Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 27 juillet 2020 et 15 juin 2021, la société Lacoste France, représentée par Me Choffel, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1817866/2-2 du 28 mai 2020 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler ou, à défaut, de réformer la décision du 11 avril 2018 de la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) d'Ile-de-France lui infligeant une amende administrative d'un montant de
50 000 euros, ensemble la décision du 9 août 2018 du ministre de l'économie et des finances rejetant son recours hiérarchique.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé quant à la réponse apportée au moyen tiré de ce que la sanction administrative prononcée à son encontre est manifestement disproportionnée aux manquements constatés ;
- la DIRECCTE a méconnu le principe d'impartialité, qui est un principe général du droit, énoncé par l'article 6 §1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que la méthode de sélection des factures contrôlées, lors de l'analyse comptable comme lors du contrôle sur pièces, est inexpliquée et ne permet pas de s'assurer de la représentativité de l'échantillon de factures retenu ; les explications de l'administration sont contradictoires ; l'administration ne peut opportunément tirer deux fois arguments des mêmes factures, sans biaiser le résultat du contrôle ; le contrôle des 100 factures aboutit à des manquements pour 73 % de ces factures, ce qui contredit les moyennes significativement plus basses établies sur la base de l'analyse comptable ;
- la sanction est insuffisamment motivée, notamment quant à son quantum au regard de la gravité des manquements reprochés ; cette insuffisance de motivation l'expose à un risque d'arbitraire ;
- les premiers juges ne pouvaient pas, sans entacher leur jugement d'une contradiction de motifs, estimer que l'administration a motivé, en des termes suffisamment précis et exhaustifs, les motifs et les critères qui l'ont conduite à lui infliger la sanction en litige, tout en retenant que l'appréciation de l'administration sur la gravité des manquements n'est pas motivée en fonction d'une grille de critères précis ;
- la sanction est disproportionnée aux manquements constatés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 mai 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive 2011/7/UE du 16 février 2011 ;
- le code de commerce ;
- le code monétaire et financier ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Larsonnier,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,
- les observations de Me Kerjouan, avocat de la société Lacoste Opérations et de Mme A..., représentante du ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Considérant ce qui suit :
1. A la suite d'un contrôle portant sur le respect par la société Lacoste France de la législation relative aux délais de paiement, les services de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) d'Ile-de-France ont dressé le 7 août 2017 un procès-verbal constatant des manquements de la société aux 9ème et 11ème alinéas du I de l'article L. 441-6 du code de commerce sur la période du 1er mai 2014 au 30 avril 2015. La DIRECCTE a ensuite informé la société le 21 novembre 2017 de ce qu'elle envisageait de prononcer à son encontre une amende administrative d'un montant de 50 000 euros. Par une décision du 11 avril 2018, la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation et de l'emploi d'Ile-de-France lui a infligé une amende administrative d'un montant de 50 000 euros. Par une décision du 9 août 2018, le ministre de l'économie et des finances a rejeté le recours hiérarchique formé par la société Lacoste France contre cette sanction. Par un jugement du 28 mai 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la société Lacoste France tendant à l'annulation ou à la réformation des décisions des 11 avril et 9 août 2018. La société Lacoste France relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort des points 7 à 13 du jugement attaqué qu'après avoir cité les neuvième et onzième alinéas du I et les V et VI de l'article L. 441-6 du code de commerce, les premiers juges ont relevé qu'au cours de la période du 1er mai 2014 au 30 avril 2015 sur laquelle s'est effectué le contrôle de l'administration, 387 factures du périmètre retenu par l'administration ont été payées avec retard, représentant un montant total payé en retard de 889 007,10 euros, une rétention de trésorerie de 76 715,36 euros et un retard de paiement moyen pondéré de 44,1 jours s'agissant des factures de frais généraux et de 13,88 jours s'agissant des factures de transport et qu'ils ont écarté l'ensemble des branches du moyen tiré du caractère disproportionné de la sanction litigieuse en exposant de manière suffisamment précise leur raisonnement. Ils ont déduit de l'ensemble de ces éléments que les manquements à la législation sur les délais de paiement commis par la société Lacoste France étaient d'un degré de gravité justifiant le prononcé d'une amende de 50 000 euros. Par suite, les premiers juges ont ainsi suffisamment motivé leur jugement quant à leur réponse apportée au moyen tiré du caractère disproportionné de la sanction prononcée à l'encontre de la société Lacoste France.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Aux termes des huitième, neuvième et onzième alinéas du I de l'article L. 441-6 du code de commerce, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : " Sauf dispositions contraires figurant aux conditions de vente ou convenues entre les parties, le délai de règlement des sommes dues est fixé au trentième jour suivant la date de réception des marchandises ou d'exécution de la prestation demandée. / Le délai convenu entre les parties pour régler les sommes dues ne peut dépasser quarante-cinq jours fin de mois ou soixante jours à compter de la date d'émission de la facture. En cas de facture périodique, au sens du 3 du I de l'article 289 du code général des impôts, ce délai ne peut dépasser quarante-cinq jours à compter de la date d'émission de la facture. / (...) / Nonobstant les dispositions précédentes, pour le transport routier de marchandises, pour la location de véhicules avec ou sans conducteur, pour la commission de transport ainsi que pour les activités de transitaire, d'agent maritime et de fret aérien, de courtier de fret et de commissionnaire en douane, les délais de paiement convenus ne peuvent en aucun cas dépasser trente jours à compter de la date d'émission de la facture ".
4. Aux termes du VI du même article dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : " Sont passibles d'une amende administrative dont le montant ne peut excéder 75 000 euros pour une personne physique et 375 000 euros pour une personne morale le fait de ne pas respecter les délais de paiement mentionnés aux huitième, neuvième et onzième alinéas du I du présent article, le fait de ne pas indiquer dans les conditions de règlement les mentions figurant à la première phrase du douzième alinéa du même I, le fait de fixer un taux ou des conditions d'exigibilité des pénalités de retard selon des modalités non conformes à ce même alinéa ainsi que le fait de ne pas respecter les modalités de computation des délais de paiement convenues entre les parties conformément au neuvième alinéa dudit I. L'amende est prononcée dans les conditions prévues à l'article L. 465-2. (...) ". Le V de l'article L. 465-2 du même code, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce, dispose : " La décision prononcée par l'autorité administrative peut être publiée ". Aux termes de l'article R. 465-2 du même code : " (...) / III.-La publication prévue au V de l'article L. 465-2 peut être effectuée par voie de presse, par voie électronique, ou par voie d'affichage. La publication peut porter sur tout ou partie de la décision, ou prendre la forme d'un communiqué informant le public des motifs et du dispositif de cette décision. La diffusion de la décision est faite au Journal officiel de la République française, par une ou plusieurs autres publications de presse, ou par un ou plusieurs services de communication au public par voie électronique. Les publications ou les services de communication au public par voie électronique chargés de cette diffusion sont désignés dans la décision. Ils ne peuvent s'opposer à cette diffusion. (...). Les modalités de la publication sont précisées dans la décision prononçant l'amende ".
En ce qui concerne la méconnaissance du principe d'impartialité :
5. Si les poursuites engagées par la DIRECCTE en vue d'infliger les sanctions financières prévues à l'article L. 441-6 du code de commerce, dans sa rédaction applicable au litige, sont des accusations en matière pénale, au sens de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il n'en résulte pas que la procédure de sanction doive respecter les stipulations de cet article, dès lors, d'une part, que les autorités en charge d'infliger ces sanctions ne peuvent être regardées comme un tribunal, au sens des stipulations de cet article, et, d'autre part, que la décision de sanction peut faire l'objet d'un recours de plein contentieux devant la juridiction administrative, devant laquelle la procédure est en tous points conforme aux exigences de l'article 6 précité. Toutefois, dans l'exercice des pouvoirs de contrôle et de sanction qu'elle tient de l'article L. 465-2 du code de commerce, la DIRECCTE est tenue de se conformer au principe d'impartialité, principe général du droit s'imposant à tous les organismes administratifs.
6. Il résulte de l'instruction, notamment du procès-verbal établi par l'inspecteur de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes le 7 août 2017, qu'après avoir vérifié la fiabilité des enregistrements comptables du grand-livre comptable de la société Lacoste France en les recoupant notamment avec 100 factures communiquées par la société à la demande de l'administration, le contrôle a été effectué à partir du grand-livre comptable sur la période du 1er mai 2014 au 30 avril 2015. Après avoir écarté les factures concernant les fournisseurs étrangers, les règlements au profit de l'URSSAF et du Trésor public, les avoirs, les " remboursements consommateurs " et les factures des fournisseurs intragroupes, le service a vérifié les 1 603 factures restant dans le périmètre d'analyse. A la suite des observations présentées par la société les 18 mars et 20 juillet 2016, le service a également écarté des écritures comptables des factures considérées comme litigieuses, des factures saisies deux fois, les factures réglées par prélèvement, les factures ayant fait l'objet d'une compensation, les factures de transport réglées avant le 20 juin 2014 et les factures dont les retards étaient justifiés par le calendrier d'échéance (date de règlement survenu un jour non ouvré).
7. Il restait ainsi dans le périmètre d'analyse 1 101 factures (927 factures hors transport et 174 factures transport) comme cela ressort du procès-verbal du 7 août 2017. La vérification effectuée de ces 1 101 factures a mis en évidence que 387 factures (304 factures hors transport et 83 factures de transport) présentaient des retards de paiement pour lesquels les motifs invoqués par la société ont été considérés par l'administration comme ne permettant pas de justifier ces retards de paiement au regard des dispositions législatives applicables (visa tardif, retard de validation par les boutiques, facture non reçue ou égarée, congés en août). Afin de vérifier les constatations tenant aux retards de paiement résultant de l'examen des écritures comptables, le service a procédé au recoupement de 73 factures choisies de manière aléatoire parmi les
100 factures communiquées par la société au début du contrôle et identifiées comme ayant été payées en retard au terme de l'analyse comptable et des écritures comptables. Ce recoupement a confirmé les constatations issues de l'analyse du grand-livre comptable. Ainsi, la seule circonstance que ces 73 factures ont été vérifiées à deux reprises au regard du grand-livre comptable et ont présenté un taux de retard de 100 %, qui confirme comme il a été dit l'exactitude des données issues des enregistrements comptables de la société et donc la pertinence de l'analyse comptable opérée par l'administration, ne saurait par suite révéler un défaut d'impartialité de la part du service de contrôle qui, en tout état de cause, s'est fondé, pour retenir les manquements en cause, sur les seuls résultats de l'analyse comptable. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que plusieurs échanges ont eu lieu entre le service et la société dans le cadre de la procédure de vérification et que la société a présenté des observations les 18 mars et 20 juillet 2016 qui ont été prises en considération par l'inspecteur de la concurrence, de la consommation et de la répression de fraudes comme il a déjà été dit. Enfin, le procès-verbal du
7 août 2017 et l'ensemble des pièces du dossier sous format cédérom ont été joints à la lettre du 21 novembre 2017 de la DIRECCTE informant la société Lacoste France des manquements constatés lors du contrôle et de l'intention de l'administration de lui infliger une amende administrative de 50 000 euros.
8. Au vu de l'ensemble de ces éléments, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la procédure de contrôle, et en particulier la méthode retenue par le service pour délimiter le périmètre du contrôle et pour sélectionner les factures contrôlées sur pièces, ne lui aurait pas été présentée de manière précise. Par suite, c'est à juste titre que les premiers juges ont écarté le moyen tiré d'un défaut d'impartialité de la DIRECCTE dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle.
En ce qui concerne la motivation des décisions des 8 janvier et 9 août 2018 :
9. En premier lieu, aux termes du IV de l'article L. 470-2 du code de commerce dans sa version en vigueur à la date de la décision contestée : " (...) l'autorité administrative peut, par décision motivée, prononcer l'amende ".
10. La décision du 11 avril 2018 mentionne l'article L. 470-2 et les alinéas neuf et onze du I de l'article L. 441-6 du code de commerce qui constituent sa base légale. Elle se réfère au procès-verbal du 7 août 2017, qui détaille les manquements reprochés à la société requérante, à la lettre du 21 novembre 2017 par laquelle l'administration a informé la société de son intention de lui infliger une amende de 50 000 euros ainsi qu'au courrier du 19 janvier 2018 par lequel la société Lacoste France a présenté ses observations. Elle rappelle que s'agissant des factures relatives aux frais généraux, 304 factures sur un total de 927 factures contrôlées (soit 32,8 %) ont été payées avec retard pendant la période comprise entre le 1er mai 2014 et le 30 avril 2015, que les sommes payées avec retard représentent 20,1 % du montant facturé, que le retard de paiement moyen pondéré était de 44,10 jours et qu'il en avait résulté un avantage de trésorerie
de 62 001,15 euros. Elle indique que s'agissant des factures de transport, 83 factures sur un total de 174 factures contrôlées (soit 47,7 %) ont été payées avec retard pendant la période comprise entre le 1er mai 2014 et le 30 avril 2015, que les sommes payées avec retard représentent 35,1 % du montant facturé, que le retard de paiement moyen pondéré était de 13,88 jours et qu'il en avait résulté un avantage de trésorerie de 14 714,36 euros. Elle indique également que les factures de fournisseurs étrangers, les avoirs, les paiements au profit de l'URSSAF et du Trésor public, les remboursements consommateurs et les factures intragroupes ont été écartés, répond aux observations qui ont été formulées par la société Lacoste France et indique que certaines de ces observations ont été prises en considération. L'administration, qui n'était pas tenue de justifier précisément le quantum de l'amende, a fourni des éléments suffisants quant à la nature, la répétition et la gravité des faits qu'elle avait retenus pour que puisse être utilement appréciée la proportionnalité de la sanction. La décision comporte ainsi l'ensemble des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, Il s'ensuit que c'est à bon droit que les premiers juges, qui n'ont pas entaché leur jugement d'une contradiction de motifs en relevant, en réponse au moyen soulevé par la requérante, que la seule circonstance que l'appréciation de l'administration sur la gravité du manquement commis ne soit pas motivée en fonction d'une grille de critères précis, autres que ceux mentionnés précédemment, ne saurait suffire à caractériser un défaut de motivation, ont écarté le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision du 11 avril 2018.
11. En second lieu, une éventuelle insuffisance de motivation de la décision prise sur le recours hiérarchique est seulement susceptible de constituer un vice propre de cette décision. Ainsi, elle ne peut avoir d'incidence sur le bien-fondé de la sanction en litige.
En ce qui concerne le caractère disproportionné de la sanction :
12. Pour infliger à la société Lacoste France une amende d'un montant de 50 000 euros, la directrice des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France s'est fondée sur ce que, s'agissant des factures relatives aux frais généraux,
304 factures sur un total de 927 factures contrôlées (soit 32,8 %) ont été payées avec retard pendant la période comprise entre le 1er mai 2014 et le 30 avril 2015, les sommes payées avec retard d'un montant total de 506 131, 83 euros représentaient 20,1 % du montant facturé, le retard de paiement moyen pondéré était de 44,10 jours et il en avait résulté un avantage de trésorerie pour la société de 62 001,15 euros et sur ce que, s'agissant des factures de transport,
83 factures sur un total de 174 factures contrôlées (soit 47,7 %) ont été payées avec retard pendant la période comprise entre le 1er mai 2014 et le 30 avril 2015, les sommes payées avec retard d'un montant total de 382 875,27 euros représentaient 35,1 % du montant facturé, le retard de paiement moyen pondéré était de 13,88 jours et il en avait résulté pour la société un avantage de trésorerie de 14 714,36 euros.
13. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la méthode de vérification de la DIRECCTE décrite aux points 6 et 7 du présent arrêt, qui a notamment pris en considération les observations de la société, a permis de délimiter un périmètre d'analyse comptable pertinent et d'exercer un contrôle comptable sur 1 603 factures permettant à l'administration d'apprécier les éventuels manquements de la société Lacoste France quant au respect des délais légaux de paiement de ses fournisseurs. La société n'établit pas que les factures retenues ne seraient pas représentatives de son activité. La DIRECCTE n'était pas tenue d'examiner les conséquences des retards de paiement de la société sur ses fournisseurs dès lors qu'il ressort du
VI de l'article L. 441-6 du code de commerce cité au point 4 que les manquements sont constitués dès que les délais de paiement prévus par ce même article sont dépassés. La sélection ciblée d'un échantillon restreint de factures afin d'opérer un contrôle sur pièces n'a pu avoir pour effet, comme l'a relevé à juste titre le tribunal, de biaiser l'appréciation de l'administration, ni de donner une image artificiellement élevée de la gravité des manquements relevés, dès lors que le contrôle sur pièces n'a pas eu pour objet d'apprécier la gravité de ces manquements, mais seulement de confirmer l'exactitude des données issues de l'analyse comptable. La société Lacoste France ne conteste pas la réalité des retards de paiement et le dépassement des délais prévus par les neuvième et onzième alinéas de l'article L. 441-6 du code de commerce mis en évidence par l'analyse comptable.
14. En deuxième lieu, l'article L. 441-3 du code de commerce dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce dispose : " Tout achat de produits ou toute prestation de service pour une activité professionnelle doivent faire l'objet d'une facturation. / Sous réserve des deuxième et troisième alinéas du 3 du I de l'article 289 du code général des impôts, le vendeur est tenu de délivrer la facture dès la réalisation de la vente ou la prestation du service. L'acheteur doit la réclamer. La facture doit être rédigée en double exemplaire. Le vendeur et l'acheteur doivent en conserver chacun un exemplaire (...) ".
15. La société Lacoste France soutient que l'administration a retenu des retards de paiement dus à des factures qu'elle n'avait pas reçues ou qui l'ont été tardivement et que, dès lors, ces retards ne lui sont pas imputables.
16. Il résulte toutefois des dispositions précitées du code de commerce que la société était tenue de réclamer auprès de ses fournisseurs les factures qu'elle n'aurait pas reçues ou qui ont été égarées afin de pouvoir les régler dans les délais légaux qui lui étaient impartis. Si elle soutient que les factures pour lesquelles elle a réclamé un duplicata auraient dû être écartées du contrôle, elle ne précise pas quelles seraient ces factures. Par suite, la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France n'a pas commis d'erreur de droit en n'écartant pas les factures et les retards de paiement en cause.
17. En troisième lieu, la société requérante soutient que les retards de paiement de ses fournisseurs dus aux congés de son personnel au mois d'août ainsi que des dysfonctionnements dans le processus de validation des factures ne peuvent lui être reprochés. Cependant, il lui appartenait de prendre des mesures d'organisation interne lui permettant de régler ses fournisseurs dans le respect des délais de paiement fixés par l'article L. 441-6 du code de commerce. Par suite, cette circonstance n'est pas de nature à atténuer la gravité des manquements relevés à l'encontre de la requérante.
18. En quatrième lieu, les dispositions de l'article L. 511-5 du code monétaire et financier selon lesquelles " une entreprise, quelle que soit sa nature, " peut " dans l'exercice de son activité professionnelle consentir à ses contractants des délais ou avances de paiement ", doivent être conciliées avec les dispositions de l'article L. 441-6 du code de commerce citées au point 3 du présent arrêt et ne peuvent être interprétées comme autorisant des délais de paiement supérieurs aux délais prévus par ces dernières dispositions. Par suite, l'administration n'avait pas à rechercher si certains fournisseurs de la société Lacoste France lui avaient accordé des délais de règlement supérieurs aux délais légaux. Au surplus, cette circonstance ne résulte pas de l'instruction.
19. En cinquième lieu, le manquement reproché à la société Lacoste France prévu par le VI de l'article L. 441-6 du code de commerce cité au point 3 du présent arrêt est constitué, comme il a déjà été dit, du seul fait de ne pas respecter les délais de paiement mentionnés aux huitième, neuvième et onzième alinéas du I de ce même article sans qu'un élément intentionnel soit nécessaire à la caractérisation de ce manquement. Par suite, la circonstance que la société Lacoste France n'aurait pas mis en œuvre de stratégie délibérée tendant à retarder le paiement de ses factures fournisseurs aux fins de constituer des facilités de trésorerie est sans influence tant sur le bien-fondé de la sanction administrative que sur son quantum.
20. En sixième lieu, la directive 2011/7/UE du 16 février 2011, transposée en droit interne par l'article 121 de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l'allègement des démarches administratives, se borne à fixer des objectifs aux Etats membres de l'Union européenne en matière de lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales tout en précisant que les Etats membres peuvent maintenir ou adopter des dispositions plus favorables aux créanciers. Par suite, la circonstance qu'en fixant des délais maximaux de paiement auxquels il ne peut être dérogé contractuellement, le législateur est allé au-delà des objectifs de la directive 2011/7/UE du 16 février 2011 ne rend pas les dispositions de l'article L. 441-6 du code de commerce incompatibles avec cette directive.
21. En septième lieu, les moyens tirés de ce que la société Lacoste France n'a jamais fait l'objet d'aucune condamnation, ni de rappel à l'ordre en matière de délais de paiement et que, dès lors, la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France aurait dû opter pour une sanction à visée pédagogique ou à tout le moins pour une sanction moins lourde, de ce que la société mène depuis 2015 une politique de réduction de ses délais de paiement, déjà développés dans la demande de première instance de la société Lacoste France ne sont pas assortis en appel d'éléments nouveaux. Dès lors il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal, d'écarter ces moyens repris en appel par la société Lacoste France.
22. En huitième lieu, il résulte de l'instruction que la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France a également infligé à l'encontre de la société mère de la société Lacoste France, la société Lacoste Opérations, une amende de 250 000 euros assortie de la publication de cette sanction sur le site internet de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) pendant une durée de six mois pour avoir méconnu les mêmes dispositions du code de commerce. La requérante soutient que la DIRECCTE se serait fondée sur des factures identiques pour constater les manquements retenus à l'encontre de la société Lacoste Opérations et de la société Lacoste France et verse au dossier la liste des fournisseurs communs aux deux sociétés avec des références de factures. Cette seule liste ne permet toutefois pas à la Cour d'identifier les factures en cause en l'absence de tout recoupement avec les factures contrôlées dans le cadre des procédures diligentées à l'égard des sociétés Lacoste France et Lacoste Opérations. Les sanctions administratives infligées à la société Lacoste France et à la société Lacoste Opérations, qui sont des sociétés juridiquement distinctes comme il a déjà été dit, doivent donc être regardées comme visant à réprimer les manquements distincts à la législation sur les délais excessifs de paiement commis par ces sociétés. Alors même que ces manquements résulteraient des défaillances d'une gestion mutualisée entre les deux sociétés du processus de règlement des factures et concerneraient pour partie des fournisseurs communs, le quantum de la sanction prononcée à l'encontre de la société Lacoste Opérations est sans incidence sur celui de la sanction prise à l'encontre à la société requérante.
23. En neuvième et dernier lieu, l'ampleur des retards de paiement constatés par la DIRECCTE et l'importance du montant des sommes payées avec retard par la société Lacoste France au détriment de ses fournisseurs portent atteinte à l'ordre public économique. Ainsi, eu
égard à la gravité des manquements constatés et compte tenu du chiffre d'affaires de la société, l'amende de 50 000 euros qui lui a été infligée ne revêt pas un caractère disproportionné.
24. Il résulte de tout ce qui précède que la société Lacoste France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par suite, les conclusions aux fins d'annulation ou de réformation de la sanction administrative infligée à la société Lacoste France ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Lacoste France est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Lacoste France et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 23 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Le Goff, président de chambre,
- Mme Collet, première conseillère,
- Mme Larsonnier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 octobre 2021.
La rapporteure,
V. LARSONNIER Le président,
R. LE GOFF
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA01925