Procédure devant la Cour :
I- Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 septembre 2019 et le 29 janvier 2020, la ville de Paris, représentée par la SCP Foussard-Froger, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1719877/2-3 du 18 juillet 2019 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le Tribunal administratif de Paris ;
3°) de rejeter l'appel incident de M. B... ;
4°) de mettre à la charge de M. B... le versement de la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier faute de comporter les signatures exigées par l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- il résulte des termes et de l'esprit de l'article 67 de la loi du 26 janvier 1984, tel que modifié par la loi n° 2009-972 du 3 août 2009, que seuls les avancements de grade obtenus pendant la durée du détachement dans le corps d'accueil doivent être pris en compte lors de la réintégration de l'agent dans son corps d'origine à l'issue de son détachement, à l'exclusion du grade auquel l'agent a été initialement classé lors de son accueil en détachement ;
- la décision de classement prise par l'administration d'accueil ne saurait être assimilée, ni équivaloir à une promotion de grade ;
- à supposer même que l'on considère qu'il y a équivalence entre le premier grade du corps des administrateurs de la ville de Paris et le deuxième grade du corps des magistrats de Chambre régionale des comptes, c'est bien au grade d'administrateur de la ville de Paris que l'intéressé devait être reclassé lors de sa réintégration dans son administration d'origine, puisque celui-ci est toujours équivalent au grade de premier conseiller.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 6 janvier 2020 et le 20 février 2020, M. B..., représenté par Me D..., demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête de la ville de Paris ;
2°) d'annuler le jugement n° 1719877/2-3 du 18 juillet 2019 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il n'a pas fait droit à ses conclusions aux fins d'injonction présentées sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ;
3°) d'enjoindre à la ville de Paris, à titre principal, de le reclasser à la date du 1er octobre 2017 au 7ème échelon du grade d'administrateur hors-classe ou, à titre subsidiaire, de le reclasser à cette même date au 6ème échelon du grade d'administrateur hors classe ;
4°) de mettre à la charge de la ville de Paris la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'annulation prononcée par les premiers juges impliquait nécessairement qu'il soit enjoint à la ville de Paris non de réexaminer sa situation, mais de le reclasser au 7ème, ou à défaut au 6ème échelon du grade d'administrateur hors classe ;
- les moyens soulevés par la Ville de Paris ne sont pas fondés.
II- Par une ordonnance n° 20PA01103 du 27 mars 2020, le président de la Cour, à la demande de M. B..., a ordonné l'ouverture d'une phase juridictionnelle en vue de prescrire, s'il y a lieu, les mesures d'exécution du jugement n° 1719877/2-3 du 18 juillet 2019 du Tribunal administratif de Paris.
Par des mémoires, enregistrés les 28 avril 2020 et 22 septembre 2020, M. B... demande à la Cour :
1°) d'enjoindre à la ville de Paris, à titre principal, de le reclasser à la date du 1er octobre 2017 au 7ème échelon du grade d'administrateur hors classe et d'en tirer toutes les conséquences sur son déroulement de carrière ultérieur, avec application du taux d'intérêt légal majoré sur les rappels de rémunération ou, à titre subsidiaire, de le reclasser à cette même date au 6ème échelon du grade d'administrateur hors classe ;
2°) d'assortir cette injonction d'une astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la date de notification du jugement du 18 juillet 2019.
Il soutient que ce reclassement est nécessairement impliqué par les motifs du jugement du 18 juillet 2019 et qu'aucune complexité, ni aucun autre motif légitime, ne fait obstacle à ce que la ville de Paris procède à cette exécution.
Par un mémoire, enregistré le 14 septembre 2020, la ville de Paris demande à la Cour de surseoir à statuer jusqu'à l'intervention de l'arrêt à intervenir dans l'instance n° 19PA02998.
Elle soutient que ce sursis est justifié au regard de la complexité des règles de calcul d'une éventuelle reconstitution rétroactive de carrière, et des risques financiers pour M. B... en cas d'obligation de reversement des sommes versées en exécution du jugement.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- la loi n° 2009-972 du 3 août 2009 ;
- le décret n° 86-68 du 13 janvier 1986 ;
- le décret n° 2007-1444 du 8 octobre 2007 ;
- le décret n° 2015-52 du 22 janvier 2015 ;
- le code des juridictions financières ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de Mme Stoltz-Valette, rapporteur public,
- les observations de Me Lewy, avocat de la ville de Paris,
- les observations de Me D..., avocat de M. B...,
- et les observations de M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. C... B..., professeur agrégé d'économie-gestion jusqu'au 31 décembre 2011, a été nommé et titularisé au 7ème échelon du grade d'administrateur de la ville de Paris le 1er janvier 2012 à la suite de sa scolarité à l'Ecole nationale d'administration, puis nommé au 9ème échelon de son grade au 1er octobre 2014. Par la voie du détachement, il a été recruté en qualité de magistrat de chambre régionale des comptes du 1er octobre 2014 au 30 septembre 2017 au 5ème échelon du grade de premier conseiller, par un arrêté du 1er septembre 2014 du Premier président de la Cour des comptes. A l'issue de ce détachement, il a été réintégré dans son corps d'origine d'administrateur de la ville de Paris au 1er octobre 2017. Il a demandé au Tribunal administratif de Paris l'annulation de la décision de la ville de Paris, révélée par la fiche de paye d'octobre 2017 reçue au mois de novembre 2017, par laquelle il a été reclassé lors de sa réintégration au 9ème échelon du grade d'administrateur avec un indice brut de 971. La ville de Paris fait appel du jugement du 18 juillet 2019 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé cette décision et lui a enjoint de réexaminer la situation de M. B..., ce dernier demandant, par la voie de l'appel incident, qu'il soit enjoint à la ville de Paris de prononcer sa réintégration au 7ème échelon du grade d'administrateur hors-classe, ou subsidiairement au 6ème échelon de ce grade, et de reconstituer sa carrière en conséquence. M. B... a par ailleurs demandé à la Cour, en application des dispositions des articles L. 911-4 et R. 921-1 et suivants du code de justice administrative, d'assurer l'exécution de ce jugement.
2. La requête et la procédure d'exécution visées ci-dessus étant relatives à un même jugement, il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un même arrêt.
Sur la régularité du jugement :
3. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".
4. Il ressort des pièces du dossier de première instance transmis à la Cour que la minute du jugement attaqué comporte l'ensemble des signatures prévues par ces dispositions. Si l'expédition du jugement du Tribunal administratif de Paris notifié à la ville de Paris ne comporte pas ces signatures, cette circonstance n'est pas de nature à entacher le jugement attaqué d'irrégularité.
Sur le bien fondé du jugement :
En ce qui concerne l'appel principal :
5. Il ressort des mémoires produits par la ville de Paris, en première instance et en appel, que, pour déterminer le grade et l'échelon auxquels M. B... devait être réintégré à l'issue de son détachement, elle a estimé, d'une part, que son détachement dans le corps des magistrats de chambres régionales des comptes au grade de premier conseiller, qui est le deuxième grade de ce corps, était irrégulier et devait dès lors demeurer sans incidence pour elle, d'autre part, que M. B..., n'ayant bénéficié d'aucune promotion de grade pendant son détachement, devait être réintégré dans le grade d'administrateur qui était le sien avant son détachement.
6. Aux termes de l'article 67 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, applicable aux administrateurs de la ville de Paris, dans sa rédaction issue de la loi n° 2009-972 du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique : " (...) A l'expiration d'un détachement de longue durée, le fonctionnaire est, sauf intégration dans le cadre d'emplois ou corps de détachement, réintégré dans son corps ou cadre d'emplois et réaffecté à la première vacance ou création d'emploi dans un emploi correspondant à son grade relevant de sa collectivité ou de son établissement d'origine. Il est tenu compte, lors de sa réintégration, du grade et de l'échelon qu'il a atteint dans le corps ou cadre d'emplois de détachement sous réserve qu'ils lui soient plus favorables. (...) ". L'article 11-2 du décret du 13 janvier 1986 relatif aux positions de détachement, hors cadres, de disponibilité, de congé parental des fonctionnaires territoriaux et à l'intégration, également applicable, précise que : " Sous réserve qu'elle lui soit plus favorable, la réintégration dans son cadre d'emplois d'origine du fonctionnaire détaché dans un corps ou cadre d'emplois (...) est prononcée à équivalence de grade et à l'échelon comportant un indice égal ou, à défaut, immédiatement supérieur à celui qu'il détenait dans son grade de détachement. Lorsque le cadre d'emplois d'origine ne dispose pas d'un grade équivalent à celui détenu dans le corps ou cadre d'emplois de détachement, il est classé dans le grade dont l'indice sommital est le plus proche de l'indice sommital du grade de détachement et à l'échelon comportant un indice égal ou, à défaut, immédiatement supérieur à celui qu'il détenait dans son grade de détachement. (...) ".
7. Il résulte des dispositions précitées de l'article 67 de la loi du 26 janvier 1984, compte tenu en particulier des finalités poursuivies par le législateur lorsqu'il a adopté la loi du 3 août 2009, qui étaient d'encourager la mobilité des fonctionnaires, que le grade détenu par un fonctionnaire dans le corps d'accueil à l'issue de son détachement doit être pris en compte pour déterminer le grade auquel il est réintégré, que ce grade résulte des conditions de son intégration dans le corps d'accueil ou d'une promotion dont il a bénéficié dans ce corps.
8. Par ailleurs il n'est pas contesté que l'arrêté du 1er septembre 2014 du Premier président de la Cour des comptes portant détachement et classement de M. B... au 5ème échelon du grade de premier conseiller de chambre régionale des comptes, avec l'indice brut 1021, est devenu définitif et constitue un acte créateur de droit pour l'intéressé, dont la légalité ne peut être remise en cause par la Ville de Paris.
9. Il suit de ce qui a été dit aux points 7 et 8 qu'en refusant de tenir compte du grade détenu par M. B... dans le corps de détachement pour déterminer le grade et l'échelon de sa réintégration, la ville de Paris a entaché la décision révélée par la fiche de paye du mois d'octobre 2017 d'une erreur de droit, comme l'ont considéré les premiers juges. Par suite l'appel principal de la ville de Paris doit être rejeté.
En ce qui concerne l'appel incident :
10. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ". L'article L. 911-2 du même code dispose que : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. ".
11. Compte tenu du motif de l'annulation de la décision en litige, il appartient à la ville de Paris, d'apprécier quel est le grade du corps des administrateurs de la ville de Paris qui doit être regardé comme équivalent à celui de premier conseiller de chambres régionales des comptes, pour l'application des dispositions précitées du décret du 13 janvier 1986 et d'en tirer les conséquences en matière d'échelon. Il n'appartient pas à la Cour de procéder à cette appréciation à la place de la ville de Paris, dans le présent litige. Ainsi l'exécution de la décision juridictionnelle confirmée par la Cour n'implique pas nécessairement, au sens de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, la réintégration de M. B... au grade et à l'échelon qu'il revendique. Par suite M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que leur jugement impliquait seulement que la ville de Paris procède au réexamen de sa situation et se prononce de nouveau sur son reclassement à la date du 1er octobre 2017, et ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à la ville de Paris de prononcer sa réintégration au 7ème échelon ou, subsidiairement, au 6ème échelon du grade des administrateurs hors-classe de la ville de Paris doivent être rejetées.
Sur la demande d'injonction et d'exécution du jugement :
12. Il résulte de l'instruction qu'en exécution de l'injonction de réexamen prononcée par le Tribunal, la ville de Paris a, par un arrêté du 26 septembre 2019, réexaminé la situation de M. B... et procédé à son reclassement dans le corps des administrateurs au 1er octobre 2017. Dès lors que le jugement n° 1719877/2-3 du 18 juillet 2019 a été ainsi entièrement exécuté, les conclusions de M. B... demandant à la Cour de prononcer une injonction assortie d'une astreinte et de la mise en oeuvre de l'intérêt au taux légal majoré ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. B..., qui n'est pas, dans l'instance 19PA02998, la partie perdante, le versement de la somme que la ville de Paris demande au titre des frais liés à l'instance. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la ville de Paris une somme de 1 500 euros à verser à M. B... sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la ville de Paris est rejetée.
Article 2 : La ville de Paris versera à M. B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de M. B... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la ville de Paris et à M. C... B....
Délibéré après l'audience du 13 avril 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- Mme A..., président assesseur,
- M. Aggiouri, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 mai 2021.
Le rapporteur,
P. A...Le président,
C. JARDIN
Le greffier,
C. BUOTLa République mande et ordonne à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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Nos 19PA02998, 20PA01103