Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 9 juillet 2020, Mme H..., représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler l'article 3 du jugement n° 1810236 du 20 décembre 2019 du Tribunal administratif de Melun, en tant qu'il rejette ses conclusions aux fins d'injonction ;
2°) d'enjoindre à la préfète de Seine-et-Marne de lui délivrer une autorisation de regroupement familial au profit de ses deux enfants, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 15 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- en application de l'article R. 411-3 du code de justice administrative, les premiers juges ne pouvaient se fonder sur l'âge de ses enfants à la date de leur jugement pour rejeter ses conclusions à fin d'injonction ;
- ses deux enfants résident toujours au Congo.
La requête, a été communiquée au préfet de Seine-et-Marne, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme E... H..., ressortissante de la république du Congo née le 8 janvier 1977 et titulaire d'une carte de résident valable jusqu'en 2029, a sollicité le 10 septembre 2016 une autorisation de regroupement familial pour ses deux enfants D... J... et B... F... Koumous, sur le fondement de l'article L. 411-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 8 octobre 2018, la préfète de Seine-et-Marne a rejeté cette demande au motif que l'intéressée ne justifiait pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de ses enfants. Par un jugement du 20 décembre 2019 le Tribunal administratif de Melun a annulé cet arrêté susmentionné et rejeté le surplus des conclusions de Mme H.... Celle-ci relève appel de ce jugement, en tant seulement qu'il a rejeté ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de Seine-et-Marne de lui délivrer l'autorisation de regroupement familial demandée.
2. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".
3. Aux termes de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : 1° Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales et des allocations prévues à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles, à l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale et aux articles L. 351-9, L. 351-10 et L. 351-10-1 du code du travail. Les ressources doivent atteindre un montant qui tient compte de la taille de la famille du demandeur. Le décret en Conseil d'État prévu à l'article L. 441-1 fixe ce montant qui doit être au moins égal au salaire minimum de croissance mensuel et au plus égal à ce salaire majoré d'un cinquième (...) ". L'article R. 411-4 du même code dispose : " Pour l'application du 1° de l'article L. 411-5, les ressources du demandeur et de son conjoint qui alimenteront de façon stable le budget de la famille sont appréciées sur une période de douze mois par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance au cours de cette période. Ces ressources sont considérées comme suffisantes lorsqu'elles atteignent un montant équivalent à : / cette moyenne pour une famille de deux ou trois personnes (...) ". Aux termes de l'article R. 421-4 de ce code : " A l'appui de sa demande de regroupement, le ressortissant étranger présente les copies intégrales des pièces énumérées au 1° et joint les copies des pièces énumérées aux 2° à 4° des pièces suivantes : (...) 3° Les justificatifs des ressources du demandeur et, le cas échéant, de son conjoint, tels que le contrat de travail dont il est titulaire ou, à défaut, une attestation d'activité de son employeur, les bulletins de paie afférents à la période des douze mois précédant le dépôt de sa demande, ainsi que le dernier avis d'imposition sur le revenu en sa possession, dès lors que sa durée de présence en France lui permet de produire un tel document, et sa dernière déclaration de revenus. La preuve des revenus non salariaux est établie par tous moyens (...) ".
4. Les premiers juges ont annulé la décision de refus d'autorisation de regroupement familial opposée à Mme H... au motif que celle-ci justifiait, à la date de la décision attaquée, de ressources et d'un logement remplissant les conditions fixées par les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois ils ont rejeté ses conclusions demandant qu'il soit enjoint au préfet de Seine-et-Marne de lui délivrer l'autorisation sollicitée au motif que ses deux enfants, nés respectivement le 12 octobre 1998 et le 14 novembre 2001, étaient majeurs à la date de leur jugement.
5. S'il appartient au juge, saisi de conclusions sur le fondement des dispositions des articles L. 911-1 et L. 911-2 du code de justice administrative, de statuer sur ces conclusions en tenant compte de la situation de droit et de fait existant à la date de sa décision, il en va différemment lorsqu'une disposition législative ou réglementaire prévoit qu'un élément de cette situation est apprécié à une date déterminée. A cet égard, dès lors qu'aux termes de l'article R. 411-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : "L'âge du conjoint et des enfants pouvant bénéficier du regroupement familial est apprécié à la date du dépôt de la demande ", il est sans incidence sur le droit au regroupement familial qu'à la date du jugement attaqué les deux enfants concernés par la demande de regroupement familial aient dépassé l'âge de dix-huit ans.
6. Il ressort toutefois des pièces du dossier qu'à la date de la demande de regroupement familial sur laquelle la décision attaquée a statué, soit le 18 septembre 2018, l'enfant D... G..., née le 23 septembre 1998, était âgée de plus de dix-huit ans. Dans ces conditions, Mme H... n'est pas fondée à se plaindre de ce que les premiers juges aient rejeté les conclusions aux fins d'injonction concernant cet enfant et est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté ses conclusions aux fins d'injonction relatives à l'enfant B... F..., né le 14 novembre 2001, et à demander l'annulation de l'article 3 du jugement attaqué en tant qu'il a statué sur les conclusions relatives à cet enfant.
7. Eu égard au motif d'annulation de l'arrêté contesté retenu par le Tribunal administratif de Melun, et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des éléments relatifs aux ressources de la requérante à la date du présent arrêt justifieraient que l'autorité administrative oppose une nouvelle décision de refus, le présent arrêt implique nécessairement que cette autorité délivre à Mme H... une autorisation de regroupement familial au bénéfice du seul enfant B... F.... Il y a donc lieu d'enjoindre à la préfète de Seine-et-Marne de délivrer à Mme H... une autorisation de regroupement familial pour l'enfant B..., dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat, la somme de 1 500 euros, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er: L'article 3 du jugement n° 1810236 du tribunal administratif de Melun du 20 décembre 2019 est annulé en tant qu'il a statué sur la demande d'injonction relative à l'enfant B... I....
Article 2 : Il est enjoint à la préfète de Seine-et-Marne de délivrer à Mme H... une autorisation de regroupement familial au bénéfice de l'enfant B... I... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Mme H... la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... H..., à la préfète de Seine-et-Marne et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 26 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- Mme A..., président assesseur,
- M. Segretain, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 février 2021.
Le rapporteur,
P. A...Le président,
C. JARDIN
Le greffier,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 20PA01673 2