Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 mars 2019 et le 7 août 2019, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la Cour :
1°) d'annuler l'article 1er du jugement n° 1706101/2-2 du 4 février 2019 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de remettre à la charge de la société d'exercice libéral par action simplifiée (SELAS) Centre d'Explorations Fonctionnelles (CEF) l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2013 à hauteur du dégrèvement prononcé de 266 647 euros en exécution du jugement attaqué.
Il soutient que :
- la notion de détention de 95 % du capital, prévue à l'article 223 A du code général des impôts ne peut s'entendre que comme recouvrant à la fois la détention des droits de vote et des droits financiers de ces sociétés, la notion de "groupe" aux fins de l'application des dispositions des articles 223 A à 223 E du code général des impôts impliquant une certaine cohérence dans les décisions des sociétés qui en font partie ;
- contrairement à ce qu'a jugé le Tribunal administratif de Paris, le pouvoir réglementaire n'a pas restreint le champ d'application de la loi, le législateur ayant entendu subordonner le régime de l'intégration fiscale à la détention, par la société mère, de 95 % des droits à dividendes et de 95 % des droits de vote ;
- l'administration pouvait donc légalement se fonder sur l'article 46 quater-0 ZF, de l'annexe III du code général des impôts pour refuser l'application du régime d'intégration fiscale dès lors que les sociétés membres du groupe fiscal intégré ne remplissaient pas les conditions prévues par les articles 223 A et suivants du code général des impôts en ce qui concerne les droits de vote ;
- il s'en réfère à ses écritures de première instance quant aux autres moyens soulevés devant le Tribunal administratif de Paris.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 4 juillet 2019 et le 29 octobre 2019, la société d'exercice libéral par action simplifiée (SELAS) Centre d'Explorations Fonctionnelles (CEF), représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le droit fiscal est d'interprétation stricte et les dispositions de l'article 223 A du code général des impôts dans sa version en vigueur à la date de l'option, dépourvues d'ambiguïté, n'exigent que la détention de 95 % du capital de la société ;
- l'article 5 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions de santé soumises à un statut législatif ou réglementaire impose que la majorité des droits de vote dans les sociétés d'exercice libéral soit détenue, directement ou indirectement, par les associés professionnels en exercice au sein de la cette société et ce quel que soit le nombre des actions détenues par ces associés ;
- dès lors, l'article 223 A du code général des impôts n'exige pas, pour l'appréciation du seuil de détention, que les participations détenues dans les filiales s'apprécient au regard des droits de vote ;
- l'article 46 quater-0 ZF de l'annexe III au code général des impôts dans sa version applicable à la date de l'option était donc illégal en fixant de nouvelles conditions d'application pour le régime de l'intégration fiscale ;
- à la date de l'option, la société Eurofins-Biomnis remplissait la condition de détention de 95 % au moins du capital de sa filiale CEF seule exigée par les dispositions de l'article 223 A du code général des impôts dans sa version alors applicable.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les conclusions de Mme Stoltz-Valette, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société d'exercice libéral par actions simplifiée (SELAS) Centre d'explorations fonctionnelles (CEF), qui exerce une activité de laboratoire de biologie médicale, est détenue à 99,99 % par la SELAS Biomnis qui a demandé, le 7 mai 2013, à bénéficier du régime de l'intégration fiscale prévu aux articles 223 A et suivants du code général des impôts, au titre du groupe formé par elle-même et ses deux filiales, la société CEF et la société Centre de biologie médicale. Le 12 juin 2013, l'administration fiscale a refusé à la société Biomnis le bénéfice du régime de l'intégration fiscale pour ses deux filiales et a, en conséquence, imposé chacune de ces trois sociétés à l'impôt sur les sociétés sur la base de son résultat propre. La société Centre d'explorations fonctionnelles a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations primitives d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 et 2014. Le ministre de l'action et des comptes publics fait appel du jugement du 4 février 2019 en tant que, par son article premier, le Tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge de la cotisation primitive d'impôt sur les sociétés à laquelle la société CEF avait été assujettie au titre de l'exercice clos en 2013. La société CEF ne forme pas d'appel incident contre ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions relatives à l'exercice clos en 2014.
2. Aux termes du premier alinéa de l'article 223 A du code général des impôts dans sa rédaction applicable à l'exercice clos en 2013, avant l'intervention de l'article 71 de la loi du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014 : " Une société peut se constituer seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur l'ensemble des résultats du groupe formé par elle-même et les sociétés dont elle détient 95 % au moins du capital, de manière continue au cours de l'exercice, directement ou indirectement par l'intermédiaire de sociétés ou d'établissements stables membres du groupe (...) ". L'article 46 quater-0 ZF de l'annexe III au même code, dans sa rédaction alors applicable, dispose que : " Pour l'application des dispositions de l'article 223 A du code général des impôts, la détention de 95 % au moins du capital d'une société s'entend de la détention en pleine propriété de 95 % au moins des droits à dividendes et de 95 % au moins des droits de vote attachés aux titres émis par cette société (...) ".
3. Ainsi que l'a d'ailleurs jugé le Conseil d'Etat dans la décision n° 439582 du 26 janvier 2021 rendue sur pourvoi de la société Biomnis, il résulte des dispositions précitées de l'article 223 A du code général des impôts, qui ne comportent aucune obscurité justifiant qu'il soit recouru, pour apprécier leur portée, aux travaux préparatoires de la loi de laquelle elles sont issues, que la possibilité, pour une société, de se constituer seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur l'ensemble des résultats du groupe qu'elle forme avec ses filiales est subordonnée à la seule condition que cette société détienne, dans les autres sociétés du groupe, une participation représentant au moins 95 % des parts sociales. En ce qu'il exige, pour qu'une société puisse être comprise dans le périmètre d'intégration fiscale, que la société tête de groupe détienne en outre, directement ou indirectement, en pleine propriété, 95 % au moins des droits à dividendes et 95 % au moins des droits de vote attachés aux titres émis par cette société, l'article 46 quater-O ZF de l'annexe III au code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige, méconnaît la portée de la disposition législative dont il a pour objet de préciser les modalités d'application et est ainsi entaché d'incompétence. Il y a donc lieu d'en écarter l'application.
4. En conséquence, ainsi que l'ont exactement relevé les premiers juges, dès lors qu'il est constant que la société Biomnis détenait plus de 95 % du capital de la société Centre d'explorations fonctionnelles au titre de l'exercice clos en 2013, et que l'administration fiscale ne conteste pas que la société Centre d'explorations fonctionnelles remplissait les autres conditions lui permettant de bénéficier du régime de l'intégration fiscale, la société CEF était fondée à se prévaloir de ce régime pour obtenir la décharge de la cotisation primitive d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2013.
5. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article premier du jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge de la cotisation primitive d'impôt sur les sociétés à laquelle la société CEF a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2013.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société CEF et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du ministre de l'action et des comptes publics est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à la société Centre d'explorations fonctionnelles une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à la société Centre d'explorations fonctionnelles.
Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris (pôle contrôle fiscal et affaires juridiques - SCAD).
Délibéré après l'audience du 13 avril 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- Mme A..., président assesseur,
- M. Aggiouri, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 mai 2021.
Le rapporteur,
P. A...Le président,
C. JARDIN
Le greffier,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 19PA01100