Par une décision du 10 janvier 2017, la commission départementale d'aide sociale de la Moselle a réformé la décision du 2 juin 2016 du président du conseil départemental de la Moselle en ramenant à 200 euros la participation mensuelle globale laissée à la charge des obligés alimentaires de Mme A... à compter du 1er octobre 2016 et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 22 mars et 2 novembre 2017, les 13 août et 26 septembre 2020, Mme D... demande à la Cour :
1°) d'annuler la décision du 10 janvier 2017 de la commission départementale d'aide sociale de la Moselle en tant qu'elle a laissé à sa charge en sa qualité d'obligée alimentaire de Mme A... une participation financière supérieure à 100 euros ;
2°) d'annuler la décision du 2 juin 2016 du président du conseil départemental de la Moselle lui demandant de s'engager à verser une somme mensuelle supérieure à 100 euros au titre des frais d'hébergement de Mme A... ;
3°) de diminuer le montant de sa participation financière aux frais d'hébergement de sa mère, Mme A..., admise à l'aide sociale à la somme de 100 euros et de laisser la même somme à la charge des deux autres obligés alimentaires.
Elle soutient que :
- si elle est la seule enfant à s'occuper de sa mère, elle ne saurait être la seule obligée alimentaire à verser une participation financière au titre de ses frais d'hébergement en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) alors que sa mère a deux autres enfants ;
- elle propose de participer à hauteur de 100 euros ;
- elle a saisi le juge aux affaires familiales ;
- elle est dans l'impossibilité de prouver que ses frères peuvent participer financièrement aux frais d'hébergement de leur mère en EHPAD.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 13 mai 2019, 10 septembre 2020 et 22 octobre 2020, le département de la Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- il a fait une juste appréciation des besoins de Mme A... en tenant compte des possibilités contributives de ses débiteurs d'aliments et il n'a fait qu'une proposition de répartition du montant de l'obligation alimentaire ; il n'a pas autorité pour fixer une répartition du montant de l'obligation alimentaire entre les débiteurs d'aliments et il appartient au tuteur de Mme A... de saisir le juge aux affaires familiales qui est le seul compétent pour fixer cette répartition.
Par un mémoire, enregistré le 2 octobre 2020, le département de la Moselle demande à la Cour de prononcer un non-lieu à statuer sur les conclusions présentées par Mme D....
Il soutient que Mme A... étant décédée le 3 mai 2019, le présent litige est devenu sans objet.
Par un courrier du 6 novembre 2020, les parties ont été informées que la Cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de ce que le président du conseil départemental de la Moselle a méconnu le champ de sa compétence en assignant à Mme D... une participation financière aux frais d'hébergement de sa mère de 300 euros par mois à compter de la date de l'admission de cette dernière à l'aide sociale, sauf à ce qu'elle s'engage conjointement avec les autres obligés alimentaires à payer ensemble la somme de 300 euros à compter de la même date.
Par un mémoire en réponse aux moyens d'ordre public, enregistré le 9 novembre 2020, le président du conseil départemental de la Moselle maintient ses conclusions.
Il soutient, en outre, que :
- il n'a pas méconnu le champ de sa compétence en faisant une proposition de répartition auprès des obligés alimentaires ; il a fixé la proportion de l'aide consentie par la collectivité publique en tenant compte du montant de la participation éventuelle des personnes tenues à l'obligation alimentaire, conformément à l'article L. 132-6 du code de l'action sociale et des familles ; à cette occasion il a estimé que les ressources de Mme D... lui permettent de participer aux frais d'hébergement de sa mère ;
- il aurait pu, comme le prévoit l'article L. 132-7 du code de l'action sociale et des familles, saisir le juge aux affaires familiales ; cependant il s'agit d'une action subrogatoire intentée par le président du conseil départemental dans l'intérêt de l'assistée et non dans celui de la collectivité, il s'agit ainsi pour le département d'une simple faculté et non d'une obligation.
Vu les autres pièces du dossier.
Par un arrêt en date du 18 février 2020, la chambre sociale de la Cour d'appel de Metz a transmis le jugement de la requête de Mme D... à la Cour administrative d'appel de Paris où elle a été enregistrée le 16 mars 2020.
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'action sociale et des familles ;
- la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 ;
- le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 ;
- le code de justice administrative ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E...,
- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Il résulte de l'instruction que Mme A..., née le 4 mai 1925 et décédée le 2 mai 2019, placée sous la tutelle de sa fille Mme D... depuis le 17 octobre 2012, était hébergée au sein de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Pavillon du Soleil à Behren-lès-Forbach depuis octobre 2011. Pour la période comprise entre la date de son entrée au sein de cet établissement et le 30 septembre 2016, Mme A... a bénéficié d'une prise en charge partielle de ses frais d'hébergement au sein de cet EHPAD, une participation financière mensuelle de 65 euros étant laissée à la charge de ses obligés alimentaires. Il n'est pas contesté par le département que Mme D..., un des trois enfants de Mme A..., versait la totalité de cette participation financière. Par une décision du 2 juin 2016, le président du conseil départemental de la Moselle a accordé, pour la période comprise entre le 1er octobre 2016 et le 30 septembre 2021, le renouvellement de l'aide sociale pour la prise en charge partielle des frais d'hébergement de Mme A... et a laissé à la charge de ses obligés alimentaires une participation financière mensuelle de 300 euros. Le président du conseil départemental de la Moselle a adressé à Mme D... la copie de cette décision à laquelle était jointe un " coupon-réponse " qu'il lui a enjoint de lui renvoyer signé avant le 1er juin 2016, dont les mentions pré-remplies ouvraient à la requérante trois options, c'est-à-dire soit celle de s'engager à verser une participation financière aux frais d'hébergement de sa mère fixée à 300 euros par mois pour la période comprise entre le 1er octobre 2015 et le 30 septembre 2020, soit de s'engager conjointement avec les autres obligés alimentaires à payer ensemble la somme de 300 euros fixée par le département, soit de saisir la commission départementale d'aide sociale. Mme D... a refusé de verser la participation financière de 300 euros demandée par le conseil départemental et a choisi la troisième option ouverte par le département, en saisissant ainsi la commission départementale d'aide sociale de la Moselle. Par une décision du 10 janvier 2017, la commission départementale d'aide sociale de la Moselle a réformé la décision du 2 juin 2016 du président du conseil départemental de la Moselle en ramenant à 200 euros la participation mensuelle globale laissée à la charge des obligés alimentaires de Mme A... à compter du 1er octobre 2016 et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Par un courrier en date du 7 mars 2017, le président du conseil départemental de la Moselle a notifié à Mme D... la décision du 10 janvier 2017 de la commission départementale d'aide sociale de la Moselle et l'a " informée de la nouvelle répartition de la part laissée à la charge des obligés alimentaires soit 200 euros à la charge de Mme D... ", ses deux frères étant dispensés de toute participation financière. Par la présente requête, Mme D... relève appel de la décision du 10 janvier 2017 de la commission départementale d'aide sociale de la Moselle en tant qu'elle a laissé à sa charge en sa qualité d'obligée alimentaire de Mme A... une participation financière de 200 euros.
2. Compte tenu des circonstances particulières rappelées au point 1 et des termes de sa requête, par laquelle Mme D... demande l'annulation de la décision du conseil départemental de la Moselle lui intimant de s'engager à participer à hauteur de 200 euros aux frais d'hébergement de sa mère, la requérante doit être regardée comme demandant l'annulation de la décision du 2 juin 2016 révélée par le " coupon-réponse " joint à la décision du même jour admettant partiellement Mme A... à l'aide sociale à l'hébergement pour personnes âgées, par laquelle le département de la Moselle lui a enjoint de lui renvoyer signé ce " coupon-réponse " lui ouvrant pour seules options, soit de s'engager à verser la somme de 300 euros au titre des frais d'hébergement de sa mère chaque mois du 1er octobre 2015 au 30 septembre 2020, soit de s'engager conjointement avec les autres obligés alimentaires à payer ensemble la somme de 300 euros fixée par le département, sauf à saisir la commission départementale d'aide sociale pour contester cette injonction, et réformée par la décision du 10 janvier 2017 de la commission départementale d'aide sociale de la Moselle qui a ramené la somme de 300 euros à 200 euros.
Sur les conclusions aux fins de non-lieu présentées par le président du conseil départemental :
3. Il résulte de l'instruction que postérieurement à l'introduction de la requête de Mme D..., Mme A... est décédée le 2 mai 2019. Toutefois, ce décès n'a pas pour effet de priver d'objet les conclusions de la requête de Mme D... tendant à l'annulation de la décision du 10 janvier 2017 de la commission départementale d'aide sociale de la Moselle en tant qu'elle a laissé à sa charge en sa qualité d'obligée alimentaire de Mme A... une participation financière de 200 euros et de la décision du 2 juin 2016 du président du conseil départemental de la Moselle en tant que cette décision a laissé à sa seule charge en sa qualité d'obligée alimentaire une participation financière mensuelle aux frais d'hébergement en EHPAD de Mme A... à compter du 1er octobre 2016. Par suite, les conclusions aux fins de non-lieu présentées par le président du conseil départemental doivent être rejetées.
Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 2 juin 2016 du conseil départemental de la Moselle exigeant de Mme D... le versement de la somme de 300 euros au titre de sa participation en sa qualité d'obligée alimentaire aux frais d'hébergement de sa mère :
4. Aux termes de l'article 205 du code civil : " Les enfants doivent des aliments à leurs père et mère ou autres ascendants qui sont dans le besoin ". L'article 208 du même code précise que : " Les aliments ne sont accordés que dans la proportion du besoin de celui qui les réclame, et de la fortune de celui qui les doit ". Aux termes de l'article L. 132-6 du code de l'action sociale et des familles : " Les personnes tenues à l'obligation alimentaire instituée par les articles 205 et suivants du code civil sont, à l'occasion de toute demande d'aide sociale, invitées à indiquer l'aide qu'elles peuvent allouer aux postulants et à apporter, le cas échéant, la preuve de leur impossibilité de couvrir la totalité des frais. / (...) / (...) / La proportion de l'aide consentie par les collectivités publiques est fixée en tenant compte du montant de la participation éventuelle des personnes restant tenues à l'obligation alimentaire. La décision peut être révisée sur production par le bénéficiaire de l'aide sociale d'une décision judiciaire rejetant sa demande d'aliments ou limitant l'obligation alimentaire à une somme inférieure à celle qui avait été envisagée par l'organisme d'admission. La décision fait également l'objet d'une révision lorsque les débiteurs d'aliments ont été condamnés à verser des arrérages supérieurs à ceux qu'elle avait prévus. ".
5. En application de ces dispositions, il n'appartient qu'à l'autorité judiciaire d'assigner à chacune des personnes tenues à l'obligation alimentaire le montant et la date d'exigibilité de leur participation à ces dépenses.
6. Par suite, s'il appartenait au conseil départemental de la Moselle de fixer le montant de la contribution des obligés alimentaires de Mme A... pour vérifier si leur participation, ajoutée aux ressources propres de l'intéressée, permettait de couvrir ses frais d'hébergement, il ne pouvait en revanche, sans méconnaître le champ de sa compétence, assigner à Mme D... une participation financière aux frais d'hébergement de sa mère à hauteur de 300 euros par mois à compter de la date de l'admission de cette dernière à l'aide sociale, sauf à ce qu'elle s'engage conjointement avec les autres obligés alimentaires à payer ensemble la somme de 300 euros à compter de la même date.
7. Il suit de là que Mme D... est fondée à demander l'annulation de la décision du 2 juin 2016, révélée par le " coupon-réponse " joint à la décision du même jour admettant partiellement Mme A... à l'aide sociale à l'hébergement pour personnes âgées et évaluant à la somme globale de 300 euros la participation mensuelle laissée à la charge de l'ensemble des obligés alimentaires de Mme A..., par laquelle le conseil départemental de la Moselle a enjoint à la requérante de s'engager à verser chaque mois la somme de 300 euros au titre de sa participation en sa qualité d'obligée alimentaire aux frais d'hébergement de sa mère à compter de la date d'admission de cette dernière à l'aide sociale, sauf à s'engager conjointement avec les autres obligés alimentaires à contribuer ensemble à ces frais à hauteur de 300 euros par mois ainsi que, par voie de conséquence, la décision de la du 10 janvier 2017 de la commission départementale d'aide sociale de la Moselle.
Sur les conclusions tendant à ce que la Cour réduise le montant de la participation financière aux frais d'hébergement de Mme A... assignée à Mme D... à la somme de 100 euros et fixe le même montant à la charge des deux autres obligés alimentaires de Mme A... :
8. Comme il a déjà été dit, seul le juge judiciaire est compétent pour assigner à Mme D... le montant et la date d'exigibilité de sa participation aux frais d'hébergement de sa mère. Par suite, si Mme D... entend demander à la Cour de fixer la répartition de la contribution financière évaluée à 300 euros par le conseil départemental de la Moselle entre les trois obligés alimentaires de Mme A..., ces conclusions sont portées devant une juridiction incompétente pour en connaître. Au demeurant, il résulte de l'instruction que Mme D..., qui par ailleurs a proposé au département de verser mensuellement 100 euros au titre de sa participation financière aux frais d'hébergement de sa mère, a saisi le juge aux affaires familiales afin que soit fixé le montant de sa contribution en sa qualité d'obligé alimentaire.
DÉCIDE :
Article 1er : Les conclusions aux fins de non-lieu présentées par le président du conseil départemental de la Moselle sont rejetées.
Article 2 : La décision du 10 janvier 2017 de la commission départementale d'aide sociale de la Moselle et la décision du 2 juin 2016 par laquelle le président du conseil départemental de la Moselle a enjoint à Mme D... de s'engager à verser chaque mois la somme de 300 euros au titre des frais d'hébergement de sa mère à compter de la date d'admission de cette dernière à l'aide sociale, sauf à s'engager conjointement avec les autres obligés alimentaires à contribuer ensemble à ces frais à hauteur de 300 euros par mois, sont annulées.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme D... est rejeté comme porté devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D... et au département de la Moselle.
Délibéré après l'audience du 12 novembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Luben, président,
- Mme Collet, premier conseiller,
- Mme E..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 décembre 2020.
Le président de la formation de jugement,
I. LUBEN
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA01047