du I de l'article L. 742-4 du même code : " L'étranger qui a fait l'objet d'une décision de transfert mentionnée à l'article L. 742-3 peut, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de cette décision, en demander l'annulation au président du tribunal administratif. / Le président ou le magistrat qu'il désigne à cette fin (...) statue dans un délai de quinze jours à compter de sa saisine (...) ". En vertu du II du même article, lorsque la décision de transfert est accompagnée d'un placement en rétention administrative ou d'une mesure d'assignation à résidence notifiée simultanément, l'étranger dispose d'un délai de 48 heures pour saisir le président du tribunal administratif d'un recours et ce dernier dispose d'un délai de 72 heures pour statuer. Aux termes du second alinéa de l'article L. 742-5 du même code : " La décision de transfert ne peut faire l'objet d'une exécution d'office ni avant l'expiration d'un délai de quinze jours ou, si une décision de placement en rétention prise en application de l'article L. 551-1 ou d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 a été notifiée avec la décision de transfert, avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures, ni avant que le tribunal administratif ait statué, s'il a été saisi ". L'article L. 742-6 du même code prévoit que : " Si la décision de transfert est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au livre V. L'autorité administrative statue à nouveau sur le cas de l'intéressé ".
4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le tribunal administratif statue au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement précité, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.
5. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 5 février 2018 par lequel le préfet de Seine-et-Marne a ordonné la remise de M. B... aux autorités allemandes est intervenu moins de six mois après la décision par laquelle l'Allemagne a donné son accord pour sa réadmission. Ce délai a été interrompu par la demande d'annulation introduite par l'intéressé contre cet arrêté devant le Tribunal administratif de Melun le 6 février 2018. Un nouveau délai de six mois a recommencé à courir à compter de l'intervention du jugement du Tribunal administratif de Melun du 15 février 2018 rejetant la demande d'annulation de l'arrêté contesté. Le préfet de Seine-et-Marne ne faisant état d'aucune prolongation de ce délai, celui-ci doit être regardé comme expiré à compter du 16 août 2018, date à laquelle, en application des dispositions précitées de l'article 29.2 du règlement (UE) n° 604/2013, la France est devenue responsable de l'examen de la demande de protection internationale de M. B.... Il s'ensuit qu'au 16 août 2018, la décision de transfert en litige est devenue caduque et ne pouvait plus être légalement exécutée. Cette caducité étant intervenue postérieurement à l'introduction de l'appel, les conclusions de la requête de M. B... tendant à l'annulation du jugement du 15 février 2018 rejetant sa demande d'annulation de l'arrêté du 5 février 2018 décidant sa remise aux autorités allemandes sont devenues sans objet. Il n'y a donc plus lieu d'y statuer.
En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :
6. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative relatif au contenu des requêtes adressées au tribunal administratif dont les dispositions sont applicables, en vertu de l'article R. 811-13 du même code, aux requêtes adressées au juge d'appel : " La requête (...) contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge ".
7. Les conclusions d'appel présentées contre le jugement attaqué en tant qu'il rejette la demande de M. B... aux fins d'annulation de l'arrêté du 5 février 2018 portant assignation à résidence ne sont assorties d'aucun moyen de nature à permettre à la Cour de se prononcer sur les éventuelles erreurs qu'auraient pu commettre les premiers juges, s'agissant de la contestation de cet arrêté. Elles n'ont fait l'objet d'aucune régularisation avant l'expiration du délai d'appel. Par suite, ces conclusions, qui ne satisfont pas aux prescriptions ci-dessus rappelées de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, sont, pour ce motif, entachées d'irrecevabilité et doivent, en conséquence, être rejetées.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
8. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ".
9. Le présent arrêt n'impliquant aucune mesure d'exécution, les conclusions susvisées ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. B... tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Melun du 15 février 2018 en tant qu'il a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté de transfert du 5 février 2018.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne.
Délibéré après l'audience du 8 mars 2019 à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, président de chambre,
- Mme Julliard, présidente-assesseure,
- M. Mantz, premier conseiller,
Lu en audience publique le 1er avril 2019.
Le rapporteur,
P. MANTZ
Le président,
M. HEERS
Le greffier,
F. DUBUY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA01292