Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 20 novembre 2020, 7 juillet et 14 septembre 2021, les associations Mousse et Stop Homophobie, représentées par Me Deshoulières, demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1915490/6-3 du 24 septembre 2020 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler la décision du 23 mai 2019 et la décision implicite née le 29 juin 2019 par lesquelles la Ligue de football professionnel a rejeté leur demande tendant à ce qu'elle mette en œuvre son pouvoir de sanction à l'encontre du Paris Saint-Germain Football Club ;
3°) d'enjoindre à la Ligue de football professionnel de faire usage de son pouvoir de sanction à l'encontre du Paris Saint-Germain Football Club ;
4°) de mettre à la charge de la Ligue de football professionnel le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de rejeter les conclusions présentées par la Ligue de football professionnel sur le fondement de ces mêmes dispositions.
Elles soutiennent que :
- le jugement attaqué méconnaît les dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- eu égard à l'élargissement de la notion d'intérêt à agir dans la jurisprudence du Conseil d'Etat et à la conception du recours pour excès de pouvoir comme un moyen de bonne administration en particulier dans le domaine des libertés publiques, et alors qu'elles ont pour objet de défendre les droits des personnes lesbiennes, gay, bi ou trans (LGBT) et de veiller à ce qu'aucune discrimination ou injure ne soit commise durant les rencontres sportives, elles justifient d'un intérêt à agir contre les décisions en litige de la Ligue de football professionnel ;
- les propos homophobes tenus par des supporters lors de rencontres de la Ligue de football professionnel constituent non seulement une faute disciplinaire susceptible d'engager la responsabilité de leur club, mais également une atteinte aux principes fondamentaux énoncés par la Charte d'éthique et de déontologie du football constituant l'annexe 8 des règlements généraux de la Fédération Française de Football 2018-2019 ainsi qu'aux libertés publiques ; il s'ensuit que la Ligue de football professionnel est tenue d'exercer son pouvoir disciplinaire à l'encontre du Paris Saint-Germain Football Club pour les propos tenus par ses supporters lors du match de Ligue 1 l'opposant à l'Olympique de Marseille le 17 mars 2019.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 juillet 2021, la Ligue de football professionnel, représentée par la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, conclut au rejet de la requête et, en tout état de cause, demande à la Cour de rejeter les conclusions tendant à l'annulation de ses décisions des 23 mai et 29 juin 2019 et de mettre à la charge des associations Mousse et Stop Homophobie le versement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par les requérantes ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du sport ;
- les règlements généraux de la Fédération française de football saison 2018-2019 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Larsonnier,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,
- et les observations de Me Deshoulières, pour les associations Mousse et Stop Homophobie et de Me Joly pour la Ligue de football professionnel.
Considérant ce qui suit :
1. Par un courrier du 29 avril 2019, les associations Mousse et Stop Homophobie, associations de la loi de 1901, ont demandé à la Ligue de football professionnel (LFP) de mettre en œuvre ses pouvoirs de sanction à l'encontre du Paris Saint-Germain Football Club en raison de propos homophobes tenus par ses supporters lors du match de Ligue 1 opposant ce club à celui de l'Olympique de Marseille le 17 mars 2019 au Parc des Princes. Par une décision du 23 mai 2019, après avoir présenté son plan d'action contre l'homophobie et rappelé les sanctions infligées du fait d'agissements à caractère homophobe au cours de deux matchs disputés en avril 2019, la Ligue de football professionnel a implicitement rejeté la demande présentée par les associations Mousse et Stop Homophobie. Ces dernières ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 23 mai 2019 ainsi que la décision implicite née le 29 juin 2019 par lesquelles la Ligue de football professionnel a rejeté leur demande tendant à ce qu'elle mette en œuvre son pouvoir de sanction à l'encontre du Paris Saint-Germain Football Club. Par un jugement du 24 septembre 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande pour irrecevabilité.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".
3. Il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué a été signé, conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative, par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. La circonstance que l'ampliation du jugement qui a été notifiée aux requérantes ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. Aux termes de l'article L. 131-14 du code du sport : " Dans chaque discipline sportive et pour une durée déterminée, une seule fédération agréée reçoit délégation du ministre chargé des sports. Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'attribution et de retrait de la délégation, après avis du Comité national olympique et sportif français ". Aux termes de l'article L. 132-1 du même code : " Les fédérations sportives délégataires peuvent créer une ligue professionnelle, pour la représentation, la gestion et la coordination des activités sportives à caractère professionnel des associations qui leur sont affiliées et des sociétés sportives. (...) ". Aux termes de l'article L. 131-15-1 du même code : " Les fédérations délégataires, le cas échéant en coordination avec les ligues professionnelles qu'elles ont créées, établissent une charte d'éthique et de déontologie conforme aux principes définis par la charte prévue à l'article L. 141-3. Elles instituent en leur sein un comité doté d'un pouvoir d'appréciation indépendant, habilité à saisir les organes disciplinaires compétents et chargé de veiller à l'application de cette charte et au respect des règles d'éthique, de déontologie, de prévention et de traitement des conflits d'intérêts ".
5. Aucune disposition du code du sport ou des règlements généraux de la Fédération française de football de la saison 2018-2019 ne prévoit que la Ligue de football professionnel, qui a en charge l'organisation et la gestion des compétitions de football professionnel de Ligue 1 et de Ligue 2, puisse être directement saisie par une association qui n'intervient pas dans le domaine du football professionnel afin d'exercer, par l'intermédiaire de sa commission de discipline, son pouvoir disciplinaire à l'encontre d'un club de football professionnel. La circonstance que la Fédération française de football et la Ligue de football professionnel ont adopté le 16 décembre 2017 une charte d'éthique et de déontologie du football n'est pas davantage de nature à permettre à une telle association de saisir directement la Ligue de football professionnel dès lors, au demeurant, que seul un comité créé à cet effet peut saisir les organes disciplinaires compétents en cas de non-respect de cette charte en application de l'article L. 131-15-1 du code du sport. Dans ces conditions, les associations Mousse et Stop Homophobie, qui n'interviennent pas dans le domaine du football professionnel, ne justifient pas d'un intérêt leur donnant qualité pour contester le refus de la Ligue de football professionnel de mettre en œuvre ses pouvoirs de sanction à l'encontre du Paris Saint-Germain Football Club en raison de propos homophobes qui auraient été tenus par ses supporters lors du match de Ligue 1 opposant ce club à celui de l'Olympique de Marseille le 17 mars 2019.
6. Il résulte de tout ce qui précède que les associations Mousse et Stop Homophobie ne sont pas fondées à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions aux fins d'annulation des décisions des 23 mai 2019 et 29 juin 2019 de la Ligue de football professionnel et celles aux fins d'injonction doivent être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la Ligue de football professionnel, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que les associations Mousse et Stop Homophobie demandent au titre des frais liés à l'instance. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge des associations Mousse et Stop Homophobie le versement de la somme que la Ligue de football professionnel demande sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête des associations Mousse et Stop Homophobie est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la Ligue de football professionnel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié aux associations Mousse et Stop Homophobie et à la Ligue de football professionnel.
Délibéré après l'audience du 14 octobre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Le Goff, président,
- M. Ho Si Fat, président assesseur,
- Mme Larsonnier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 novembre 2021.
La rapporteure,
V. LARSONNIER Le président,
R. LE GOFF
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 20PA03500 2