Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 23 mai 2017, M.D..., représenté par Me E..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 16 février 2017 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;
2°) d'annuler la décision du 9 juillet 2015 du centre d'expertise de médecine aéronautique de Nouvelle-Calédonie de s'en remettre à la décision du conseil médical de l'aéronautique civile, d'autre part, d'annuler la décision du conseil médical de l'aéronautique civile (CMAC) du 28 juillet 2015 le déclarant inapte, ensemble la décision du 16 mars 2016 rejetant son recours gracieux ;
3°) subsidiairement, d'ordonner une expertise contradictoire et de désigner un expert chargé de donner son avis sur son aptitude physique et mentale à exercer la fonction de personnel navigant commercial ;
4°) en tout état de cause, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de ce que les pièces versées au dossier démontrent que le CMAC a pris des décisions au lieu de rendre des avis ;
- le médecin ne se trouvait pas dans le cas litigieux prévu à l'article 5° de l'article
D. 424-2 du code de l'aviation civile dans lequel il peut recueillir l'avis préalable du CMAC et aurait en conséquence dû prendre une décision ; il a donc méconnu sa compétence en s'en remettant au conseil ;
- le CMAC est incompétent pour prendre en premier ressort une décision d'inaptitude ; cette violation de la procédure l'a privé d'un échelon décisionnel ;
- le CMAC n'est compétent qu'en cas de recours contre une décision d'inaptitude prise par un centre de médecine aéronautique et sur recours de l'intéressé ; or, il ne pouvait former un recours contre une décision d'aptitude du 23 octobre 2014 qui lui était favorable ;
- les décisions du 9 juillet 2015, du 28 juillet 2015 et du 16 mars 2016 sont entachées d'erreur d'appréciation dès lors que le docteurB..., le compte-rendu de bilan psychologique et le docteur A...concluaient tous à son aptitude à exercer sa profession ; il produit une attestation du 27 janvier 2017 d'un psychiatre confirmant cette analyse.
Le ministre chargé des transports a été mis en demeure de produire ses observations par courrier du 31 août 2018.
La clôture de l'instruction a été fixée au 31 octobre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 modifiée relative à la Nouvelle-Calédonie ;
- le code de l'aviation civile ;
- le code des transports ;
- l'arrêté du 4 septembre 2007 relatif aux conditions d'aptitude physique et mentale du personnel navigant commercial ;
- l'arrêté du 20 décembre 2012 portant extension en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna de textes relatifs aux personnels navigants de l'aviation civile, à l'exploitation et à la navigabilité des aéronefs ;
- le code de justice administrative applicable à la Nouvelle-Calédonie.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Julliard,
- et les conclusions de Mme Jayer, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M.D..., né le 16 janvier 1968, personnel navigant commercial (PNC) et instructeur au sein de la compagnie Aircalin depuis le 24 septembre 1990, a fait l'objet, à la suite d'un signalement de la direction des ressources humaines, d'une suspension à titre conservatoire de son aptitude et d'examens par un psychiatre et une psychologue clinicienne. Le docteurA..., pour la Commission d'examen médical du personnel navigant de l'aviation civile de Nouvelle-Calédonie, a décidé le 9 juillet 2015 de demander l'avis du Conseil médical de l'aviation civile (CMAC) sur l'aptitude du salarié à reprendre ses fonctions de PNC et de s'en remettre à sa décision. Par une décision 2015/R/30 du 28 juillet 2015, prise sur le dossier transmis par la Commission d'examen médical du personnel navigant de l'aviation civile de Nouvelle-Calédonie, le CMAC a prononcé l'inaptitude de M.D..., confirmée par une nouvelle décision 2016/R/06 du 16 mars 2016 du CMAC prise sur recours gracieux et après examen médico-psychologique de M. D...réalisé le 9 octobre 2015 au service médical de psychologie clinique appliquée à l'aéronautique de l'hôpital Percy de Clamart. M. D...relève appel du jugement du 16 février 2017 par lequel le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions précitées du 9 juillet 2015 de la commission d'examen médical du personnel navigant de l'aviation civile de
Nouvelle-Calédonie, du 28 juillet 2015 et 16 mars 2016 du CMAC.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 6511-4 du code des transports : " Les conditions d'aptitude médicale mentionnées à l'article L. 6511-2 sont attestées par des centres d'expertise de médecine aéronautique ou par des médecins examinateurs agréés par l'autorité administrative, dans des conditions définies par voie réglementaire. Ces conditions précisent notamment les moyens matériels spécifiques mis en oeuvre et la formation en médecine aéronautique du personnel médical. / Un recours peut être formé, à l'initiative de l'autorité administrative, de l'intéressé ou de l'employeur, contre les décisions prises par les centres de médecine aéronautique ou les médecins examinateurs, devant une commission médicale définie par décret en Conseil d'Etat. Cette commission statue sur l'aptitude du personnel navigant ".
3. Aux termes de l'article L. 410-2 du code de l'aviation civile : " Les centres d'expertise de médecine aéronautique et les médecins examinateurs délivrent, pour le personnel navigant, après examen, les certificats médicaux exigés pour exercer les fonctions correspondant aux titres aéronautiques. / (...) Le conseil médical de l'aéronautique civile, s'il est saisi d'un recours par le ministre chargé de l'aviation civile, l'intéressé ou l'employeur, à la suite des décisions prises par les centres de médecine aéronautique et les médecins examinateurs, décide de l'aptitude du personnel navigant ". Aux termes de l'article D. 424-2 de ce code : " Pour les personnels navigants titulaires de certificats médicaux délivrés selon les conditions d'aptitude médicale définie à l'article L. 6511-2 du code des transports et les textes pris pour son application, le conseil médical de l'aéronautique civile : 3°. Se prononce sur : a) Les recours interjetés par les candidats à la qualité de personnel navigant professionnel ... déclarés médicalement inaptes au titre de l'aéronautique civile par un centre d'expertise de médecine aéronautique ou par un médecin examinateur (...) / Les recours mentionnés aux a, b et c ci-dessus sont exercés dans un délai de deux mois suivant la date de la décision d'aptitude ou d'inaptitude. (...) 5°. Se prononce sur les affaires soumises par des médecins-chefs des centres d'expertise de médecine aéronautique et par des médecins examinateurs qui, en présence d'un cas litigieux ou non prévu par les règlements d'aptitude physique et mentale en vigueur, estiment devoir prendre l'avis du conseil médical de l'aéronautique civile avant de formuler une décision d'aptitude ou d'inaptitude à une fonction du personnel navigant de l'aéronautique civile ".
4. Il résulte, en premier lieu, des dispositions précitées l'article D. 424-2 5° du code de l'aviation civile qu'en présence d'un cas litigieux, un médecin de centre d'expertise de médecine aéronautique peut soumettre, pour avis, un tel cas au CMAC avant de prendre sa décision sur l'aptitude d'un personnel navigant. Ainsi, à supposer que le docteur A...de la commission d'examen médical du personnel navigant de l'aviation civile de Nouvelle-Calédonie se soit fondé sur ces dispositions pour saisir la CMAC du cas de M. D..., il lui revenait, après avoir recueilli cet avis, de se prononcer lui-même sur l'aptitude à reprendre ses fonctions de PNC du salarié. Par suite, ce dernier est fondé à soutenir qu'en décidant, le 9 juillet 2015, de demander l'avis du CMAC et de s'en remettre à sa décision, le docteur A...a méconnu l'étendue de sa compétence.
5. En second lieu, les dispositions précitées des articles L. 410-2 et D. 424-2 du code de l'aviation civile donnent compétence au CMAC pour se prononcer sur les recours interjetés par le ministre chargé de l'aviation civile, la personne concernée ou son employeur, contre les décisions prononcées par un centre d'expertise de médecine aéronautique ou par un médecin examinateur. Aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit que le CMAC puisse, en vue de prononcer une inaptitude, se saisir d'office en l'absence d'un recours interjeté conformément aux articles mentionnés ci-dessus. Il ressort des pièces du dossier qu'en déclarant M.D... inapte, par décision 2015/R/30 du 28 juillet 2015, sans avoir été saisi conformément à ces dispositions, le CMAC a entaché sa décision d'incompétence. L'illégalité de la décision du 2015/R/30 du 28 juillet 2015 entraîne l'illégalité la décision 2016/R/06 du 16 mars 2016 du CMAC prise sur recours de l'intéressé. Il en résulte que ces deux décisions doivent être annulées.
6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué et les autres moyens de la requête, que M. D...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Il y a lieu, en application des dispositions susvisées, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à M. D...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1600195 du 16 février 2017 du Tribunal administratif de
Nouvelle-Calédonie et les décisions du 9 juillet 2015 de la commission d'examen médical du personnel navigant de l'aviation civile de Nouvelle-Calédonie et du 28 juillet 2015 et 16 mars 2016 du conseil médical de l'aviation civile sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera à M. D...une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...D...et au ministre chargé des transports.
Copie en sera adressée au ministre des Outre-mer et au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie.
Délibéré après l'audience du 13 novembre 2018 à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, présidente de chambre,
- Mme Julliard, présidente-assesseure,
- M. Mantz, premier conseiller,
Lu en audience publique le 10 décembre 2018.
La rapporteure,
M. JULLIARD
La présidente,
M. HEERS La greffière,
F. DUBUY
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA01749