Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 17 août 2019, le 20 février 2020 et le 30 mars 2020, le centre hospitalier territorial Gaston Bourret, représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler l'article 1er du jugement n° 1800495 du 16 mai 2019 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme D... devant le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;
3°) de mettre à la charge de Mme D... le versement de la somme de 3 352 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision attaquée n'ayant pas le caractère d'une sanction disciplinaire, elle n'avait pas à être précédée d'une procédure contradictoire préalable ;
- Mme D... a elle-même fait obstacle au déroulement de l'entretien préalable à cette décision ;
- les faits graves reprochés à Mme D... justifiaient une suspension.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 21 décembre 2019 et le 3 mars 2020, Mme D..., représentée par la SELARL de Greslan-Lentignac, conclut au rejet de la requête et à ce que le versement la somme de 500 000 francs XPF soit mis à la charge du centre hospitalier territorial sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par le centre hospitalier ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie ;
- la délibération n° 139/CP du 26 mars 2004 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les conclusions de Mme Stoltz-Valette, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., praticien hospitalier exerçant ses fonctions dans le service d'ophtalmologie du centre hospitalier territorial (CHT) Gaston Bourret de Nouvelle-Calédonie, a fait l'objet le 26 novembre 2018 d'une décision de suspension de ses fonctions à titre conservatoire. Le CHT fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, saisi par Mme D..., a annulé cette décision.
2. Aux termes de l'article 57 de la délibération n° 139/CP du 26 mars 2004 portant statut des praticiens des établissements hospitaliers de la Nouvelle-Calédonie : " En cas de comportement incompatible avec l'exercice de sa mission, le praticien peut être immédiatement suspendu à titre conservatoire par le directeur de l'établissement pour une durée maximum de six mois. / Dans ce cas, le directeur de l'établissement informe dans les 24 heures le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie qui saisit la commission ad hoc. / Toutefois, lorsque le praticien fait l'objet de poursuites pénales, la suspension peut être prolongée pendant toute la durée de la procédure. / Le praticien suspendu conserve les émoluments mentionnés au 1. de l'article 15. / Toutefois, lorsqu'une décision de justice lui interdit d'exercer, ses émoluments subissent une retenue, qui ne peut excéder la moitié de leur montant. / Lorsque le praticien, à l'issue de la procédure disciplinaire n'a été frappé d'aucune sanction ou n'a fait l'objet que d'un avertissement ou d'un blâme, il a droit au remboursement des retenues opérées sur son traitement. (...) ".
3. Pour annuler la décision attaquée, les premiers juges ont considéré qu'en transmettant à Mme D... des pièces relatives aux faits lui étant reprochés et en la convoquant à un entretien à l'issue duquel il pourra être envisagé une suspension à titre conservatoire, le CHT, qui n'y était pas tenu, a choisi de mettre en oeuvre une procédure contradictoire qu'il lui appartenait en conséquence de respecter, et qu'en l'espèce cette procédure n'avait pas été respectée dès lors que la suspension de Mme D... avait été prononcée en dépit de son absence à cet entretien.
4. Il est constant qu'aucun principe ni aucune disposition de la délibération précitée du 26 mars 2004 ne soumet la suspension conservatoire d'un praticien hospitalier à une procédure contradictoire. Quand bien même elle a été envoyée à une date à laquelle l'intéressée était en congés, la convocation de Mme D... à un entretien dans la perspective d'une telle suspension n'a pas eu pour objet, ni pour effet, d'instaurer une procédure dont le CHT aurait ensuite été tenu de respecter les règles. Dans ces conditions le CHT est fondé à soutenir que Mme D... ne pouvait utilement se prévaloir du non-respect de cette procédure et que c'est à tort que les premiers juges ont retenu ce moyen pour annuler la décision contestée.
5. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme D... devant le Tribunal administratif et la Cour.
6. La suspension d'un praticien hospitalier sur le fondement des dispositions précitées de la délibération n° 139/CP du 26 mars 2004 constitue une mesure à caractère conservatoire, prise dans le but de préserver l'intérêt du service. Elle peut être prononcée dès lors que les faits imputés à l'intéressé présentent un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité.
7. En l'espèce il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport établi le 29 juin 2018 par la mission de diagnostic relatif à la qualité des relations de travail diligentée par le CHT au sein du service d'ophtalmologie, laquelle a recueilli des témoignages concordants de la majorité des personnels affectés dans ce service, que le comportement professionnel inapproprié imputé à Mme D... revêtait un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité. Par suite Mme D..., qui ne peut utilement se prévaloir de l'absence d'urgence de la situation du service, n'est pas fondée à soutenir que cette décision serait entachée d'une erreur d'appréciation.
8. Il résulte de tout ce qui précède que le CHT est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a annulé la décision du 26 novembre 2018 prononçant la suspension de Mme D....
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du CHT, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme D... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme D... le versement de la somme que le CHT demande sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 1er du jugement n° 1800495 du 16 mai 2019 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie est annulé.
Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par Mme D... devant le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie auxquelles ce jugement a fait droit ainsi que ses conclusions présentées en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions du centre hospitalier territorial Gaston Bourret de Nouvelle-Calédonie présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier territorial (CHT) Gaston Bourret de Nouvelle-Calédonie et à Mme A... D....
Délibéré après l'audience du 9 février 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- Mme B..., président assesseur,
- M. Aggiouri, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 février 2021.
Le rapporteur,
P. B...Le président,
C. JARDIN
Le greffier,
C. MONGISLa République mande et ordonne au ministre des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 19PA02738 2