Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 20 février et 3 août 2017, la SNC Ature 201, représentée par MeE..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge des amendes fiscales qui lui ont été infligées sur le fondement de l'article LP. 511-13-1 du code des impôts de la Polynésie française.
La SNC Ature 201 soutient que :
- les agents de la direction des impôts et des contributions publiques de la Polynésie française ne sont pas compétents pour vérifier les opérations métropolitaines effectuées en application des dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts ;
- les amendes qui lui ont été infligée sur le fondement de l'article LP. 511-13-1 du code des impôts de la Polynésie française sont dépourvues de base légale dès lors que l'article LP. 367-2 de ce code ne comporte pas de condition relative à l'éligibilité de l'opération au dispositif métropolitain de défiscalisation et que l'article 1er de l'arrêté n° 1143 CM du 21 juillet 2009 ne constitue pas davantage une base légale à l'application de cet article LP. 511-13-1 ;
- les véhicules qu'elle a donné en location à MM.A..., D..., C...et à
Mme F...n'ont pas le caractère de véhicules de tourisme au sens et pour l'application de l'article 1010 du code général des impôts ;
- la SARL Domigestion Pacifique, qui est son représentant fiscal pour l'application des articles LP. 367-1 et suivants du code des impôts de la Polynésie française, bénéficie à ce titre d'une accréditation délivrée par l'administration fiscale polynésienne ;
- la doctrine fiscale métropolitaine, qui considère que les véhicules qui ne sont pas classés en voitures particulières pour l'établissement de la carte grise ne constituent pas des voitures de tourisme, lui est applicable ;
- elle se prévaut du bulletin officiel des impôts référencé BOI-TFP-TVS-10-20 n° 40, mis à jour le 7 octobre 2015, qui précise que les véhicules équipés d'une plate-forme arrière ne transportant pas les voyageurs et les marchandises dans un compartiment unique, de type pick-up à cabine simple ou à double cabine, ne répondent pas à la définition du véhicule à usages multiples figurant à l'article 1010 du code général des impôts et qu'ils sont donc exclus du champ d'application de la taxe sur les véhicules de tourisme.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 juin 2017, la Polynésie française, représentée par MeG..., conclut au rejet de la requête.
La Polynésie française soutient que les moyens invoqués par la SNC Ature 201 ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 2007/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 septembre 2007 établissant un cadre pour la réception des véhicules à moteur, de leurs remorques et des systèmes, des composants et des entités techniques destinés à ces véhicules ;
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 modifiée portant statut d'autonomie de la Polynésie française ;
- la loi n° 2004-193 du 27 février 2004 complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française ;
- le code général des impôts ;
- le livre des procédures fiscales ;
- le code des impôts de la Polynésie française ;
- l'arrêté n° 1132 CM du 21 juillet 2009 fixant les modalités de représentation fiscale en Polynésie française ;
- l'arrêté n° 1143 CM du 21 juillet 2009 pris pour l'application du régime d'exonérations fiscales en faveur des opérations de défiscalisation métropolitaine ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Boissy,
- les conclusions de Mme Mielnik-Meddah, rapporteur public,
- et les observations de Me E...pour la SNC Ature 201.
1. Considérant que, dans le cadre du dispositif métropolitain d'aide fiscale à l'investissement outre-mer prévu à l'article 199 undecies B du code général des impôts, la société Ature 201 a acquis, les 20, 25 et 31 octobre et 12 novembre 2012, quatre véhicules 4 x 4 pick-up à double cabine qu'elle a respectivement donnés en location à Mme F...et à
MM.D..., A...etC..., tous exploitants polynésiens ; que, le 26 août 2014, la Polynésie française a informé la société de son intention de lui infliger des amendes d'un montant total de 163 300 francs CFP sur le fondement des articles LP. 367-5 et LP. 511-13-1 du code des impôts de la Polynésie française ; qu'après avoir recueilli les observations du contribuable et y avoir répondu le 17 février 2015, la Polynésie française a mis en recouvrement ces amendes le
6 mai 2015 ; que la réclamation présentée par la SNC Ature 201 le 31 juillet 2015 a été rejetée le 12 avril 2016 ; que, par un jugement du 20 décembre 2016, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté la demande de la société tendant à la décharge de ces amendes ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation et de décharge :
2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article LP. 367-1 du code des impôts de la Polynésie française : " Il est institué un régime d'exonération de tous impôts, droits et taxes prévus au présent code lorsque l'application de ces impôts, droits et taxes a pour effet direct de réduire l'avantage financier apporté aux exploitants polynésiens par la mise en oeuvre du dispositif métropolitain d'aide fiscale à l'investissement outre-mer. L'exonération s'applique dans les conditions prévues aux articles ci-après " ; qu'aux termes de l'article LP. 367-2 du même code : " Les personnes physiques ou morales qui réalisent en Polynésie française, directement ou via des entités créées ad hoc, des opérations d'investissements entrant dans le champ du dispositif métropolitain d'aide fiscale à l'investissement outre-mer, prenant notamment la forme d'opérations de souscription au capital, de location longue durée ou de crédit-bail, bénéficient du régime d'exonération visé à l'article LP. 367-1, sous réserve du respect des conditions suivantes : / - ces personnes doivent se faire connaître de la direction des impôts et des contributions publiques et y faire accréditer un représentant fiscal si elles n'ont pas leur siège social ou un établissement stable en Polynésie française ; / - elles doivent, au plus tard dans les trois mois qui suivent la fin de l'année civile au cours de laquelle sont réalisées les opérations d'investissements, souscrire à la direction des impôts et des contributions publiques une fiche de renseignements cosignée par elles et par les exploitants polynésiens bénéficiaires économiques des opérations de défiscalisation ; / - les impôts, droits et taxes visés par l'exonération doivent trouver directement leur fait générateur dans la mise en oeuvre des schémas de financement liés au dispositif métropolitain d'aide fiscale à l'investissement outre-mer ; / - les biens concernés par l'investissement doivent revenir, au terme de la période légale de défiscalisation, dans le patrimoine de l'exploitant polynésien ou, si l'investissement a été effectué par voie de souscription au capital, dans les conditions fixées dans l'agrément fiscal ou l'accord préalable délivré par la direction générale des finances publiques ou, si l'opération est dispensée de tels accords, dans les conditions fixées par le dispositif métropolitain d'aide fiscale à l'investissement outre-mer. Une fiche de renseignements cosignée par les personnes physiques ou morales mentionnées au premier alinéa et par les exploitants polynésiens bénéficiaires économiques des opérations de défiscalisation doit être souscrite à la direction des impôts et des contributions publiques dans les trois mois qui suivent la fin de l'année civile au cours de laquelle est constaté le retour des biens ou des titres souscrite dans le patrimoine de l'exploitant polynésien. / Un arrêté pris en conseil des ministres approuve le modèle des fiches de renseignements visées aux 3ème et 5ème alinéas " ; qu'aux termes de l'article LP. 367-5 de ce code : " La remise en cause du régime d'exonération est sanctionnée par l'application d'une amende fiscale dans les conditions prévues à l'article LP. 511-13-1 du présent code " ; qu'aux termes de l'article LP. 511-13-1 de ce code : " Les entités de défiscalisation métropolitaine bénéficiant du régime d'exonération faisant l'objet des articles LP. 367-1 à LP. 367-5 du présent code sont passibles d'une amende égale à 1 % du montant de l'investissement concerné, en cas de non-respect des conditions prévues aux articles LP. 367-1 et LP. 367-2 " ; qu'aux termes de l'article 411-1 de ce code : " Les agents assermentés de la direction des impôts et des contributions publiques ont le pouvoir d'assurer le contrôle de l'ensemble des impôts et taxes dus par les contribuables (...) " ; qu'aux termes de l'article 1er de l'arrêté n° 1143 CM du 21 juillet 2009 : " Le bénéfice de l'exonération en faveur des opérations de défiscalisation métropolitaine faisant l'objet des articles LP. 367-1 à LP. 367-5 (...) est subordonné à l'éligibilité des opérations concernées au dispositif métropolitain d'aide fiscale à l'investissement outre-mer. / Par suite (...), les exonérations ne s'appliquent pas et sont, le cas échéant, remises en cause lorsqu'il est établi que les opérations n'ont pas vocation à être financées ou n'ont pas été effectivement financées au moyen du dispositif métropolitain d'aide fiscale à l'investissement outre-mer " ;
3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 199 undecies B du code général des impôts : " I.- Les contribuables domiciliés en France (...) peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs qu'ils réalisent (...) en Polynésie française (...) dans le cadre d'une entreprise exerçant une activité agricole ou une activité industrielle, commerciale ou artisanale. (...) La réduction d'impôt ne s'applique pas à l'acquisition de véhicules soumis à la taxe définie à l'article 1010 qui ne sont pas strictement indispensables à l'activité de l'exploitant. (...) " ; qu'aux termes de l'article 1010 du même code : " Les sociétés sont soumises à une taxe annuelle à raison des véhicules de tourisme qu'elles utilisent en France (...). Sont considérés comme véhicules de tourisme les voitures particulières au sens du 1 du C de l'annexe II à la directive 2007/46/CE (...) ainsi que les véhicules à usages multiples qui, tout en étant classés en catégorie N 1 au sens de cette même annexe, sont destinés au transport de voyageurs et de leurs bagages ou de leurs biens (...) " ; qu'il résulte de la partie A et des 1. et 3. de la partie C de l'annexe II à la directive 2007/46/CE du 5 septembre 2007, dans sa rédaction issue de la modification " M12 " introduite par le règlement (UE) n° 678/2011 de la Commission du 14 juillet 2011, qu'au sein des véhicules classés dans la catégorie M, conçus et construits essentiellement pour le transport de personnes et de leurs bagages, figurent, de manière limitative, les " voitures particulières " (M1) suivantes : la berline (AA), la voiture à hayon arrière (AB), le break (AC), le coupé (AD), le cabriolet (AE), le break commercial (AG) et le véhicule à usages multiples (AF), lequel est défini comme " autre que ceux visés sous (...) AA à AE et destiné au transport de voyageurs et de leurs bagages, ou occasionnellement, des marchandises, dans un compartiment unique " ; que les véhicules classés dans la catégorie N1, qui correspondent à des véhicules conçus et construits essentiellement pour le transport de marchandises et dont le poids maximal ne dépasse pas 3,5 tonnes, sont les suivants : le camion (BA), la camionnette (BB), définie comme un " camion dont le compartiment du conducteur et la zone de cargaison se trouvent dans une seule unité ", l'unité de traction pour semi-remorque (BC), le tracteur routier (BD), le châssis cabine ou châssis dépôt (BX) et le " camion pick-up " (BE), lequel est défini comme " un véhicule dont la masse maximale n'excède pas 3 500 kg et dans lequel les places assises et la zone de cargaison ne se trouvent pas dans un compartiment unique " ;
4. Considérant, en premier lieu, que les agents de la direction des impôts et des contributions publiques de la Polynésie française ont le pouvoir d'assurer le contrôle de l'ensemble des impôts et taxes dus par les contribuables en application du code des impôts de la Polynésie française ; qu'à cette fin, ils peuvent notamment vérifier que les contribuables remplissent les conditions leur permettant de bénéficier du régime d'exonération prévu à l'article LP. 367-1 de ce code ; que la Polynésie française peut en outre infliger l'amende fiscale définie à l'article LP. 511-13-1 lorsqu'une entité de défiscalisation ne remplit pas la condition, mentionnée au 4ème alinéa de l'article LP. 367-2 et rappelée à l'article 1er de l'arrêté n° 1143 CM du 21 juillet 2009, tenant à l'éligibilité de l'opération au dispositif métropolitain de défiscalisation prévu par l'article 199 undecies B du code général des impôts ; que la société requérante n'est dès lors pas fondée à soutenir que l'amende qui lui a été infligée est dépourvue de base légale ;
5. Considérant, en deuxième lieu, que la SNC Ature 201, qui acquitte la taxe sur la valeur ajoutée en Polynésie française, ne conteste pas avoir bénéficié du régime d'exonération prévu à l'article LP. 367-1 du code des impôts de la Polynésie française ; que, dès lors, contrairement à ce qu'elle soutient, les agents de l'administration étaient bien territorialement compétents, sur le fondement de l'article 411-1 du même code, pour remettre en cause le bénéfice de ce régime d'exonération et infliger les amende contestées en se fondant sur le non-respect du dispositif métropolitain de défiscalisation ;
6. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte des dispositions mentionnées au point 3 qu'un véhicule à usages multiples, même conçu et construit essentiellement pour le transport de marchandises, a le caractère d'un véhicule de tourisme au sens et pour l'application de l'article 1010 du code général des impôts dès lors que, d'une part, sa masse reste inférieure à 3,5 tonnes et que, d'autre part, ses caractéristiques techniques lui permettent de transporter à la fois des voyageurs et leurs bagages ou leurs biens ; que la circonstance qu'un tel véhicule comporte un ou plusieurs compartiments reste en revanche, par elle-même, sans incidence sur sa qualification ;
7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les véhicules en litige, dont trois sont de marque Toyota et de modèle " Hilux double cabine " et l'un de marque Mazda et de modèle " BT50 double cabine ", sont tous des pick-up à double cabine, d'un poids inférieur à 3,5 tonnes, équipés d'une benne susceptible d'être couverte et d'un habitacle comportant une double rangée de sièges avec cinq ou six places assises ; qu'ainsi, même s'ils ont été conçus et construits essentiellement pour le transport de marchandises, ces véhicules sont bien en l'espèce également destinés, compte tenu de leurs caractéristiques techniques, au transport de voyageurs et de leurs bagages ou de leurs biens ; qu'ils ont dès lors le caractère de véhicules de tourisme au sens et pour l'application de l'article 1010 du code général des impôts ; qu'il ne résulte pas davantage de l'instruction que ces véhicules seraient strictement indispensables à l'activité des exploitants, MM.A..., D..., C...et B...F..., qui exercent respectivement l'activité de pêcheur, d'électricien, de jardinier et de pêcheur ; que la société requérante n'est par conséquent pas fondée à soutenir que c'est à tort que la Polynésie française a estimé que les opérations d'investissement en litige n'étaient pas éligibles au dispositif métropolitain de défiscalisation et que cette société n'avait ainsi pas rempli la condition mentionnée au 4ème alinéa de l'article LP. 367-2 du code des impôts de la Polynésie française ;
8. Considérant, en quatrième lieu, que les conditions d'accréditation d'un représentant fiscal organisées par l'arrêté n° 1132 du 21 juillet 2009 ne sont pas relatives à l'appréciation de l'éligibilité des opérations d'investissements envisagées au dispositif métropolitain d'aide fiscale à l'investissement outre-mer ; que, dès lors, la circonstance que la SARL Domigestion Pacifique est le représentant fiscal de la SNC Ature 201, pour l'application des articles LP. 367-1 et suivants du code des impôts de la Polynésie française, et bénéficie à ce titre d'une accréditation délivrée par l'administration fiscale polynésienne reste sans incidence sur le bien-fondé de l'amende en litige ;
9. Considérant, en dernier lieu, que si la société requérante invoque la doctrine administrative métropolitaine, celle-ci est, en tout état de cause, seulement opposable à l'administration fiscale métropolitaine sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales instituant un mécanisme de garantie au profit du redevable qui est fondé à s'en prévaloir ; que, par suite, la Polynésie française n'étant pas tenue d'interpréter le code général des impôts conformément à la doctrine fiscale métropolitaine, le moyen est inopérant ;
10. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant à la décharge des amendes fiscales en litige ; que ses conclusions aux fins d'annulation et de décharge doivent par suite être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SNC Ature 201 le versement de la somme que demande la Polynésie française au titre des frais qu'elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SNC Ature 201 est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la Polynésie française tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SNC Ature 201 et à la Polynésie française.
Copie en sera adressée au ministre des Outre-mer et au haut-commissaire de la République en Polynésie française.
Délibéré après l'audience du 23 mars 2018 à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, président de chambre,
- M. Auvray, président assesseur,
- M. Boissy, premier conseiller.
Lu en audience publique le 13 avril 2018.
Le rapporteur,
L. BOISSYLe président,
M. HEERSLe greffier,
C. DABERT
La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 17PA00649 2