Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 30 avril 2014 et le
8 décembre 2014, la SCI Cigogne, représentée par la Selarl Jurispol, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1300372 du 25 février 2014 du Tribunal administratif de la Polynésie française ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;
3°) de mettre à la charge de la Polynésie française le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal administratif n'a pas répondu au moyen tiré de ce qu'il faudrait prouver que l'opération à l'origine du redressement implique une sortie soit en valeur soit en argent du patrimoine de la société en ce qui concerne les rehaussements opérés au titre de l'impôt sur les transactions ;
- l'administration fiscale n'a pas sursis, comme elle y était tenue, à l'établissement de l'impôt jusqu'à ce que la commission des impôts se soit prononcée ce qui l'a privée de garanties et violé le principe d'égalité devant la loi fiscale ;
- la procédure de taxation d'office n'était pas applicable dès lors qu'il ne pouvait être retenu que la comptabilité n'était pas probante ;
- les bases d'imposition sont exagérées ;
- les sanctions fiscales ne sont pas dues ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 octobre 2014, la Polynésie française, représentée par la Selarl Groupavocats, conclut au rejet de la requête par des moyens contraires et à ce que le versement la somme de 3 000 euros soit mis à la charge de la SCI Cigogne sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la réclamation préalable ;
- le code des impôts de la Polynésie française et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mosser, président assesseur,
- et les conclusions de M. Rousset, rapporteur public.
1. Considérant que la SCI Cigogne, qui a une activité immobilière, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, portant sur les exercices 2009 et 2010, à l'issue de laquelle des rehaussements lui ont été notifiés selon la procédure de taxation d'office, portant sur des rappels à l'impôt sur les transactions, à l'impôt sur le revenu des capitaux mobiliers, à la contribution de solidarité territoriale sur les revenus de capitaux mobiliers, à l'impôt foncier et à la contribution de solidarité pour les professions et activités non salariées, le tout assorti de pénalités de retard et d'une majoration de 40 % pour défaut de présentation de comptabilité pour un montant total de 238 664 331 F CFP au titre des années 2009 et 2010 ; que la SCI Cigogne relève appel du jugement en date du 25 février 2014 par lequel le tribunal administratif de Polynésie française a rejeté sa demande en décharge ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Considérant qu'aux termes l'article LP. 421-1 du code des impôts de la Polynésie française alors en vigueur : "(...) A défaut d'accord dans le délai prescrit, le contribuable peut saisir la commission des impôts dans un délai de trente jours après confirmation du redressement, dans les conditions prévues aux articles D. 432-1 et LP. 432-2 du présent code " ; qu'aux termes de l'article LP. 432-2 du même, tel qu'issu de la loi dite " loi du pays " n° 2011-27 du 26 septembre 2011, et alors en vigueur : " La commission des impôts ne peut être saisie en cas de taxation d'office au sens de l'article LP. 423-1, sauf en cas de procédure de vérification de comptabilité dans l'entreprise (...) " ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SCI Cigogne a réceptionné le
4 juillet 2012 la notification de redressements du 21 juin 2012, relative aux impositions en litige ; qu'elle a produit ses observations le 31 juillet 2012 et qu'il lui a été répondu le 20 août 2012, par un courrier réceptionné le 28 août 2012 ; que la réponse aux observations du contribuable valant confirmation du redressement, la SCI Cigogne disposait alors d'un délai de trente jours à compter du 28 août 2012, pour saisir la commission des impôts, alors même que les impositions avaient été établies par taxation d'office, dès lors qu'elle avait fait l'objet d'une vérification de comptabilité, tel que prévu aux dispositions citées au point 2 ; que l'émission des rôles par l'administration, dès le
3 septembre 2012, ne saurait faire obstacle au délai dont disposait la SCI Cigogne pour saisir cette commission ; que la circonstance alléguée par l'administration fiscale qu'elle n'était pas tenue de répondre aux observations du contribuable est sans incidence sur l'application des dispositions citées au point 2, l'absence de réponse étant uniquement de nature à modifier le point de départ du délai de saisine de la commission des impôts ; qu'ainsi, la saisine de cette commission par la
SCI Cigogne le 12 septembre 2012, soit dans le délai de trente jours à compter de la confirmation du redressement, intervenue le 20 août 2012, n'était pas tardive ; que, par suite, la SCI Cigogne est fondée à soutenir qu'en émettant les rôles dès le 3 septembre 2012, soit dans le délai qui lui était ouvert pour saisir la commission des impôts, qui a d'ailleurs émis un avis favorable au contribuable le 29 novembre 2012, l'administration l'a privée d'une garantie ; que dès lors, la SCI Cigogne est fondée à se prévaloir de l'irrégularité de la procédure pour obtenir la décharge des impositions en litige ;
4. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la SCI Cigogne est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande en décharge ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
5. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la SCI Cigogne qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la Polynésie française demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, par ailleurs, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la SCI Cigogne présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de la Polynésie française en date du
25 février 2014 est annulé.
Article 2 : La SCI Cigogne est déchargée des impositions supplémentaires mises à sa charge au titre des années 2009 et 2010.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Les conclusions de la Polynésie française présentées sur le fondement de l'article
L 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Cigogne et à la Polynésie française.
Copie en sera adressée au haut-commissaire de la République en Polynésie française.
Délibéré après l'audience du 19 février 2016, à laquelle siégeaient :
- Mme Driencourt, président de chambre,
- Mme Mosser, président assesseur,
- M. Cheylan, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 4 mars 2016.
Le rapporteur,
G. MOSSERLe président,
L. DRIENCOURT Le greffier,
F. DUBUY La République mande et ordonne au haut-commissariat de la République en Polynésie française, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14PA01942